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L'INFORMATION EN TEMPS DE CRISE Le dilemme des médias imprimés Claude Masson La Presse 150 Communications en temps de crise Au cours de la dernière décennie, le Québec a connu diverses crises importantes : crise linguistique, crise constitutionnelle, crise amérindienne (Oka-Kanesatake et Châteauguay-Kahnawake), crise du verglas et autres. Lorsque la crise est de nature strictement politique, les médias d'information n'ont pas de véritable problème à la gérer. Presse écrite ou presse électronique, toutes deux possèdent des journalistes compétents et des cadres expérimentés qui peuvent suivre adéquatement le déroulement de la crise. Les médias ont l'expertise requise des campagnes électorales ou référendaires, les contacts voulus auprès des sources d'information appropriées, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des formations politiques, ils savent à qui faire appel pour obtenir des opinions variées et des commentaires opposés. Ce sont les crises à portée sociale qui prennent le plus souvent au dépourvu les médias d'information. Avant 1990, le Québec n'avait pas beaucoup l'habitude des crises autochtones avec mort d'homme, barricades, fermeture de pont, interdiction de circuler sur des routes, occupations, affrontements armés, etc. Le traumatisme suscité par cette guerre des nerfs a été collectif. Tous les Québécois étaient concernés et... consternés. Plus près de nous, la crise du verglas, vécue il y a un an, était elle aussi inédite. Tous et toutes, citoyens et autorités à tous les paliers, ont été pris par surprise par l'ampleur et la durée de la crise du verglas. Comment réagir ? Comment procéder ? Comment faire ? Ces questions, les pouvoirs publics se les sont posées. Les médias d'information également. Comment réagir sans créer plus de panique qu'il n'en existait déjà? Comment procéder à la « couverture » de tels événements inusités ? Comment faire pour informer la population correctement alors que de telles crises sont déjà spectaculaires et sensationnelles en elles-mêmes ? Contrairement aux crises politiques, les médias n'ont pas de précédent, d'historique, de compétence, d'expérience des crises à caractère social et/ou humanitaire. Aux premières heures sinon aux premiers jours de telles crises, nous faisons ce que j'appellerais du « journalisme de catastrophe » ou du « journalisme-pompier ». Durant la période-choc de la crise amérindienne aussi bien que de la crise du verglas, les gens des médias n'ont pas accompli leur travail selon les règles professionnelles usuelles. Journalistes, nous avons été, par la force des choses, en raison du drame collectif qui se vivait durant la crise du verglas, de véritables serviteurs, des transmetteurs fidèles des pouvoirs publics et des organismes d'entraide alors en cause, que ce soit Hydro-Québec, l'armée canadienne, la Croix-Rouge, la Sécurité publique, les gouvernements municipaux, provincial ou fédéral. [52.14.130.13] Project MUSE (2024-04-20 03:48 GMT) Chapitre 14 - L'information en temps de crise 151 En clair, nous avons dit en ondes ce qu'ils voulaient dire. Nous avons écrit dans les journaux les messages qu'ils voulaient transmettre à la population. Jour après jour, sinon d'heure en heure ou de minute en minute, nous avons servi de relais aux volontés de tous les décideurs, de courroies de transmission de tous les messages. Sans recul, sans vérification des faits ou des énoncés, sans exercer l'esprit critique habituel. Du moins au plus fort de la crise. Je ne critique pas les gens de mon métier d'avoir agi ainsi. Nous avons été, comme tout le monde, pris par surprise... sinon pris de panique. C'était pour nous une première expérience d'un sinistre d'une telle envergure. Autre phénomène important vécu à l'intérieur des médias durant les deux dernières crises sociales vécues : pour une rare fois, un grand nombre de journalistes ont été aussi des victimes. Le fait de vivre le même drame que les autres citoyens a modifié considérablement notre approche journalistique. Habituellement, nous sommes des spectateurs de la scène et non des acteurs. Durant la crise du verglas, plusieurs journalistes ont été des acteurs parce que touchés directement...

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