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La métropole comme espace politique
- Presses de l'Université du Québec
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La métropole comme espace politique Louise Quesnel Nous avons coutume de nous situer au niveau des grands problèmes de société pour amorcer une réflexion sur les institutions, les processus et les médiations sociopolitiques. Le désengagement de l’État, la globalisation de l’économie, la restructuration horizontale et verticale sont des thèmes désormais incontournables pour encadrer les problématiquesurbaines (Sassen, 1994; Gœtz et Clarke, 1993).Toutefois, notre point de départ se veut plus microsociologique, plus près de la région et du milieu de vie, voire de l’espace de la vie quotidienne (Smith et Blanc, 1997; Rémy, 1992).À cette fin, nous amorçons cette réflexion à partir des conditions locales propres aux grandes agglomérations nord-américaines, parmi lesquelles se situe celle de Montréal, en soulignant combien l’étalement urbain, la baisse de la qualité des services, la hausse des coûts, les taxes élevées, la décroissance des rentrées fiscales, la concentrationdes démunis dans les quartiers centraux, etc., constituent des phénomènes inquiétants. Ces conditions sont caractérisées par la disparité, l’inégalité et l’exclusion, qui représentent autant de réalités que nous souhaiterions écarter, pour faire en sorte que chacun puisse vivre dans des conditions acceptables et que les milieux urbains répondent aux attentes variées et multiples. Nous sommes conviés à réfléchir sur une institution métropolitaine, la Communauté urbaine de Montréal, et sur un territoire, celui de la grande région de Montréal, auquel nous appliquons le constat qui vient d’être tracé.Animés par une commune volonté de trouver une solution aux problèmes de la métropole, nous ne pouvons ignorer les problèmes qui sont ceux de la métropole et de ses quartiers, de même que les tensions qui rendent difficiles les processus décisionnels qui pourraient y apporter des solutions. Ces tensions ébranlent la CUM aujourd’hui, alors qu’elle est critiquée pour son incapacité à construire un sentiment d’appartenance régional et à se faire valoir comme acteur stratégique de premier plan au niveau de la grande région. Les événements et le contexte actuel ont fait en sorte que la CUM est dépassée de toutes parts, alors que les pressions de gestion régionale se font plus pressantes. Pendant les années d’après-guerre,et à la faveur de l’idéologiekeynésienne qui a servi de base à une intervention étatique élargie, la régulation des inégalités et des contradictions urbaines a été assumée en grande partie par les instances 122 Louise Quesnel gouvernementales fédérales et provinciales. À cet égard, les projets actuels de décentralisation et de redéploiement des responsabilités entre les ordres de gouvernement pourraient avoir deux conséquences importantes pour les localités. D’une part, les municipalités seront appelées à prendre en charge des services qu’elles n’assumaient pas traditionnellement,comme les garderies et les services sociaux pour les personnes âgées et les démunis, et à être chargées d’une plus grande partie des coûts des services locaux. D’autre part, la réduction des interventions régulatrices à l’échelle provinciale concernant les services locaux (appelée la déréglementation et la fin du « mur à mur ») pourra donner lieu à de nouvelles façons de faire qui bouleverseront les dynamiques locales. Comme le soutenait Frisken dès 1986,la tendance à la réduction de l’intervention provinciale dans la gestion des questions locales pourra signifier un abandon des objectifs d’égalisation des services et une interruption de l’aide financi ère aux municipalités. Nous constatons que cette prévision est en train d’être réalisée, enrobée dans un discours qui s’appuie sur l’autonomie locale, et dans une conjoncture où les ressources disponibles sont rares. Dans la même perspective , il est aussi prévu que, dans le contexte des municipalités canadiennes, une réduction de la réglementation provinciale pourra avoir pour effet d’augmenter l’assujettissement des autorités municipales aux forces politiques locales, notamment aux forces reliées aux intérêts d’affaires (Frisken, 1986, p. 174; Keating et Mehrhoff, 1992, p. 174).Ainsi, un type de gestion locale basé sur la cooptation et le corporatisme pourrait être mis en place, selon un modèle typiquement américain...