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Concertation et démocratie : enjeux pour le mouvement syndical et les groupes communautaires Josée Lamoureux Dans leur livre le Défi du plein emploi, Diane Bellemare et Lise Poulin-Simon ont indiqué que l’institutionnalisation de la participation des principaux acteurs du marché du travail comptait parmi l’une des conditions de réalisation du plein emploi1 . Participation devant s’exercer sous le mode de la concertation. Or, l’engouement actuel pour la participation en matière de politiques publiques et, par ricochet, pour la concertation semble nous faire oublier le sens que lui donnaient ces deux auteures. Contrairement à la consultation, la concertation se veut décisionnelle. De plus, mettant en scène des groupes en conflit, elle doit être dissociée d’un processus essentiellement consensuel2 . Elle relève plutôt d’une logique de négociation. Cela dit, le recours de plus en plus fréquent et populaire à la concertation ne pose pas qu’un casse-tête sémantique. La prolifération des expériences de concertation depuis les années 1980, et tout particulièrement au début des années 1990, 1. Pour D. Bellemare et L. Poulin-Simon (1986), il y a quatre « conditions de réalisation » du plein emploi : un engagement politique envers le plein emploi, une participation des groupes à la définition des politiques et aux choix des mesures et programmes, une institutionnalisation de la participation ainsi qu’une décentralisation administrative et décisionnelle. 2. Comme elles le soulignent : « Cette participation [des groupes] ne doit pas être assimilée à la concertation prise au sens traditionnel du terme, soit à l’établissement de consensus. En effet, il est utopique de penser que dans le cadre nord-américain, il soit possible pour les syndicats, pour les patrons et même pour d’autres groupes de s’entendrent à la suite de discussions sur des actions communes à entreprendre. Des groupes homogènes qui ne sont pas en relation conflictuelle entre eux peuvent se concerter et arriver à des consensus. Mais lorsqu’il est possible pour des groupes de développer des rapports antagonistes, la participation devient un processus de négociation. » (D. Bellemare et L. Poulin-Simon, 1986 : 419). 256 Objectif plein emploi soulève aussi des interrogations3 . Car, si elles demeurent une voie intéressante, certains diront incontournable, pour le développement de l’emploi, elles sont réalisées dans une conjoncture particulière et prennent des formes originales. Dans ce texte, je propose d’amorcer une réflexion sur la concertation en trois temps. D’abord, j’analyserai brièvement le contexte d’émergence des récentes pratiques de concertation au Québec. Cette analyse mettra en relief leurs particularités ainsi que certaines divergences avec la naissance et l’essor de telles expériences dans quatre pays à forte tradition de concertation, soit l’Allemagne, l’Autriche, la Norvège et la Suède. Ensuite, je discuterai des enjeux pour le mouvement syndical et les groupes communautaires de ces récents appels à la concertation. Nous verrons que ceux-ci sont à la fois organisationnels et politiques. Enfin, en terminant, j’esquisserai quelques pistes de réflexion sur les liens entre la concertation et la démocratie, question qui est revenue « hanter » nos esprits à la suite des derniers sommets socio-économiques4 . ÉMERGENCE DES PRATIQUES DE CONCERTATION DÉCISIONNELLE AU QUÉBEC Au Québec, bien que l’on parle depuis longtemps de concertation, la fin des années 1980 et le début des années 1990 semblent marquer un tournant (Fontan, 1991 ; Bélanger et Lévesque, 1992). Diverses initiatives plus ou moins formalisées, ayant en commun de se réclamer de la concertation et de reposer sur la participation de différents acteurs socio-économiques, voient le jour. En effet, c’est l’époque où naissent les premiers Centres de développement économique et communautaire (CDÉC) au niveau du développement local, ainsi que la période où s’implantent des partenariats dans le domaine de la santé mentale. C’est aussi le moment où l’on discute de la création de la Société québécoise de développement de la main-d’œuvre (SQDM) et de la stratégie des grappes industrielles. Ces interventions se distinguent des expériences de concertation antérieures en ce sens où le gouvernement accepte de déléguer à des groupes un véritable pouvoir décisionnel. Certes, comme le soulignent Bélanger et Lévesque (1992), la tenue de sommets...

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