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La fiscalité et l'emploi: l'expérience québécoise récente
- Presses de l'Université du Québec
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La fiscalité et l’emploi : l’expérience québécoise récente Richard Langloisl De l’avis de plusieurs, la définition d’un nouveau pacte fiscal pour le Québec commande une réforme fiscale en profondeur. Or, cette dernière nécessite une vaste réflexion, impossible à compléter en quelques semaines. Dans cette perspective, l’exercice qui fut amorcé par la Commission sur la fiscalité et le financement des services publics en 1996, bien qu’il fût très court, aurait pu constituer le point de départ d’une série de travaux et de consultations publiques pouvant mener à une vraie refonte du dispositif. Encore aurait-il fallu qu’une volonté politique assure le relais. En outre, il fallait à tout prix éviter que l’engagement pris à la Conférence socio-économique de mars 1996, à l’effet de parvenir à annuler le déficit budgétaire d’ici l’an 2000, consacre une stratégie financière qui était déjà trop centrée sur la réduction des dépenses publiques. Voilà en effet plus d’une décennie que nos gouvernements – à l’instar de ceux de plusieurs autres pays développés – intensifient les mesures de compression et de réduction des dépenses de l’État au nom de la lutte contre le déficit, quand ce n’est pas carrément en vue d’un désengagement de l’État jugé trop tentaculaire. L’invocation, devenue maintenant incantatoire, d’un fardeau fiscal excessif, des contraintes d’une fiscalité compétitive, de la crainte de décourager les initiatives, sert de prétexte pour éviter un examen attentif du dispositif fiscal et se dérober aux exigences d’un effort de financement adéquat et équitablement partagé des services publics. Chaque année apporte malgré tout son lot de nouvelles mesures fiscales, parafiscales et tarifaires qui s’enchevêtrent pour former un inextricable fouillis. Faut-il rappeler que la dernière réflexion globale portant sur la fiscalité remonte à la Commission Carter au début des années 1960 ? Depuis, nos gouvernements ont 1. Économiste, Centrale de l’enseignement du Québec, Montréal. 206 Objectif plein emploi ajouté, modifié, retranché des mesures au gré des modes, des pressions, des impératifs circonstanciels pour aboutir à cette construction alambiquée, de plus en plus improductive et inintelligible, sauf pour une poignée de spécialistes. Cela sape le consensus social nécessaire au maintien d’un financement adéquat des services publics et donne beau jeu aux gouvernements pour affirmer que les solutions aux problèmes budgétaires passent par des réductions massives des services publics. Il faut également rappeler que dans nos économies modernes, toutes les étapes du processus économique sont influencées par la fiscalité : la production, la répartition du revenu, l’épargne, l’utilisation des biens et services, des ressources financières, etc. En outre, les agents économiques ont tendance, dans une certaine mesure, à adapter leurs comportements de consommation, d’investissement, de localisation, d’épargne, d’importation et d’exportation, en fonction de l’environnement fiscal qui les entoure. Les choix économiques sont donc en partie déterminés par la fiscalité. L’État doit par conséquent veiller à effectuer les arbitrages nécessaires à l’atteinte d’une plus grande efficacité économique et d’une plus grande équité sociale. Lorsqu’il parvient à concilier les multiples intérêts divergents qui se manifestent immanquablement, un certain« compromis social » s’installe. Or, c’est à l’érosion de ce « compromis social » auquel nous assistons depuis quelques années au Québec, phénomène qui se traduit notamment par une grogne fiscale montante et par un effritement des solidarités indispensables au bon fonctionnement de la société. On peut certes convenir que les impôts et les taxes n’ont jamais eu la faveur populaire. Mais le dérapage actuel semble indiquer que l’on a dépassé le stade de la simple allergie fiscale. La contestation des taxes et impôts gagne en popularité ; la contrebande, l’économie souterraine et le travail au noir prolifèrent. Les motifs précédents permettent de comprendre l’accueil favorable qui fut réservé à la mise sur pied d’une commission sur la fiscalité, par celles et ceux qui sont préoccupés par les questions d’équité et de financement des services publics. UN FARDEAU FISCAL EXCESSIF ? Dans la série de conjectures susceptibles d’expliquer l’actuel ressac de la population...