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CHAPITRE 4 ET SCIENCE Lawrence Olivier Université du Québec à Montréal La réflexion épistémologique en science politique est pratiquement inexistante. Contrairement à d’autres disciplines des sciences sociales ou humaines -sociologie,psychologie,histoire, géographie, etc. -il n’y a presque pas de travaux d’épistémologie en science politique1 . Les raisons de cette absence tiennent peut-être au fait que la science politique est une discipline scientifique depuis longtemps institutionnalis ée et que le besoin d’affirmer son statut de science ne se fait pas véritablement sentir. Pourtant, certains sociologues, comme Pierre Bourdieu, font de la réflexion épistémologique un critère de scientificit é, une condition d’accession d’un discours au statut de science2 . I1 est possible aussi que les nombreux objets de la science politique - État, rapports sociaux de sexe, comportements, opinions et vote, bureaucratie, partage équitable des richesses, relations entre les États, etc. - et l’existence de plusieurs théories et méthodologies ont rendu difficile sinon impossible une telle réflexion épistémologique . La science politique étant une discipline carrefour, sans véritable paradigme (ou théorie) dominant, qui n’existe que par l’intérêt 1. Les ouvrages suivants traitent d’épistémologie de la science politique : François Borella. Critique de la politique. Paris, Presses universitaires de France, 1990; Gérard Duprat (dir.), Connaissance du politique. Paris, Presses universitaires de France, 1990; Maria J. Falco (dir.) Feminism and Epistemology: Approaches to Research in Women and Politics. New York, Haworth Press, c1987 et Truth and Meaning in Political Science :An Introduction to Political Inquiry. Columbus, Ohio, Merril, 1973; William E. Connely. Political Science and Ideology. New York, Atherton Press, 1967. 2. Pour lui, il n’y a pas de science, si elle ne s’accompagned’une réflexion épistémologique sur les conditions de possibilité de son propre discours. Pierre Bourdieu, Questions de sociologie, Paris, Minuit, c1984 et Le métier de sociologue : préalables épistémologiques, Paris, Mouton, c1974. 92 Épistémologie de la science politique commun que partagent des individus pour le politique, la réflexion épistémologique risquerait de ne jamais pouvoir saisir complètement la pratique scientifique - les processus communs de production de la connaissance -de notre discipline. Ces raisons, aussi valables qu’elles paraissent, n’expliquent pas l’absence d’analyse épistémologique de la part des politologues; tout au plus, elles montrent les difficultés d’une telle réflexion. Ajoutons également, car cela revêt une certaine importance et est peut-être lié à la première difficulté, qu’on a jusqu’à maintenant conçu la réflexion épistémologique d’une certaine manière, c’est-à-dire comme la recherche d’un critère pour démarquer la science de la non-science, la connaissance du sens commun. I1 faut peut-être considérer le problème autrement et faire de cette absence la problématique épistémologique elle-même, un élément ou une condition de l’émergence d‘une sciencede la politique. En d’autres termes, les explications fourniesjusqu’à maintenant pourjustifier l’absence d’analyse épistémologique de la science politique ne nous apparaissent pas valables mais, en même temps, il semble évident qu’une telle réflexion doit reposer sur de nouvelles bases. I1 ne s’agira donc pas de rechercher les critères qui démarquent la science politique du sens commun, ni même d’essayer d’en proposer un qui inscrirait mieux notre discipline dans son statut de science. C’est ce type de pratique normative qui empêche que soit menée une véritable réflexion épistémologique. Cette épistémologie n’a servi qu’à justifier et à légitimer, comme le montrent les tentatives de Bourdieu, une certaine pratique scientifique3 . Il faut plutôt partir du constat de l’absence de réflexion épistémologique dans une discipline reconnue, largement acceptée et implantée dans la communauté scientifique, et essayer de comprendre comment cette absence rend possible une certaine pratique discursive à prétention scientifique sur le politique. L’absence doit être considérée ici comme le symptôme d’un malaise que la réflexion épistémologique a pour tâche de diagnostiquer . Ce malaise ne serait-il pas celui du rapport de la science politique à son histoire ? On ne parle pas ici de cette pratique historique qui consiste à montrer comment la sciencepolitique s’est détachée peu à peu du sens commun, comment elle a acquis le statut de...

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