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CHAPITRE 1 ÉPISTÉMOLOGUES DE LA SCIENCEPOLITIQUE À VOS MARQUES! André-J. Bélanger Université de Montréal Les géomètres, qui ne sont que géomètres ont [...] l’esprit droit, mais pourvu qu’on leur explique bien toutes choses par définitions et principes; autrement, ils sont faux et insupportables, car ils ne sont droits que sur les principes bien éclaircis. PASCAL Toute science repose sur des conventions, des sous-entendus et des modes de raisonnement bien spécifiques1 . Aussi, est-il intéressant de parvenir à les dégager clairement, quelle que soit la discipline observée. 1. Ce texte est destiné en particulier aux étudiants qui suivent mon cours d‘épistémologie de la science politique. I1 ne constitue pas plus qu’un coffre à outils. C’est voulu ainsi. I1 ne se propose pas de tenir de savants propos sur l’épistémologie en général, non plus que de se livrer à une épistémologie de la discipline. Commeje m’applique à le répéter dans mes séminaires, il ne s’agit pas tellement d’entendre parler d’épistémologie, mais plutôt d’en faire. Afin de faciliter cette pratique épist émologique sur le terrain de la science politique, je propose bien modestement un ensemble de considérations générales susceptibles d’en permettre un premier accès. En fonction de cette visée pédagogique de la découverte par soi-même, le propos qui va suivre est délibérément didactique ; il est conçu en vue d’une action analytique ultérieure. Après la lecture de ce chapitre-ci, tout demeurera encore à faire. Le propos n’a surtout pas pour intention d’apporter quelque réponse que ce soit. Bien des illustrations fort convaincantes ont dû être omises parce qu’elles appartiennent aux ouvrages étudiés dans le cours. Le lecteur voudra bien excuser cette indélicatesse. Je saisis l’occasion pour remercier d‘abord celui qui m’a mis dans la tête cette idée farfelue d‘offrir un enseignement d’épistémologie de la science politique : étudiant à l’époque puis collègue et ami par la suite, Gérard Boismenu. Puis Ianik Marcil, presque collègue,qui m’a fait part de ses commentaires judicieux. Viennent ensuite tous ces étudiants qui d’année en année m’ont encouragé à poursuivre dans cette allée cavalière. 14 Épistémologie de la science politique Ce type d’analyse revient à l’épistémologie.Elle consiste à porter un regard critique sur les propos que tiennent les sciences, qu’il s’agisse, par exemple, de la chimie, de la biologie, ou encore de la psychologie ou de la sociologie. Par regard critique, on entend un regard qui se propose d’évaluer les fondements de ces disciplines, leurs modes de démonstration et la qualité de leurs découvertes. Le terme même d’épistémologie peut parfois prêter à confusion parce que la tradition philosophique anglo-saxonne lui confèreun sens plus large; dans ce cas, il renvoie plus globalement à ce que nous convenons d’appeler la philosophie de la connaissance. Suivant cette tradition, L’Enquête sur l’entendement humain de Hume, tout comme La Critique de la raison pure de Kant, appartient à l’épistémologie, tandis qu’en langue française, l’épistémologie vise généralement un propos sur la science. On dira volontiers qu’elle est un discours sur le discours, puisqu’elle exprime un point de vue sur le discours scientifique . L’épistémologie ne peut donc, suivant cette acception, s’adresser, par exemple, à l’action politique, à l’art ou à la littérature : il n’existe pas une épistémologie de la guerre du Golfe, de La Joconde ou encore de Madame Bovary. En revanche, dans la mesure où l’étude des relations internationales, l’histoire de l’art et la critique littéraire peuvent être tenues comme des discours rigoureusement analytiques, on peut parler d’une épistémologie de ces disciplines, qui, elles, ont tout le loisir d’aborder respectivement la guerre du Golfe, La Joconde, et Madame Bovary comme objet d’observation. Entendue dans le sens anglo-saxon de philosophie de la connaissance, une épistémologie des idées politiques tenterait de dégager les postulats cognitifsqui fondent une morale à portée politique; elle se demanderait en vertu de quel principe de connaissance tel discours éthique est possible. C’est là un prolongement qui s’éloigne de l’épist...

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