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Introduction La résurgence du nationalisme et l’émergence de l’État social moderne comptent certainement parmi les phénomènes politiques les plus marquants de la seconde moitié du 20e siècle. Pourtant, à ce jour, peu de travaux se sont penchés sur l’interaction possible de ces deux réalités1.Certes,quelques études sur la citoyenneté sociale ont analysé les liens existant entre l’identité nationale et la protection sociale,mais rarement ont-elles examiné ces rapports dans l’optique du nationalisme2. Par ailleurs, les spécialistes du nationalisme s’intéressent peu aux questions de protection sociale,préférant mettre l’accent sur les institutions politiques, la langue, la culture, l’appartenance ethnique ou la religion3. Ainsi, un ouvrage publié à l’initiative de l’Association for the Study of Ethnicity and Nationalism, qui devait dégager les grands champs de recherche en matière de nationalisme, ne dit mot sur les politiques sociales4. Nous avons donc choisi de mettre en lumière les interactions entre politiques publiques, formation identitaire et mobilisation territoriale. Optant pour une analyse empirique des relations entre le nationalisme et la protection sociale, nous avons ainsi établi des passerelles entre deux grands domaines de recherche en sciences sociales. Notre analyse souligne la nature complexe de la solidarité territoriale dans les États multinationaux.Les limites territoriales de la solidarité sociale et de la distribution de la richesse constituent le cœur de cette question. En d’autres termes, nous cherchons à savoir comment se construit une collectivité profitant 1. Font exception les travaux de Nicola McEwen,notamment l’article «StateWelfare Nationalism: The Territorial Impact of Welfare State Development in Scotland» (2002). 2. Voir T. H. Marshall, Social Policy (1965). 3. Insérer les politiques sociales dans l’analyse du nationalisme est loin de correspondre à l’oblitération des éléments d’ordre culturel; c’est plutôt ajouter une dimension au nationalisme . Nous reconnaissons que protection sociale et culture sont toujours reliées, parfois de façon lâche, mais le plus souvent, très intimement. Par exemple, dans certains États multilingues , la prestation des services de santé suppose l’existence d’une politique linguistique. En pareils cas, les politiques sociales reflètent la perception ambiante du pouvoir respectif des groupes linguistiques en présence. 4. Voir M. Guibernau et J. Hutchinson (dir.), Understanding Nationalism (2001). 14 NATIONALISME ET PROTECTION SOCIALE d’une justice sociale donnée5 ou,plus prosaïquement,à quel type de collectivité s’applique le concept de solidarité sociale qui charpente la protection sociale. Généralement,lorsque l’on parle de nationalisme,on dira que la solidarité sociale concerne les membres d’une même collectivité nationale ou, encore, la nation.Cependant,à ce sujet,rien n’est simple.Ainsi,au Canada,au RoyaumeUni et en Belgique coexistent des projets dits nationaux, mais contradictoires ou concurrents. Cette situation tient au fait que tous les éléments de la population ne définissent pas la nation de façon identique selon les individus et les groupes. On comprend facilement que, dans les trois pays cités, les politiques sociales,perçues comme des mécanismes ou comme des symboles de solidarité sociale,sont aujourd’hui intimement connectées aux mouvements nationalistes. Territoire, nation et politiques publiques Même si on ne parle plus qu’en termes de mondialisation en ce qui a trait aux phénomènes culturels, économiques et politiques, on s’entend de plus en plus chez les spécialistes de la science politique et de la sociologie pour reconnaître la place importante qu’occupent toujours les institutions étatiques. De même, les spécialistes font état de la prépondérance de la notion de territoire lorsqu’il est question de politique ou d’économie, cette réalité concernant aussi bien le monde occidental que le reste de la planète6. Il n’en demeure pas moins que, malgré les nombreuses études disponibles sur le fédéralisme et sur la décentralisation des pouvoirs, trop peu de travaux sont consacrés à la nouvelle synergie entre, d’une part, l’identité territoriale et, d’autre part,les choix de politiques.Or,cette articulation entre les deux phénom ènes soulève des interrogations théoriques fondamentales, dont celles-ci : 1. Comment la mobilisation ou l’identité territoriale influe-t-elle sur les politiques publiques? 2. Quel est le rôle des politiques en place dans la formation de l’identité ou dans la mobilisation territoriale? 5. Voir David...

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