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Chapitre 5 La modélisation des concepts Christophe Roche S’intéresser à la modélisation des concepts, c’est avant tout se poser la question de la place des concepts au sein de la terminologie. Question que l’on peut légitiment se poser au regard d’une discipline aujourd’hui principalement étudiée dans sa dimension linguistique, ce qui se comprend si l’on considère que les termes sont avant tout des mots. Cet état de fait se trouve conforté à la fois par les difficultés de mise en œuvre des principes de la terminologie classique au sens wüstérien et normatif (Van Campenhoudt , 2006, Humbley, 2004) et par le succès qu’a connu, et connaît encore, l’informatique linguistique. La dimension conceptuelle de la terminologie s’est effacée au profit de sa dimension linguistique (seule partie visible), les mots étant des données objectives sur lesquelles nous pouvons appliquer des méthodes scientifiques. La terminologie est devenue principalement une lexicographie de spécialité et, en ce sens, relève de la linguistique. Toutefois, de nouveaux besoins et de nouvelles pratiques apparaissent, directement liés à la société de l’information. Les bibliothèques numériques spécialisées, la communication entre communautés de pratique, la capitalisation des connaissances, les moteurs de recherche sémantique, la conception de systèmes informatiques sont autant d’exemples de traitement de l’information qui requièrent une opérationnalisation des terminologies, c’est-à-dire une représentation computationnelle de la réalité qui repose sur une conceptualisation du monde et des mots justes pour en parler (Roche, 2007 [2008]). La modélisation du concept pose le problème de sa représentation. Dans ce contexte, la logique et, plus précisément, les ontologies issues de l’ingénierie des connaissances constituent aujourd’hui une des voies les plus prometteuses pour la modélisation des systèmes notionnels. Cependant, si 86 Chapitre 5 l’utilisation d’un langage formel garantit un certain nombre de propriétés recherchées, dont la cohérence et l’objectivité des définitions, elle limite le champ du connaissable aux expressions bien formées du langage et impose, pour l’appréhension de la réalité et la construction du système notionnel, les principes épistémologiques sur lesquels repose ce langage artificiel. La société numérique, en plaçant le concept et sa définition formelle au centre de sa démarche, réactualise la terminologie classique et jette sur cette discipline un regard nouveau, sans pour autant rejeter sa dimension linguistique. Elle nous amène à distinguer clairement les pratiques et les notions qu’elle mobilise. Ainsi, la conceptualisation d’un domaine et les discours auxquels elle peut donner lieu ne doivent pas être confondus, tout comme les notions de concept et de signifié ou de dénomination et de désignation. La société numérique aboutit à de nouveaux paradigmes tels que l’ontoterminologie, qui permet de concilier, dans un cadre unificateur , les dimensions épistémologique, logique et linguistique de la terminologie. 1. Nouveaux besoins Il existe des domaines qui reposent sur une terminologie au sens wüsterien du terme, c’est-à-dire sur une conceptualisation du monde et sur des désignations univoques. C’est le propre des domaines scientifiques et techniques qui requièrent «un moyen d’expression qui permette à la fois de prévenir les erreurs d’interprétation et d’empêcher les fautes de raisonnement. Les unes et les autres ont leur cause dans l’imperfection du langage» (Frege, 1971). Les applications liées aux traitements de l’information élargissent ce besoin en lui apportant une acuité nouvelle à travers une contrainte supplémentaire, celle de l’opérationnalisation des terminologies. En effet, la conceptualisation du domaine doit pouvoir donner lieu à une représentation manipulable par un ordinateur, où les concepts ne se définissent pas en langue naturelle mais dans un langage formel. Illustrons ces propos à l’aide de trois types d’exemples, qui tous nécessitent une modélisation formelle et computationnelle des terminologies. Le premier exemple porte sur les systèmes d’information et s’intéresse prioritairement à la dimension conceptuelle de la terminologie. Le deuxième concerne l’ingénierie collaborative et les problèmes de communication entre agents. Le troisième exemple est celui des moteurs de recherche sémantique et de la gestion d’informations spécialisées pour lesquels la dimension linguistique semble à priori prépond...

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