In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

L e 6 février 2012, Le Droit annonçait la faillite de l’Union du Canada. La Cour supérieure avait ordonné la liquidation de la mutuelle. Le journaliste Philippe Orfali écrivait que l’ex-président et chef de la direction devait faire face à une série d’allégations d’abus de pouvoir, d’intimidation, de conflit d’intérêts et à plusieurs autres infractions à la Loi sur les sociétés par actions1 . La disparition de cette mutuelle, qui devait fêter son 150e anniversaire en 2013, me laissa étonnamment indifférent malgré les heures passées à reconstituer son histoire. Cet état d’esprit venait sans doute de certains souvenirs. Quelques années plus tôt, les employés de l’Union du Canada m’avaient reçu avec froideur et indifférence lorsque j’avais demandé de consulter des documents sur son histoire. Ils me firent clairement savoir qu’ils s’en fichaient qu’un jeune thésard s’intéresse à leur société. Quelques mois plus tard, le regretté sénateur Jean-Robert Gauthier maugréa lorsque je lui fis part de mon projet de recherche. « Perds pas ton temps, dit-il, y ont jamais rien fait », en parlant de la cause franco-ontarienne qu’il avait lui-même si vaillamment défendue. Je me tus, n’osant pas lui expliquer que cette mutuelle n’avait pas toujours été aussi léthargique et inintéressante et qu’au siècle précédent, elle s’inscrivait dans le réseau institutionnel qui travaillait au développement des communautés canadiennes-françaises, comme il l’aurait lui-même souhaité, se portant au secours du travailleur, de la veuve et 1 Philippe Orfali, « Union du Canada Assurance-vie déclare faillite », Le Droit, 6 février 2012, [En ligne], [http://www.cyberpresse.ca/le-droit/actualites/ ville-dottawa/201202/02/01-4492078-union-du-canada-assurance-vie-declarefaillite .php] (24 avril 2012). Introduction 2 « L’UNION FAIT LA FORCE ! » : L’UNION SAINT-JOSEPH D’OTTAWA / DU CANADA de l’orphelin. Je me sentais incapable de lui fournir les justifications qui auraient pu pleinement lui faire comprendre l’extase d’un historien face à son sujet d’étude. L’histoire de cette mutuelle commença au milieu du xixe siècle. Le 22 mars 1863, un groupe de Canadiens français récemment arrivé du Québec se réunit dans une salle de classe de la rue Murray à Ottawa pour fonder une société de secours mutuels. Léonard Desmarais et Jean-Baptiste Champoux, deux cordonniers originaires de Joliette et depuis peu installés à Ottawa, étaient convaincus du bienfait que pouvait apporter ce type d’association aux travailleurs canadiensfran çais2 . Quelques années plus tôt, ils avaient participé à l’édification de l’Union Saint-Joseph de l’Industrie de Joliette. La fondation de cet organisme de prévoyance, durant la période de libéralisme économique, les convainquit de la nécessité de recréer l’expérience à Ottawa. Ils trouvèrent une oreille attentive à leur projet en la personne du cordonnier Cuthbert Bordeleau, qui allait par la suite devenir le premier président de l’association. Ce dernier, qui venait lui aussi de s’installer à Ottawa, avait collaboré avec Champoux et Desmarais à l’incorporation de l’Union Saint-Joseph de l’Industrie3. D’autres personnes se joignirent au groupe pour former le noyau de l’organisation et lancer les activités de la première société de secours mutuels canadienne-française d’Ottawa. La fondation de l’Union Saint-Joseph d’Ottawa n’était que l’une des nombreuses manifestations mutualistes engendrées par la création de nouveaux besoins inhérents à l’urbanisation et à l’industrialisation. Plus d’une centaine de ces petites associations furent fondées dans les communautés canadiennes-françaises, entre 1850 et 1900, pour répondre au désir de prévoyance des classes populaires4 . En effet, le 2 Charles Leclerc, L’Union Saint-Joseph du Canada : son histoire, son œuvre, ses artisans !, Ottawa, Union Saint-Joseph du Canada, 1939, p. 11-12. 3 Son rôle exact n’est pas connu, mais son nom apparaît dans la demande d’incorporation de l’Union Saint-Joseph de l’Industrie (Province du Canada, Acte pour incorporer la Société de l’Union St. Joseph de l’Industrie, 24 Vic., c. 117, Statuts de la province du Canada, Québec, Stewart Derbishire et George Desbarats...

Share