In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

IV Les religieuses hospitalières du Québec au XXe siècle : une main-d’œuvre active à l’échelle internationale Bb Aline Charles et François Guérard En 2004, Cynthia Toman et Meryn Stuart suggéraient que l’histoire canadienne de la santé se penche davantage sur les communautés religieuses féminines (et masculines), comme cela se faisait au Québec1. Des chercheuses, surtout, ont effectivement remonté plusieurs des pistes tracées par ces femmes en sol québécois, là où l’Église catholique joua longtemps un rôle de premier plan en matière de santé. Leur impact décisif sur la profession infirmière, leur organisation du travail si particuli ère, leurs rapports complexes avec l’État, l’évolution si révélatrice de leurs bâtiments institutionnels, l’imbrication étroite de leurs hôpitaux et de leurs communautés ont par exemple été sondés2. S’appuyant sur ces avancées, ce texte pro1 . Cynthia Toman et Meryn Stuart, «Emerging Scholarship in Nursing History», Bulletin canadien d'histoire de la médecine, vol. 21, no 2, 2004, p. 227. Plus récemment, un collectif commençait cependant à explorer ce terrain : Elizabeth M. Smyth (dir.), Changing Habits. Women’s Religious Orders in Canada, Ottawa : Novalis, 2007. 2. Outre les nombreuses monographies d’institutions ou de communautés hospitalières, voir notamment Aline Charles, «Women’s Work in Eclipse. Nuns in Quebec Hospitals, 1940-1980», dans Gina Feldberg et al. (dir.), Women, Health and Nation. Canada and the United States Since 1945, Montréal : McGill-Queen’s University Press, 2003, p. 264291 ; Danielle Juteau et Nicole Laurin, «La sécularisation et l’étatisation du secteur hospitalier au Québec de 1960 à 1966», dans Robert Comeau (dir.), Jean Lesage et l’éveil d’une nation, Québec : Presses de l’Université du Québec, 1989, p. 155-167; Esther Lamontagne et Yolande Cohen, «Les Sœurs grises à l’Université de Montréal, 1923-1947. De la gestion hospitalière à l’enseignement supérieur en nursing», Historical Studies in Education/Revue d’histoire de l’éducation, vol. 15, no 2, 2003, p. 273297 ; Tania Marie Martin, The Architecture of Charity. Power, Religion, and Gender in North America, 1840-1960, thèse de doctorat, Berkeley : University of California, 2002; François Rousseau, La croix et le scalpel. Histoire des Augustines et de l’Hôtel-Dieu de Québec, 2 tomes, Québec : Les Éditions du Septentrion, 1989 et 1994. 80 L’INCONTOURNABLE CASTE DES FEMMES 80 pose d’explorer une autre facette de l’histoire des hospitalières. Plus précisément, il s’intéresse à l’imposant réseau d’hôpitaux qu’elles développent au XXe siècle et qui, partant du Québec, s’étend au Canada et aux États-Unis surtout, mais aussi à d’autres continents, de l’Amérique du Sud à l’Asie en passant par l’Afrique et l’Europe. Certaines congrégations pilotent de vastes conglomérats d’hôpitaux qui enjambent allègrement les frontières et les mers. D’autres, au contraire, n’opèrent qu’à très petite échelle et se contentent d’administrer un ou deux modestes établissements en sol québécois. Mais que leurs aires d’influence soient grandes ou petites, ces communautés de femmes établies au Québec se trouvent collectivement placées à la tête d’un ensemble impressionnant d’institutions. Et rappelons qu’il s’agit ici d’une direction massivement et foncièrement féminine : si les communaut és masculines font bien acte de présence dans ce réseau d’hôpitaux géré par des membres de l’Église, elles y sont fort rares3. Religieuses professes de l’Hôtel-Dieu Saint-Vallier en 1933 Photographe : Joseph-Eudore Lemay, 1933 Fonds d'archives : Archives des Augustines de Chicoutimi Source : Hôtel-Dieu Saint-Vallier, Histoire de l’Hôtel-Dieu Saint-Vallier de Chicoutimi 1884-1934, Chicoutimi : Imprimerie du Progrès du Saguenay, 1934 Dans leur article de 2004, Cynthia Toman et Meryn Stuart plaidaient aussi pour que l’histoire des soins de santé au Canada abandonne ses approches en«silos» pour s’arrimer à des problématiques plus générales, celles du genre et du travail notamment4. Cet article tente de répondre à cet appel en montrant combien le vaste réseau hospitalier édifié par les congrégations religieuses5 repose, jusqu’aux années 1960, sur un travail féminin, non rémunéré et collectif...

Share