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Conclusion Alors le vieux mythe biblique se retourne, la confusion des langues n’est plus une punition, le sujet accède à la jouissance par la cohabitation des langues, qui travaillent côte à côte : le texte de plaisir, c’est Babel heureuse1. Le mythe de Babel n’est ni simple ni univoque. C’est ce que je tenais à souligner dans mon introduction, et les analyses confirment la diversité des interprétations que suscite le mythe. Il peut ainsi être perçu comme une bénédiction pour l’humanité. C’est en effet ce qui est révélé dans Babel, prise deux ou Nous avons tous découvert l’Amérique de Francine Noël, dans Ainsi parle la tour CN d’Hédi Bouraoui et, de façon encore plus frappante, dans Tambour-Babel d’Ernest Pépin. Dans ce dernier roman, les mélanges créés par les diverses langues et cultures ont donné naissance à de nouvelles cultures, dépeintes comme étant extrêmement riches. Par opposition, le texte de Monique Bosco, Babel-Opéra, propose une interprétation de Babel en termes de malédiction. Babel est à la source de tous les conflits sur la terre, surtout ceux qui ont trait aux conflits religieux, territoriaux, raciaux et ethniques . Rappelons que traditionnellement, les exégètes ont interpr été le mythe de Babel comme une malédiction parce que ce récit évoquait, selon eux, la perte de la langue parfaite et, par extension, la perte de la communication. Or, il n’est pas toujours nécessaire d’appréhender Babel seulement sous l’angle de la bénédiction ou de la malédiction. En fait, dans L’Algarabie de Jorge Semprún, il n’est pas question de déterminer si les effets de Babel sont positifs ou négatifs. On pourrait caractériser ce texte de « fataliste » ou 226 TOURS ET DÉTOURS encore d’« agnostique » à l’égard de Babel, car il accepte Babel et ses conséquences sans chercher à savoir s’il s’agit d’une malédiction ou d’une bénédiction. La langue ayant été confondue, le lien direct entre le mot et la chose a été rompu. La langue postbabélienne est donc imparfaite, puisqu’elle a perdu cette qualité lui permettant de représenter directement la réalité. Par ailleurs, les divergences entre les multiples langues rendent la traduction ardue. Ainsi, dans L’Algarabie, Babel renvoie plutôt à un état de fait, problématisant certaines caractéristiques langagières qui lui sont associées. Or, ce n’est pas seulement la représentation de Babel qui est intéressante, mais aussi les effets de sens que Babel apporte aux textes. Certes, les textes étudiés privilégient différents volets du mythe, et cela, à des fins diverses. Les références intertextuelles au récit biblique mettent en place, dans chaque texte, une charpente sur laquelle repose ma lecture. Les éléments constitutifs de cette charpente permettent en outre d’analyser d’autres aspects des textes à la lumière de Babel. Ainsi, lorsqu’un texte, comme L’Algarabie, fait allusion à la traduction, celle-ci est analysée en fonction de sa signification au regard de Babel. Plus implicite que la thématisation de la traduction, mais tout aussi pertinent, le plurilinguisme, inscrit dans tous les romans du corpus, est éclairé, en partie, par la piste interprétative que propose la charpente babélienne. Dans ces textes, une multiplicité de langues est représentée, l’espagnol et l’anglais, notamment, dans Babel, prise deux ; l’espagnol dans L’Algarabie; l’anglais et certaines langues autochtones dans Ainsi parle la tour CN ; le créole guadeloupéen et la musique dans Tambour-Babel ; l’allemand auquel on fait allusion dans BabelOp éra. Le plurilinguisme, cependant, ne se manifeste pas seulement par l’inscription explicite de multiples langues, il est également introduit par l’entremise de divers modes d’expression, tels la peinture , le dessin et la musique, différents types de discours, comme la prière, dans Babel-Opéra, et l’historiographie, dans L’Algarabie, ainsi que par la pluralité de voix narratives qui traversent tous les textes étudiés. [18.223.106.232] Project MUSE (2024-04-26 06:58 GMT) Conclusion 227 Malgré les différences dans les représentations de Babel, le trait commun dans ces romans est la représentation de la pluralité. Elle s’inscrit de diverses manières dans les textes, par...

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