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L’histoire et la sociologie du Canada ne se résument pas aux contributions maintenant reconnues des deux peuples dits fondateurs, arrivés aux XVIIe et XVIIIe siècles lors de la période coloniale. Depuis cette époque, et particulièrement depuis la signature du pacte confédératif de 1867, un très grand nombre d’immigrants qui n’étaient pas issus de la France ou de la Grande-Bretagne, et qui ne partageaient pas au départ le patrimoine culturel ou religieux de ces deux pays européens, se sont installés au Canada. C’est le cas notamment des Juifs, qui avaient connu une expérience historique tout à fait particulière dans l’Ancien Monde ou en Afrique du Nord, et qui durent traverser sur le sol canadien un processus d’adaptation et d’intégration propre à eux seuls. Sous cet angle, la présence importante au Canada dès la fin du XIXe siècle d’immigrants de diverses origines nous éclaire sur le degré d’ouverture des citoyens de ce pays à la diversité culturelle et religieuse, ainsi que sur le niveau de mobilité sociale qui était réservé aux groupes minoritaires. L’étude des nouveaux citoyens est aussi intéressante du fait que ces derniers ont fondé, dans les différentes villes canadiennes, des institutions et des organismes qui soutenaient leur vie religieuse et culturelle, au point que des communautés reflétant leur identité se sont formées. Dans un tel contexte, il n’est pas sans intérêt Chapitre 4 les juifs montréalais à la rencontre de l’histoire canadienne Pierre Anctil pour les étudiants qui s’intéressent au Canada de se pencher sur l’exemple des Juifs montréalais, qui représentent un des ensembles les plus cohérents et les plus révélateurs du phénomène décrit plus haut. Il est difficile par ailleurs de comprendre l’histoire de la communauté juive canadienne sans faire appel à un contexte plus vaste. De grands bouleversements marquèrent en effet la société européenne au cours de la période moderne, qui eurent des répercussions importantes sur la vie des Juifs installés sur ce continent depuis plusieurs siècles, dans certains cas depuis le début du Moyen Âge et même avant1 . Victimes de persécution religieuse, de répression politique ou tout simplement acculés à vivoter du fait de leur marginalisation par les pouvoirs en place, les Juifs abordèrent souvent les rives du Nouveau Monde alors qu’ils se trouvaient à la recherche d’un refuge où s’installer. Longtemps le Canada ne fut toutefois pas dans une situation favorable à l’accueil d’un grand nombre d’immigrants juifs, d’autant plus que ses infrastructures de transport et ses activités économiques étaient trop réduites pour absorber d’importants apports démographiques. Jusqu’au moment de la signature de la Confédération en 1867 surtout, le Canada ne pouvait pas vraiment prétendre au statut de pays autonome et n’était pas connu comme une destination potentielle Les Juifs montréalais à la recontre de l’histoire canadienne 49 intéressante pour les immigrants juifs. Qui, en effet, au sein des communautés juives d’Europe, avait entendu parler au XVIIe et au XVIIIe siècle des terres septentrionales de l’Amérique, du golfe et de la vallée du Saint-Laurent, de la région des Grands Lacs ou des Prairies de l’Ouest? Faute de posséder un gouvernement en soi, et du fait de leur éloignement géographique, les colonies du Canada, tour à tour françaises puis anglaises, restèrent longtemps une zone peu parcourue et peu attirante pour les personnes en quête d’un nouveau pays2 . Tout de même, nous savons maintenant qu’un certain nombre de Juifs vinrent s’établir en Nouvelle-France, principalement entre la fondation de Québec en 1608 et la prise de la ville par les Anglais en 1759. À cette époque, le Régime français couvrait au Canada le territoire compris entre Québec et Montréal, avec des zones d’influence importantes jusque dans les Grands Lacs, les provinces maritimes actuelles et la baie d’Hudson. Cette immigration juive se fit cependant dans des conditions tout à fait particulières qui ne devaient plus se reproduire par la suite3 . Les autorités du Régime français avaient en effet décidé que ni les protestants ni les Juifs ne...

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