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INTRODUCTION Initialement conçue et mise en place durant les années 1960 au Québec, l’immersion française s’est ensuite répandue dans les autres provinces canadiennes. Dès le début de l’implantation des programmes d’immersion, on a pu constater qu’ils constituaient une formule d’enseignement du français langue seconde (FL2) nettement supérieure aux programmes de « français cadre », forme traditionnelle de l’enseignement du FL2 aux élèves anglophones du Canada. En effet, toutes les études qui ont comparé le rendement en français des élèves d’immersion avec celui des élèves des programmes-cadres ont trouvé que les premiers dépassent, de loin, les seconds dans leurs capacités de compréhension et de production en français2 . Plusieurs facteurs expliquent le rendement supérieur en français des élèves d’immersion. Dans les programmes d’immersion, les élèves sont exposés au français de façon beaucoup plus intense et prolongée que dans les programmes-cadres de français. Cette exposition intensive a lieu dans les classes de français proprement dites et dans les classes d’autres matières qui sont enseignées en français. Ce dernier facteur est probablement la raison principale de la supériorité en français Chapitre 15 l’immersion française peut-elle rapprocher« les deux solitudes » ?1 Raymond Mougeon des élèves d’immersion. En effet, l’enseignement des matières scolaires en français offre aux élèves de nombreuses occasions de s’approprier cette langue de manière plus ou moins inconsciente au moyen d’une communication authentique3 . Les points forts de l’immersion ne sont pas limités à l’apprentissage du français. De nombreuses recherches ont démontré que les programmes d’immersion n’ont pas d’effet négatif sur le rendement scolaire des élèves dans les matières qui sont enseignées en français, pas plus que sur la maîtrise de l’anglais. De plus, ces programmes offrent aux élèves une plus grande ouverture sur le monde francophone que les programmes-cadres de français. Cela se traduit par des attitudes plus favorables, parmi les élèves d’immersion, envers les différentes dimensions du fait français au Canada, que parmi les élèves des programmes réguliers4 . De toute évidence, l’immersion française est donc une formule pédagogique dont les résultats positifs sont solidement garantis, et on peut se demander pourquoi, après avoir connu une certaine expansion durant les années 1970 et 1980, elle n’a ils n’ont continué à progresser qu’au Québec et au Nouveau-Brunswick. En fait, en dehors de ces deux provinces, le nombre des élèves inscrits dans les programmes d’immersion n’a jamais dépassé L’immersion française peut-elle rapprocher « les deux solitudes » ? 215 10 % de la totalité des élèves anglophones qui apprennent le FL2 et, dans certaines provinces, les effectifs des programmes d’immersion sont même en régression. Plusieurs facteurs politiques expliquent cette situation. La croissance continue des programmes d’immersion au Québec reflète probablement la montée du nationalisme parmi les francophones de cette province. Résolument engagée dans la lutte pour assurer la survie du français au Québec, cette province s’est dotée d’outils législatifs linguistiques, dont la Charte de là langue française, qui ont eu pour effet de rehausser considérablement le prestige et la valeur utilitaire du français, et par la même d’inciter les membres de la minorité anglophone du Québec à envoyer leurs enfants dans les programmes d’immersion. Des facteurs similaires sont à l’origine de la croissance des programmes d’immersion au NouveauBrunswick , province qui a officialisé le bilinguisme à la toute fin des années 1960 et où des progrès réels ont été accomplis dans la mise en œuvre des mesures législatives favorables au français qui ont découlé de ce changement politique historique5 . Pour expliquer la stagnation des programmes d’immersion dans le reste du Canada anglophone, on peut invoquer le fait que la mise en place des lois fédérales sur les langues officielles (1969 et 1988) n’a pas généré un nombre aussi élevé que ce qui était escompté d’emplois requérant le bilinguisme. On peut donc supposer que cela a atténué l...

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