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Je peux situer de manière très précise le moment où j’ai commencé à m’intéresser au nouveau nationalisme canadien. C’était à l’été 1996. J’écoutais un peu distraitement la fin de la cérémonie de clôture des Jeux olympiques d’Atlanta assis devant mon téléviseur. Les athlètes s’étaient assemblés pour danser au milieu du stade. On aperçut alors, flottant au-dessus de cette énorme foule, un drapeau gigantesque, couvrant environ le douzième du parterre du stade. Un drapeau américain? Ça aurait été normal. Les États-Unis nous ayant tellement habitués à l’étalage de leur Stars and Stripes, son déploiement in good old dixie n’aurait surpris personne. Mais voilà : c’était un immense drapeau canadien, et non américain, de 9 sur 18 mètres, qui ce jour-là attira mon attention et celle de centaine de millions de téléspectateurs. Alors qu’ils étaient jadis si prompts à décrier ce type de comportement de la part des Américains, voilà qu’à leur tour les Canadiens commettaient à Atlanta un geste qui, surtout dans le cadre d’un évènement international, relève, disons-le franchement, de l’esprit cocardier. Et pourtant, je ne retrouvais nul parfum de chauvinisme dans cette exhibition ostensible de l’unifolié, mais croyais plutôt y déceler l’ivresse tout adolescente de la découverte de soi. Chapitre 6 comprendre le nouveau nationalisme canadien : le canada comme idéal moral politique*1 François Charbonneau Je ne pourrais affirmer avec certitude si les Jeux olympiques d’Atlanta ont eu un quelconque effet sur le développement du nationalisme canadien – ce serait surprenant –, mais je sais que c’est à partir de ce moment que non seulement j’ai pris véritablement conscience de son existence, mais surtout que j’ai amorcé ma réflexion sur ce qui m’apparaît être une nouvelle donne au Canada. Car ce nationalisme n’a rien à voir avec l’atavisme britannique qu’a subi la génération de mes grands-pères, rien, non plus, avec l’affirmation de la souveraineté canadienne des années 1960-1970. Il y a dans ce nouveau nationalisme quelque chose de terriblement efficace, voire d’irrésistible. Mais quoi? À mon avis, depuis approximativement une quinzaine d’années, une nouvelle identité s’est cristallisée dans le Canada à l’extérieur du Québec (ce que l’on a pris l’habitude de nommer le Rest of Canada – ROC). Cette identité ne se laisse pas saisir aisément, mais elle a ceci de particulier qu’elle correspond très clairement à un idéal moral politique, c’est-à-dire à une conception téléologique très précise qui postule ce que devrait être le meilleur pays, et qui affirme que le Canada l’incarne parfaitement. C’est cet idéal moral qui, au cœur de cette nouvelle identité canadienne, oriente et façonne dorénavant ce nouveau nationalisme. * Texte publié dans la revue , vol. 7, no 1, automne 2004, p. 39-58. Reproduit avec la permission de l’auteur. Comprendre le nouveau nationalisme canadien 79 Ce texte a pour objectif d’indiquer succinctement comment est né ce nouveau nationalisme, et de montrer comment il oriente et façonne dorénavant le rapport entre les nations au Canada, rendant difficilement envisageable une éventuelle réforme constitutionnelle substantielle dans le sens des aspirations traditionnelles de la nation québécoise. SUPPLÉER AU VIDE IDENTITAIRE PROVOQUÉ PAR LA FIN DE L’EMPIRE BRITANNIQUE C’est sans heurt, du moins apparent, que le Canada anglais s’est désengagé du référent impérial de son identitéàlasuitedelaSecondeGuerremondiale.Étant donné les professions de foi impérialistes pendant la guerre et surtout l’extraordinaire mobilisation pour l’effort de guerre, il y a tout lieu de s’en étonner. Les jeunes Canadiens d’aujourd’hui n’ont aucune idée à quel point le Canada anglais retirait une fierté sans borne de son appartenance à l’Empire britannique, comme en fait foi son extraordinaire participation aux deux guerres mondiales, qui se justifiait principalement par une volonté de faire « leur part » pour l’Empire. L’Empire britannique a pourtant cessé relativement rapidement d’être un référent identitaire pour le Canada anglais après la Seconde Guerre mondiale2 . Il faut dire que les Canadiens anglais n’ont pas véritablement eu le choix : après le nazisme, l’imp...

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