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VII De la postmodernité à la postérité  De la dérision du référent au référent dérisoire JEAN-PIERRE VIDAL Université du Québec à Chicoutimi (Canada) L e tour, ironiquement très «années 1960», de ce titre réversible, est certes une façon d’avouer un âge et une tradition critique, mais il veut aussi énoncer la différence capitale qui sépare une pratique de la production progressive d’un référent intratextuel sur les ruines de l’illusion réaliste, pratique qu’on pourrait assigner à ce qu’on a appelé, avec Ricardou, le premier Nouveau Roman, de celle de la citation épisodique de référents externes surexposés et traités avec irrévérence qui me semble caractériser, en tout cas, l’œuvre de Robbe-Grillet à partir de La Maison de rendez-vous et, plus encore, de Projet pour une révolution à New York. La critique n’a pas manqué, en effet, au moment de la parution du premier de ces deux romans, de remarquer l’infléchissement, encore plus manifeste avec le second, qu’ils représentaient dans l’œuvre de Robbe-Grillet. Nous pouvons maintenant, le temps aidant, envisager que ce «pli» du discours de RobbeGrillet corresponde à l’émergence de ce qu’on a appelé le postmodernisme, qu’il en annonce ou en ponctue la mise en place. Si l’on prétend qu’il l’annonce , c’est l’image d’un Robbe-Grillet prophétique qu’en accord avec la conception romantique de l’artiste, on esquisse. Et il faudrait dès lors tenter de donner les raisons et d’identifier les causes de cette prémonition1. Qu’on en vienne, au contraire, à parler de ponctuation, et c’est alors l’image plus classique d’un Robbe-Grillet «à jour» avec son époque, en phase avec elle, qu’on évoque. Quoi qu’il en soit, cet infléchissement, d’emblée extrêmement visible, comme l’étaient, chez Robbe-Grillet, les nouveaux tours scripturaux de toute parution nouvelle et leurs transformations dans l’écriture même, concerne, me semble-t-il, essentiellement non point tant le référent, comme le titre de cette 451 étude donnerait à le penser, mais plutôt ce moment où, dans le mouvement même de l’écriture, quelque chose fait image en immobilisant le flux, sinon dans l’écriture elle-même, au moins dans le processus de la lecture. L’image ainsi entendue se fonde sur une conception générale de l’objet. Mais cela concerne aussi le temps de la narration où prend forme l’image et, partant, la conception plus générale du temps sur laquelle ce temps générateur de l’écriture se fonde. Pris désormais dans une mise à plat kitsch non seulement des images toutes faites dont est habité notre imaginaire, mais aussi de la négativité agissante qui caractérisait, à bien des égards, la modernité, le référent, à partir de La Maison de rendez-vous, perd ses amarres et semble flotter dans une référentialité sans cible ni point d’arrêt identifiables. La fonction, en l’occurrence, et même un fonctionnalisme jubilatoire, y prend le dessus sur ses effets, ses signes et, bientôt même, sur sa mise en branle critique . Ainsi s’esquissait déjà la convergence entre littérature (et même art en général) et médiatisation dans laquelle l’art contemporain menace encore sans cesse, de nos jours, de se perdre et de se dissoudre, ses contours devenant de moins en moins discernables des diverses pratiques sociales, plus ou moins esthétiques, qui tissent notre contemporanéité. Certes, le trait est ici à dessein accusé, mais c’est pour mettre en évidence ce qui paraît rendre comparables les destins de l’œuvre de Duchamp et de celle de Robbe-Grillet, dont on sait l’admiration qu’il professait pour l’auteur de La Mariée mise à nu par ses célibataires, même, plus d’une allusion, notamment dans La Belle Captive, investissant cette admiration dans la pratique. La fin de l’art et après Robbe-Grillet, comme Duchamp, a procédé à une liquidation radicale de l’art, dans les deux déclinaisons qu’il en a pratiquées. Mais, comme Duchamp, il a été rattrapé par son époque, quand bien même il aurait fait des merveilles pour miner de l’intérieur cette autofiction envahissante...

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