In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

IV Miroir, mon beau miroir…  Ad patres : Alain Robbe-Grillet et les figures du père ROGER-MICHEL ALLEMAND Université du Sud-Toulon-Var (France) This is the way the world ends Not with a bang but a whimper.1 A lors, comme ça, Robbe-Grillet aussi a eu un papa?» C’est en ces termes goguenards que l’écrivain faisait parler les nombreux lecteurs séduits par Le Miroir qui revient, en profitant pour prétendre que lorsqu’il évoquait son vrai père, il utilisait toujours le mot «papa», réservant« mon père » à une vision plus fantasmée. La trilogie néo-autobiographique des Romanesques ménage pourtant l’ambiguïté, surtout grâce au comte Henri, qui va de pair avec la figure paternelle2. Ainsi, «mon père» (MR : 226) assiste à l’enterrement de Corinthe – funérailles d’«excommunié» où se glisse déjà, une allusion à «l’abbé de la Croix-Jugan» (DJC: 157)3. Quant à l’année de naissance de «papa» (50), elle est donnée comme celle «du romancier Kurt Corrinth », « presque homonyme » du lieutenant « Kurt von Corinth » – probable résurgence de la ballade de Goethe intitulée «Le Chevalier Kurt part se marier »4. La distinction lexicale avancée par l’auteur n’étant pas fiable, je proposerai donc de ne pas limiter le point de vue au plan référentiel, mais de l’élargir à une vision où les représentations de la paternité, prises lato sensu, seront de l’ordre du symbole, tant au niveau de l’œuvre qu’à celui d’autres aspects de la vie et du parcours de l’artiste. Du côté de la mère, Yvonne Canu, il descend d’une lignée de marins bretons – les Perrier, dont les états de service remontent au XVIIIe siècle (MR : 88-89) –; du côté du père, Gaston, d’une famille du Haut-Jura, dont l’aïeul et le bisaïeul étaient instituteurs (31). De part et d’autre, les convictions des grands-parents sont laïques et de gauche, « style petit père Combes [...] 261« voulant faire régner la raison contre l’obscurantisme clérical» (Vg: 447). Sur le plan politique, les parents de Robbe-Grillet ont pris le contre-pied, puisqu’ils étaient «anarchistes d’extrême-droite» (MR: 15), pétainistes, anglophobes, antisémites. Et s’il n’a «probablement pas » éprouvé «une admiration aveugle et sans borne» (48) envers eux, leur fils n’a pas non plus ressenti d’aversion à leur encontre: il était «le contraire même d’une nature révoltée» et «partage[ait] sans problème la plupart des opinions politiques ou morales» (47-48) d’une cellule familiale soudée par «une sorte d’alliance sacrée». Ce n’est qu’à «la Libération» (131), dit-il, qu’il s’est désolidarisé, en douceur, du discours du Père. Le sien fait l’objet d’un portrait positif, associé à des «bons souvenirs» d’enfance et à des moments de « grand bonheur » (MR : 50-57). Plus tard, il a même favorisé la vocation d’écrivain de son fils, y trouvant une sorte de«justification» (79-80). De quelle nature? Difficile à dire, mais Robbe-Grillet fournit une piste, en supposant que «c’était un bon père, parce qu’il était fou» (80), et en indiquant que la mère attribuait son génie littéraire à cette folie. Le parallélisme des générations est souligné: «Maman [...] ramenait papa vers son lit et bientôt jusqu’à son sommeil en lui parlant avec douceur, comme à un enfant qui a la fièvre et qui délire (“Siehst du, Vater, den Erlkönig nicht?”) […].» (83) – que la comparaison fût complétée par une citation presque parfaite du « Roi des Aulnes»5 n’est pas fortuit; nous y reviendrons. Notons pour lors que les troubles mentaux du père auraient été causés par «la guerre de mines» (82) de 1914-1918, au cours de laquelle il était «sapeur du génie» – précision non plus anodine – la double acception permettant à l’écrivain de superposer les déambulations nocturnes du comte de Chateaubriand et celles qu’ils attribue à son propre père6, et de les associer à d’autres hypotextes, en particulier par l’image de la «taupe géante» (AE: 27), qui convoque tout à fait consciemment (voir fac-similé p. 263-264)7 la nouvelle homonyme de Kafka8, mais aussi le nom que Hamlet donne au...

Share