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laboratoire de Robbe-Grillet. Dans ce défilé d’ouvrages, il manque l’œuvre premi ère, Un régicide. Les confidences livrées dans la Nouvelle Autobiographie nous en fournissent l’histoire extérieure, celle d’une œuvre qui aurait convaincu son auteur à abandonner la carrière d’ingénieur agronome pour se consacrer entièrement à l’écriture. Or, le manuscrit a eu, semble-t-il, beaucoup de mal à se faire apprécier, ce qui finit par convaincre le romancier en herbe à le laisser de côté. Il ne s’agit pas, ici, de vérifier l’authenticité de cette histoire. Toutefois, le jugement d’ordre critique doit être péremptoire: c’est l’œuvre la plus mûre, la plus totale, la plus compréhensive sortie de la plume de l’auteur. C’est une œuvre d’une complexité parfaite, un mélange savant, bien équilibré, bien huilé, entre, d’une part, les fragments qui touchent à la subjectivité, au recours à ce « je » absent au départ, car de nature haïssable, donc refusable, et, d’autre part, la mise en scène de l’étranger, de ce Boris qui est déjà le frère aîné de Wallas, de Mathias, du mari absent, à savoir des protagonistes moteurs des trois premiers romans, liés au cycle réel-référentiel. Tandis que le jeune homme, qui dit « je » et dialogue avec les sirènes, se lance dans les aventures d’un romantisme, d’une subjectivité presque délirants. Bref, le prétendu roman d’ouverture montre, au contraire, une étonnante habilité et capacité à conjuguer des dimensions différentes, de passer rapidement de l’une à l’autre, dans un va-et-vient incessant, avec légèreté, fluidité, devenant ainsi l’aboutissement parfait de l’ensemble du parcours de l’auteur. Un aboutissement digne de ce vers célèbre prononcé par Thomas Stearns Eliot :«In my beginning is my end.»14 7 Des œuvres au pastiche : Robbe-Grillet au miroir DANIEL BILOUS Université du Sud-Toulon-Var (France) D ans «La saison du roman est ouverte - Inventaire du “nouveau roman”» pour La Dépêche d’Alger (21 mars 1962), l’Académicien Goncourt Gérard Bauer écrivait: Cette façon de voir et de faire voir est à la fois envoûtante et lassante. L’une de celles, je crois, dont il serait le plus facile de faire un «pastiche» savoureux, un de ces «À la manière de… » dont Paul Reboux et Charles Müller divertirent jadis les lecteurs de Maeterlinck, ALAIN ROBBE-GRILLET – BALISES POUR LE XXIE SIÈCLE 104 Robbe-Grillet 11c qx 10/15/10 1:50 PM Page 104 d’Octave Mirbeau et de Francis Jammes, de toutes les célébrités du temps de Pierre Loti, de Bourget et de Barrès. Depuis cette époque où l’on découvrait encore la mouvance15, l’histoire a confirmé le pronostic. Sur un demi-siècle, de Jacques Laurent (1957) à Mauricio Electorat (2005), l’écriture néoromanesque, spécialement celle dont Alain Robbe-Grillet passe pour le chef de file, a régulièrement tenté les pasticheurs , à l’occasion ou, surtout, par profession16. L’imitation a toujours mauvaise presse, tant les valeurs d’authenticité et d’originalité sont prisées en matière d’esthétique, tous arts confondus. Or, deux choses, au moins, sont sûres. D’abord, que ce soit hommage ou satire plus ou moins heureuse, nul imitateur ne saurait s’exempter d’une lecture attentive du modèle, et l’on sait combien Robbe-Grillet souhaitait, pour «[s]es petits travaux», la vigilance du lectorat. Ensuite, l’imitateur prend un risque dont le pur et simple lecteur se dispense, puisque la styloscopie, pour ainsi dire, ouvre ici à une récriture effective. Avec le moindre pastiche, facile ou non, savoureux ou exécrable, la répétition se fait reprise, car un texte est produit qui, de toutes façons, se mesure au(x) modèle(s) dont, pour s’élaborer, il emprunte les éléments et procédés caractéristiques. Ce champ, la «littérature au second degré », étant le lieu d’incessantes confusions terminologiques, je précise qu’ici, mimécriture désignera le procès d’une imitation scripturale, mimécrit, son résultat, forgerie notant, de façon classique, le mimécrit exactement dosé (apocryphe ou exercice de style) et pastiche, celui qui renferme des outrances17. Il va sans dire qu’un mimécrit peut pr...

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