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Roman?», à laquelle répondait déjà Pour un nouveau roman, mais ajoute une dimension historique, que croise l’expérience personnelle de Robbe-Grillet. La rencontre entre la parole vive (le texte offert en MP3) et la parenté du texte avec des genres consacrés de l’écrit produit un genre hybride, le livre-disque, qui se situe à la croisée de l’élitisme de l’essai et de la vulgarisation de l’émission radiophonique. Aussi la voix vive de l’émission enregistrée empêche-t-elle les effets néfastes de la transcription, c’est-à-dire la pétrification du savoir. Chez Robbe-Grillet donc, la problématique de la parole vive est cardinale, car elle montre comment, dans les genres oraux comme dans son œuvre, il produit des genres hybrides. Dans les romans, il reproduit des éléments biographiques et, dans son œuvre autobiographique, il se plaît à inventer des personnages. De même, dans les entretiens avec Peeters et dans les causeries de France Culture, un mélange de genres s’offre au lecteur/auditeur/spectateur: de l’autobiographie à l’essai, d’une conversation à bâtons rompus au documentaire, de l’oral à l’écrit et vice versa. Loin donc de constituer un simple outil élaboré par l’auteur pour sauver son discours de la sclérose provoquée par la transcription, la parole vive sert de vecteur interprétatif. Sa présence dans les genres oraux attire l’attention sur le fait que le mélange des genres, ici comme ailleurs, est rendu possible grâce au principe de la contradiction propre à l’œuvre de Robbe-Grillet. Ce principe constitue un générateur de sens dans sa poétique, comme il l’indique d’ailleurs dans Le Miroir qui revient (40-41): il permet à l’écrivain de (se) dire et de (se) contredire et devient de fait un fil conducteur de son œuvre. 7 Alain Robbe-Grillet conférencier : de la parole à l’écrit ÉRIC LE CALVEZ Georgia State University (États-Unis) A lain Robbe-Grillet a souvent fait remarquer qu’il devait pour une grande part sa carrière ou plutôt sa notoriété d’écrivain aux universitaires , notamment les universitaires américains65. Il les a en retour, tout au long de sa vie, gratifiés d’une fidélité constante, participant à de nombreux colloques et séminaires, parcourant le monde entier66, mais se rendant Ô Mort, vieux capitaine 75 Robbe-Grillet 11c qx 10/15/10 1:50 PM Page 75 le plus régulièrement aux États-Unis à partir des années 1970, également en tant que professeur invité (Visiting professor) enseigner son œuvre avec des références habituelles aux écrivains du Nouveau Roman (Sarraute, Simon, Pinget, voire Duras, en particulier) ou du XXe siècle (Camus, Sartre ou JeanPhilippe Toussaint, par exemple). Même s’il avouait que les conférences l’ennuyaient67, il parvenait à jouer le jeu avec un grand professionnalisme et à n’en rien montrer. Il avait aussi accepté de faire paraître certaines de ces interventions critiques (qu’il ne désirait plus rédiger lui-même depuis quelque temps) quand il faisait confiance à l’organisateur du colloque. Après la lecture d’un texte au titre assez provocateur, «Je n’ai jamais parlé d’autre chose que de moi», édité par Michel Contat et se rattachant assez bien à une perspective génétique68, j’ai rapidement vu l’intérêt que pourrait représenter sa présence à un colloque sur l’intertextualité que je devais bientôt organiser avec deux collègues, puisque l’intertextualité, et avec elle l’autotextualité, sont essentielles à l’œuvre robbe-grillétienne69. S’il était intéressé par le propos, il serait capable, tout en parlant de la genèse de ses romans, d’orienter son discours en fonction de la problématique intertextuelle dans une session sur la génétique et l’intertextualité, et clôturerait donc le colloque de manière magistrale en apportant, après ceux des critiques ou des théoriciens, le point de vue d’un écrivain (bien entendu, c’était chaque fois en tant qu’écrivain que RobbeGrillet s’exprimait, non en tant que critique littéraire). Ainsi que j’en étais persuadé, le sujet l’intéressait vivement, comme en témoigne la première lettre que j’ai reçue de lui70 ; en revanche, Londres l’inspirait beaucoup moins: «Je ne suis jamais allé au Pays de Galles, qui m...

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