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Cinéma d’auteur ou cinéma grand public: Une contradiction française? Pauline Escande-Gauquie Ma recherche s’intéresse au cinéma « grand public français et actuel », objet de la culture de masse relativement délaissé par les chercheurs qui s’évertuent, en grande majorité, à étudier le cinéma d’auteur et rejettent dans les infraculturels le cinéma grand public. De ce fait, il possède à leurs yeux un caractère « illégitime ». En effet, ce cinéma est significatif d’une culture produite selon les normes de la fabrication industrielle et répandue par des techniques de diffusion maximale s’adressant à une masse sociale. Cette culture est une grande fournisseuse de mythes conducteurs du bonheur, de valeurs et d’aspirations collectives. Elle ne se réduit donc pas seulement à un divertissement. Elle est aussi une grosse machine à intégration et à diffusion de stéréotypes et, en cette qualité parle du social. Mon travail a été initié autour du désir de lever un obstacle encore très ancré en théorie du cinéma que souligne très justement Esquénazi1 : « La théorie du cinéma, même si ses méthodes s’élargissent, demeure encore prisonnière d’une vision où il est possible d’examiner chaque film comme une sorte de totalité de signification », car les théoriciens du cinéma se sont souvent inscrits dans la continuité des Cahiers du cinéma et de la politique des auteurs pour imposer le cinéma comme un art. En effet, ils prescrivent à ceux qui écrivent sur les films de s’intéresser seulement à ceux considérés comme œuvres. E p r e u v e s 264 Pauline Escande-Gauquie Esquénazi souligne ici l’effet pervers de cette vision en montrant que la cristallisation autour du concept d’auteur entraîne un désintérêt pour les films dits industriels, qui représentent pourtant 70 % des films distribués sur le marché. Ce phénomène est accentué par le fait que beaucoup de chercheurs se sentent, encore aujourd’hui, les défenseurs d’une exception culturelle française qui leur fait ignorer tout un pan du cinéma. L’histoire de l’analyse du film se borne ainsi encore trop à une vision proprement cinéphilique qui consiste à situer un film dans la liste des réalisations d’un auteur ou d’un studio et qui interroge la forme du film entendu comme œuvre. Le discours critique sur le cinéma doit, à mon sens, se défaire de ses croyances et opinions, car comment justifier la pertinence d’un travail critique s’il est lui même fortement « mystifié » dans son point de vue sur l’objet. Le discours/la doxa sur le cinéma français actuel Ma réflexion s’est dessinée à partir d’une opinion communément partagée et admise sur ce cinéma, lue dans la presse spécialisée ou entendue dans le discours des professionnels, nommée doxa2 . La doxa est la suivante: sous l’apparente hétérogénéité des genres, deux grandes influences qui caractérisent le cinéma grand public, français et actuel: 1. une orientation « néo-française »: dite classique et traditionnelle, à travers un cinéma d’auteur, qui« réfléchit » et qui est social; ce cinéma est perçu comme l’image de marque du cinéma français; 2. une orientation « néo-hollywoodienne », qui propose un cinéma français proche de la culture américaine, cherchant à se substituer aux grosses productions américaines. [3.147.104.120] Project MUSE (2024-04-23 16:15 GMT) E p r e u v e s Cinéma d’auteur ou cinéma grand public 265 Afin de mieux comprendre l’adhésion de la profession à cette doxa, il était nécessaire d’établir un état des lieux de la production filmique française. J’ai donc constitué un« corpus »3 de films grand public, français et récents (années 2000-2003) suivant les critères des professionnels (nombre d’entrées et/ou budget) et traversant les grandes catégories de genres (douze genres relevés, donc douze films choisis) de manière à recueillir une palette assez représentative des films sortis pendant cette période. Les critères des professionnels ont servi à sélectionner le corpus car ces derniers sont les initiateurs de la doxa au sein...

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