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Loi universelle du comportement linguistique normal6, je résumerais la première ainsi:«On ne peut pas passer sa vie à se corriger.» Cette loi nous paraît particulièrement pertinente quand on se rappelle les attentes normatives, pas toujours réalistes, que certains locuteurs et locutrices d’ici s’imposent ou se sont souvent laissé imposer, en matière de correction langagière. Mais si cette première loi du comportement langagier – et humain! – ne parvenait pas à convaincre les incrédules, on pourrait leur en rappeler une deuxième, énoncée7 celle-là par le réputé grammairien belge du 20e siècle, Maurice Grevisse (auteur du Bon usage):«L’usage, c’est-à-dire une langue qui vit, […] a une autorité souveraine; on peut dire que l’usage a toujours raison, même quand il a tort.» Pour clore cette réflexion sur un ton qui plaira sûrement aux volontaristes de la langue (et au nombre desquels nous nous comptons), nous rappellerons également aux lecteurs et aux lectrices de ces lignes l’aphorisme attribué à un sage du 17e siècle, l’éducateur espagnol Baltazar Gracian :«Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer.» En effet, ces paroles nous semblent expliquer en bonne partie pourquoi les êtres humains ont toujours osé s’aventurer dans des entreprises à l’issue périlleuse ou incertaine, comme celle de faire naître, survivre, vivre et s’épanouir, de façon originale et dans la fidélité idéologique à ses origines, une minuscule mais vaillante communauté humaine de langue française dans un continent dominé par l’anglais. En fait, le vrai xvi 6 L’auteur a énoncé cette loi, il y a un certain nombre d’années, à la suite d’une discussion particulièrement inspirante avec un de ses anciens maîtres de l’Université Laval à l’occasion d’un colloque scientifique. 7 Au cours d’une interview journalistique. sujet d’étonnement à propos des francophones du nord de l’Amérique, ce ne devrait pas être qu’il y ait tellement d’influences de l’anglais dans leur français, mais qu’il y en a relativement si peu, surtout dans leur langue écrite publique8, même si on est évidemment encore loin de les avoir toutes débusquées et décrites objectivement. La notion de français canadien écrit En français canadien parlé, on sait que la variation régionale est souvent nettement marquée (par l’accent et le vocabulaire surtout), d’abord à l’intérieur du Québec, puis entre celui-ci et l’Acadie d’une part, et l’Ontario et l’Ouest francophones de l’autre. Or, la fréquentation assidue des journaux de ces trois zones géographiques du français canadien ne nous a pas permis (dans les limites de notre étude) de constater des différences significatives entre elles par rapport aux influences lexicales de l’anglais, sauf évidemment dans les références aux réalités culturelles , économiques, politiques, etc., locales ou régionales. Ici aussi, les mêmes causes – les pressions de l’anglais – entraînent les mêmes effets. On retrouve donc hors Québec, dans le français médiatique écrit, une bonne partie des mêmes influences lexicales de l’anglais qu’au xvii 8 Jean Forest (déjà cité) avance le chiffre de 10 000 pour les seuls anglicismes et reconnaît (page 15) que sa nomenclature est incomplète. Mais son Glossaire traite autant de langue parlée que de langue écrite, et il inclut les registres familier et populaire , urbain et rural, ainsi que des usages contemporains et d’autres qui sont vieillis, ce qui a pour effet de gonfler considérablement sa nomenclature. Par contre, dans son étude sur le lexique propre au Devoir (dont nous avons déjà cité plus haut le résumé journalistique), Marie-Éva de Villers ne relève en tout que 3194 québécismes (mots et expressions) écrits, dont seulement 415, ou 13 %, sont des emprunts à l’anglais. Comme on pourra le constater en consultant Le VocabulAIDE, nos corpus (collections de textes), représentatifs de l’ensemble des médias écrits du Canada francophone depuis 1980, révèlent toutefois un nombre total d’influences lexicales de l’anglais bien supérieur aux 415 de Marie-Éva de Villers, peut-être parce que son étude se limite au seul journal Le Devoir. Notre propre nomenclature, s...

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