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16 De interpretatione recta parvenir à s’identifier de toute son âme et de toute sa volonté au premier auteur afin de se plier stylistiquement à son modèle ; en ce sens, le style de la traduction doit se conformer à celui de l’original, aussi doit-il manifester une attention particulière à la reproduction des passages les plus difficiles, là où le premier auteur s’est exprimé avec le plus de finesse. Après cet enseignement théorique qui occupe la première partie du traité, Leonardo Bruni passe aux exemples pratiques dans la seconde partie. Ces exemples servent à appuyer les précédents développements théoriques. Bruni les prend de Platon et d’Aristote. Il y examine deux passages de sa propre traduction du Phèdre de Platon (237b-238c ; 257a-c) où il tente de montrer comment la traduction cherche à préserver l’élégance de l’original, Platon étant un maître absolu du style. Quant à la traduction d’Aristote, la difficulté est liée moins ici au style (c’est-à-dire à l’agencement rhétorique du texte), qu’à la finesse des questions traitées par le Stagirite (subtilissime disputationes ), comme on peut le voir dans le livre X de l’Éthique à Nicomaque et dans certains passages de la Politique (1323a-b et 1279a). La troisième partie du traité est consacrée à l’examen des erreurs de traduction commises par le traducteur de la Politique d’Aristote30 , erreur qui vont du faux sens, à la maladresse stylistique par incapacit é – à cause d’une connaissance insuffisante du monde grec – de comprendre le contexte et d’utiliser le mot juste, ce qui entraîne une latinisation à outrance de termes grecs. La fin du traité est une reprise des critiques originales adressées au traducteur coupable, pour ainsi dire, d’avoir défiguré l’œuvre d’Aristote. Bruni termine en assurant que sa diatribe, que certains lui avaient pourtant reprochée – et avec laquelle il avait ouvert le traité – était parfaitement fondée. IV. SUR CETTE ÉDITION Cette édition du traité De interpretatione recta fut conduite à partir de celle établie par Paolo Viti31 qui, à ce jour, offre l’analyse la plus minutieuse de cet ouvrage De la traduction parfaite 17 dans l’importante œuvre humaniste de Leonardo Bruni. En complément, nous avons suivi l’édition allemande Leonardo Bruni Aretino Humanistisch-philosophische Schriften mit einer Chronologie seiner Werke und Briefe, hrsg. von H. Baron, Teubner, Leipzig-Berlin, 1928 (réimp. anast., Säundig, Wiesbaden, 1967). 1 Cicéron, De l’orateur, XXIII, 87. 2 La réécriture, étape essentielle à la traduction, est conditionn ée par la lecture originale qui la dirige et, en un certain sens, la domine. 3 George Steiner, Passions impunies, traduit par P.-E. Dauzat et L. Evrard, Gallimard, Paris, 1997, p. 18. 4 Certes, un auteur n’est jamais exempt d’influences et demeure comme habité par les livres qu’il a lus, les auteurs auxquels il s’est confronté. Toutefois, le rapport de l’auteur avec tout ce qui l’habite ne s’effectue jamais sous l’angle d’un réel dialogue, dans la mesure où la contradiction ne s’y impose pas à l’esprit sous la forme de l’altérité, mais comme identité, d’où le monologue intérieur de l’esprit. 5 Jn, III, 3-8. 6 Quand l’humaniste Lorenzo Valla anime le débat autour du visage véritable de la doctrine d’Aristote, il faut voir un lien direct entre cette volonté de vérité historique et le développement d’une technique (la philologie et la traduction) servant à assurer et établir objectivement cette volonté historique. À cet égard, le traité de Bruni prend peut-être moins en mire la traduction elle-même, ce qu’elle doit être et comment elle doit être conduite, que son rôle dans l’établissement de la rigueur historique telle que voulue par les humanistes. 7 Il est intéressant de noter qu’à la Renaissance, l’art de la traduction suit celui du commentaire, songeons par exemple à Lefèvre d’Etaples qui traduit et commente l’Introduction à la métaphysique et l’Éthique à Nicomaque. Chez Leonardo Bruni, on retrouve cette volonté de donner des préceptes à la traduction puisque ce faisant, on guide l’art du commentaire. Plus la traduction sera juste, mieux il sera possible de se faire une opinion originale (dans le sens étymologique du terme, « qui existe dès l’origine »), de se libérer des commentaires antérieurs et, dans...

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