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Introduction générale La reconnaissance professionnelle : enjeux conceptuels et praxéologiques Anne Jorro Université de Toulouse, France L a reconnaissance professionnelle constitue une entrée privilégiée pour interroger les conceptions et les pratiques de l’évaluation relatives à l’activité professionnelle des acteurs de l’éducation et de la formation. Si, pour les évalués, l’évaluation peut et doit trouver son aboutissement dans la reconnaissance des acteurs, pour les évaluateurs la reconnaissance professionnelle suppose une rigueur et une prudence d’autant plus grandes que l’évaluation ne conduit pas systématiquement à une validation de l’activité. Elle peut être nuancée en relevant des points d’amélioration, elle peut également enjoindre au praticien de modifier notablement certaines manières de faire. Témoignant de la qualité de l’activité professionnelle, voire d’une dimension de l’activité, la reconnaissance amplifie l’acte évaluatif à partir des processus de valorisation et de légitimation qu’elle véhicule. Différemment appréciée par les acteurs, elle apparaît pour les évalu és comme un idéal de l’acte évaluatif tandis qu’elle représente, pour les évaluateurs, un processus délicat de retour sur l’activité professionnelle . Dans cet ensemble d’attentes hétérogènes, de conceptions différentes, une reconnaissance mutuelle entre évaluateur et évalué reste possible à la condition, toutefois, que les éléments constitutifs de la reconnaissance professionnelle aient été envisagés. Comment les évaluateurs rencontrent-ils les évalués sur le terrain de la reconnaissance professionnelle? À quelles conditions la reconnaissance professionnelle est-elle possible? Quel(s) modèle(s) privilégier? Quelle(s) démarche(s) mettre en œuvre? Comment éviter les écueils de la personnalisation de l’évaluation et, en conséquence, du subjectivisme de l’évaluateur? La reconnaissance professionnelle : enjeux conceptuels et praxéologiques 11 Telles sont les questions auxquelles nous nous attarderons dans cette introduction. De l’évaluation à la reconnaissance professionnelle La question de la place du processus de reconnaissance dans les situations d’évaluation des pratiques professionnelles se pose avec acuité (Dejours, 2003, 2007). Les liens entre l’évaluation et la reconnaissance apparaissent le plus souvent en creux lorsque les évalués expriment leurs attentes en matière d’évaluation : la reconnaissance de ce qu’ils font, de leurs investissements, de leurs engagements resterait faible. Les situations professionnelles d’évaluation des enseignants, de conseil aux débutants étant particulièrement exposées à ce type de critique. Ces attentes non satisfaites tendent à souligner les liens ténus entre les processus d’évaluation tels qu’ils sont mis en œuvre et les effets de reconnaissance professionnelle. Le sentiment d’un déficit de reconnaissance est en quelque sorte amplifié par des considérations sociales, elles-mêmes alimentées par la montée d’une demande de justice et de reconnaissance (Dubet, 2007; Frazer, 2005). L’aspiration à la reconnaissance est concomitante de la crise des identités (Dubar, 2000) et notamment, d’une identité professionnelle enseignante en proie à des doutes. Les regrets et les positionnements nostalgiques qui s’expriment tendent à souligner l’effondrement de l’estime sociale envers le monde enseignant quand la figure estimable de l’instituteur du début du siècle dernier était une marque de distinction. C’est un fait, les marqueurs distinctifs légitimant l’activité éducative perdent de leur influence. Parce que le métier d’enseignant a changé, parce que le rapport aux savoirs est différent, que la transmission opère de façon informelle, que la réussite sociale n’est plus conditionnée par l’école, les repères d’antan sont particulièrement brouillés. Et la relégation éducative qui s’ensuit ne fait que renforcer le sentiment de non-reconnaissance. C’est aussi au nom d’une absence de reconnaissance que les pratiques clandestines des acteurs se développent et motivent des attitudes marginales. En réponse au manque de reconnaissance, les praticiens agissent parfois avec une « autonomie de contrebande » (Perrenoud, 2004). Dans ce contexte d’aspiration à la reconnaissance, la caractérisation d’obstacles inhérents à l’évaluation et, par voie de conséquence, à la reconnaissance professionnelle, nous paraît utile. Nous nous arrêterons sur quatre points sensibles. 12 Anne Jorro [3.22.51.241] Project MUSE (2024-04-19 11:49 GMT) L’apprêt technique de l’évaluation L’évaluation court le risque d’une mise en œuvre technique lorsque la méthode prend le pas sur l’esprit de la démarche. Arrim...

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