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257 America, My Home Français et notre peuple et, par ma main, t’offrirent en mariage au sieur Jacques Cartier le 17 septembre 1554 . J’étais celle par qui les deux peuples devaient devenir un seul, tel que vous, mon oncle, l’aviez dit en m’offrant au capitaine Cartier. J’étais si jeune, et le destin que j’envisageais m’émouvait à l’extrême. Mon seul grand désir était de rester parmi les miens et de dédier toute ma vie à aider à créer une vie nouvelle et heureuse pour mon mari et pour son peuple. Ce jour-là fut le plus beau de ma vie, mais les suivants virent mon âme chavirer dans le malheur.La cérémonie de notre mariage fut si belle : jamais je n’avais vu tant de solennité,tant d’espoir et de joie sur les visages des miens. Pour m’exprimer leur affection et m’assurer de leur aide pour toujours,mes gens,tous les gens,me comblèrent de présents et des paroles les plus douces et les plus touchantes. J’étais heureuse, j’étais forte, j’étais prête.Nos Sages m’avaient dit d’avoir une patience,une tendresse infinies pour celui qui avait pris ma main devant tout mon peuple et devant mon oncle, Donnacona, notre Agouhanna (Sage et Premier Chef). Lorsque vint le soir et qu’il fut temps de partir avec mon époux, il reprit ma main et me mena dans une barque, où je m’assis à son côté. Deux hommes ramèrent la barque jusqu’au bateau principal. Le sieur Cartier ne me regardait pas. Il conversait avec les deux rameurs et partageait avec eux des rires qui, pour quelque raison, me donnaient froid. Nous arrivâmes au bateau et on me fit monter la première, par une échelle de corde, sans m’aider, sans me parler. La nuit était fraîche et j’avais froid. Rendue à bord, je fus conduite à une pièce où quelques hommes dormaient et d’autres s’occupaient à différents travaux, certains à ce qui me semblait des jeux. L’odeur dans cette pièce, comme dans le bateau, était désagréable, voire étouffante. Mon mari me conduisit à une autre pièce très petite, m’y enferma, puis partit sans me regarder et ne revint plus de toute la nuit. Par un minuscule hublot, je voyais sur la grève de Stadaconé les feux de mes gens qui se réjouissaient. Je finis par m’endormir, l’âme inquiète. 4 Ce mariage eut vraiment lieu ce jour-là, à Québec. Personne ne s’y est jamais arrêté. J’en parle aujourd’hui pour la première fois dans l’histoire de notre pays. Le racisme est nouveau en Amérique 258 Au milieu de la nuit,je fus éveillée par deux hommes ivres.Ils entrèrent où j’étais en vociférant.L’un d’eux,assez vieux et le regard méchant,voulut me pousser vers mon grabat. L’autre, plus jeune mais très laid, m’arracha à lui et me serra si fort que je criai, tentant de prononcer le nom de celui auquel je venais d’être mariée. Je ne m’attirai que des coups des deux hommes. Ils voulurent m’arracher mes vêtements, mas je me sauvai. Je montai vivement une échelle et réussis à trouver un petit recoin où, tremblante de peur et de froid, je passai le reste de la nuit. À l’aube, je réussis à me trouver un autre endroit où je restai cachée jusqu’au lendemain soir sans me faire voir.De ma cachette,je vis mon mari,visiblement fâché,qui me cherchait avec d’autres hommes. À la fin, ils abandonnèrent, croyant sûrement que j’avais sauté à la mer et nagé jusqu’à mon village. C’est ce que je fis lorsque vint la nuit. Arrivée à la grève, non loin de Stadaconé, je restai là de longues heures, presque sans vie. Je pus enfin me traîner jusqu’auprès de ma très vieille grand-mère,Taréma.J’appris que personne ne savait ce qui m’était arrivé. Ma grand-mère fut si triste que je pleurai longtemps, sans pouvoir m’arrêter, jusqu’à ce que je m’endorme. Je dormis très longtemps. Mes deux frères capturés l’année antérieure...

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