In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

sembler par moments un peu aventureux pour l'époque. Voilà pourquoi, peut-être, il hésite parfois et va mener sa charrette avec timidité, diront les uns, ou avec une belle prudence, diront les autres. Quelques exemples Illustrer cette vision de rechange en acte, c'est faire des conjectures sur les réalités qui n'auraient jamais pris racine sans elle. A. Dans le monde de l'éducation, Daniel Johnson va exécuter bien des valses-hésitations. Il ne va pas abolir le ministère de l'Éducation, mais y mettre comme timoniers des gens à lui capables de canaliser utilement les énergies—Jean-Guy Cardinal comme ministre, etJean-Marie Beauchemin, ancien secrétaire de la Fédération des collèges classiques, et Thérèse Baron, une personne opposée à la formation du ministère, comme sous-ministres adjoints. Cela a fait dire à certains critiques qu'on voulait « stopper » le mouvement, que Johnson avait amorcé la contre-révolution tranquille. De fait, Johnson veut arrêter le mouvement qui voudrait donner l'exclusivité et le monopole à l'école publique : il va restaurer substantiellement le financement des écoles privées reconnues et, en un sens, être responsable de leur survie. Certains ont interprété ce geste comme une concession aux collèges classiques et à l'enseignement confessionnel, et c'en était une, mais c'était aussi un pari sur l'école privéeet sur la concurrence plutôt que le monopole, à un moment où ce genre de discours n'avait pas encore beaucoup d'échos. Voilà qui devait avoir des conséquences importantes sur le profil de l'éducation au Québec dans les décennies qui ont suivi. B. Dans le monde de la finance, Johnson va s'instruire auprès du comité Parizeau (Comité d'étude sur les institutions financières créé à la fin de 1965 et déjà en plein travail au moment de son arrivée au pouvoir). Celui-ci parle déjà de décloisonnement des institutions financières, de déréglementation, ce qui va dans le sens des choix de Johnson, qui prônait déjà, en 1961, la création d'une banque industrielle qui participerait au financement des entreprises. Daniel Johnson va voir la possibilité d'une structure québécoise légère de réglementation des institutions financières privées, complétée par un réservoir de capitaux dans le secteur public pour que les autorités publiques aient les moyens financiers de réaliser leurs objectifs. On peut croire qu'il 52 • Gilles Paquet — Tableau d'avancement aurait accepté les recommandations contenues dans le rapport du comité Parizeau, publié en 1969, et qu'il aurait rapidement enclenché des actions dans ce sens. C. Plus fondamental peut-être sera le train de mesures que Daniel Johnson initiera pour mettre en place un nouveau contrat libéral qui donne sa place, en parallèle, aux droits et libertés individuels et aux droits culturels de la nation. Il va y travailler de manière pragmatique et timorée : timorée parce que pragmatique. Il va assurer au départ des protections sociales — la reconnaissance de certains droits sociaux — dans divers secteurs (forêts, agriculture) négligés par la Révolution tranquille urbaine de la première moitié des années 60. Mais Daniel Johnson va aussi être associé à la création de Radio-Québec et à la mise en place d'un ministère à vocation culturelle comme celui des communications. Johnson était allé en Suède et son séjour là-bas avait modifié son attitude par rapport à la sécurité sociale qu'il voyait, à la fin des années 60, non seulement comme fort compatible avec une socio-économie d'entreprise privée, mais comme son adjuvant naturel. L'Etat- a cessé d'être le moteur de l'économie, ce qui ne veut pas dire qu'il ne puisse pas être, pour celleci , « l'accompagnateur » de la socio-économie nouvelle. Johnson va même être amené à défendre l'étatisation dans certains cas (Sidbec), quand il lui paraitra que l'entreprise privée est très inefficace dans ce domaine. On voit donc que le contrat social libéral de Daniel Johnson n'est aucunement un retour à la Grande Noirceur — quelle que soit la signification de ce terme —, mais une philosophie et une pratique d'un libéralisme ouvert laissant grande place aux droits des groupes, des langues et des cultures, à la justice et...

Share