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de la culture du Canada français, et en montrer la trace au cœur des divers morceaux du territoireet la pérennité au fil des décennies. La tentation est donc grande soit de nier cette réalité périssable, soit de lui substituer une stylisation moins compliquée pour mettre un peu d'ordre dans ce chaos. Beaucoup de chromos Ces difficultés ne peuvent toutefoispas expliquer entièrement la propension à produire les simplifications outrancières qui ont ravalé cette culture individualiste, ouverte, progressiste à saveur communautaire à un constat de conservatisme dysfonctionnel. L'histoire économique de l'entrepreneuriat québécois depuis le début du 19e siècle ne nous donne pas l'image d'un peuple conservateur incapable de faire face à la modernité ou à l'industrialisation. Tout au contraire, dans le rapport qu'il fait de ses voyages à travers l'Amérique du Nord dans les années 1800, John Lambert observe que les Canadiens français sont déjà bien adaptés au nouveau monde du capitalisme commercial :« They love money and are seldom on thé wrong side of a bargain » (1810). En fait, quiconque fréquente les archives pourra trouver un matériau riche montrant que ce qui a marqué l'histoire du Canada français, c'est peut- être bien davantage, comme le suggérait Pierre Harvey, « un excès d'esprit d'entreprise et d'aventure » (préface de Toulouse, 1979). Dans des conditions souvent impossibles, les Canadiens français du 19e siècle ont fait des prouesses économiques sur le terrain. Ils ont créé une multitude de petites entreprises commerciales, de nombreuses banques et d'importants complexes industriels même s'ils ne pouvaient pas compter sur le puissant réseau d'influence que possédaient les marchands anglais et écossais du Saint-Laurent. Ils ont aussi fait la démonstration de leur ingéniosité et de leur créativité dans le monde politique et social. Ils ont continuellement travaillé avec astuce et succès à l'ingénierie de mécanismes de gouvernance efficaces. Donc, le chromo misérabiliste du Canada français souffrant d'un conservatisme chronique avant la seconde moitié du 20e siècle ne résiste pas à un examen des archives. Ces chromos simplistes du genre de vie des Canadiens français d'avant 1960 ont été développés à partir des observations très pointues de quelques petites communautés par quelques sociologues américains (Saint-Denis de Kamouraska vu par Horace Miner [1935] dans les années 30 et Drummondville, par Everett Hughes [1943] dans les années 40). Deux historiens du Canada anglais, Donald Creighton (1937) et Arthur 8 • Gilles Paauet — Tableau d'avancement Gilles Paquet — Tableau d'avancement Lower (1943), ont ensuite généraliséce diagnosticà l'ensembledu Canada français d'avant 1960 et propagé l'image d'un Canada à deux vitesses qui se serait perpétué jusqu'au milieu du 20e siècle. Arthur Lower présente une image manichéenne saisissante du Canada des années 40. Ce serait l'ensemble composite de deux genres de vie : celui du Canada français est« médiéval, rural, aux mœurs catholiques1», alors qu'au Canada anglais, nous avons « le tumulte de l'homme d'affaires anglais [...] le style de vie dynamique des calvinistes2». Le plus surprenant, c'est la facilité avec laquelle un grand nombre de sociologues (Marcel Rioux, Hubert Guindon, etc.), et même Pierre Elliot Trudeau dans son livre sur la grève de l'amiante en 1956, ont accepté holus bolus ce diagnostic comme vrai. Les aspects traditionnels et conservateurs du genre de vie canadien-français ont dès lors été colportés partout comme image exacte du Canada français. Toute une génération d'historiens et de spécialistes de sciences humaines au Canada va avaler cette couleuvre et répéter sans une once de critique ce diagnostic de Miner et Hughes. À la source de ces schèmes simplificateursest un état d'esprit diffus, la« fausse conscience » (Mannheim, 1956 ; Gabel, 1962), une connaissance déformée qui ne réussit pas à prendre en compte les réalités nouvelles et qui s'applique à les dissimuler en les pensant dans des catégories non appropriées (Mannheim, 1956 : 105). Le caractère psychopathologique de la fausse conscience a fait que Gabel a pu parler de son caractère schizophrénique : il explique la «poussée de fausse conscience » et compare la fausse conscience à un...

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