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le lieu privilégié des conflits entre groupes de pouvoir par lequel le bien commun arrive, et l'instrument d'une émancipation nationale porteuse de progrès. Pour ce groupe, toute remise en question du rôle de l'État ou de sanature viatique ne peut s'interpréter que comme une forme de haute trahison. D'autres pleurent au contraire cette intrusion comme un moment de régression à proportion que l'État est perçu comme ayant mis le citoyen en dépendance. Pour ce dernier, toute intervention de l'État est une forme de coercition et une atteinte à la liberté. Elle ne peut qu'infantiliser le citoyen et ralentir la croissance économique et le progrès social. Beaucoup de temps d'antenne C'est ce genre de manichéisme qui a envahi les débats sur la Révolution tranquille, mais aussi contaminé par contagion toutes lesperspectives sur le Québec et le Canada français : les incantations du tout blanc ou tout noir ont eu beaucoup de temps d'antenne. On a donc eu droit à des défenses inconditionnelles de la Révolution tranquille (y compris de ses plus grands errements) ou à des attaques contre l'intervention étatique par ceux qui trouvent que toutes les actions gouvernementales au cours de cette période de l'histoire du Québec ont été répréhensibles. Toute la panoplie des arguments rhétoriques a été utilisée d'un côté comme de l'autre. Chez ceux qui veulent défendre le caractère catalytique de la Révolution tranquille, on n'hésite pas à demander : « Est-ce que c'était mieux avant ?», ce qui permet de montrer que tous les gains dans tous les domaines depuis 50 ans sont attribuables à l'intrusion agressive de l'État dans les années 60. Chez ceux qui veulent vilipender la Révolution tranquille, il s'agit de montrer par les arguments les plus spécieux que tous les maux du Québec depuis 50 ans sont attribuables à l'intervention délétère de l'Etat. Une position moins déraisonnable veut dépasser le stade de l'incantation pour analyser les coûts et les bénéfices d'une aventure étatique largement improvisée sous la pression de la démographie : entre 1951 et 1966, il va naître deux millions de Québécois ;en 1966, un Québécois sur trois a moins de quinze ans. Sous cette pression démographique, l'État est allé au plus coupant et a travaillé à la hache : Opération 55, création d'une ribambelle d'institutions, etc. On savait déjà en 1970 (Le Devoir, 30 décembre 1970, repris dans un livre de Claude Ryan en 1971) que quelques-unes de ces 194 • Gilles Paquet — Tableau d'avancement expériences avaient réussi, que nombre d'autres ont fait long feu. Mais le temps a aidé à oublier ce qui s'est vraiment passé et a laissé toute la latitude aux « mythocrates », qui font profession de mémoire sélective. Regard critique En marge de ces intégrismes blancs ou noirs, un groupe d'observateurs a refusé de célébrer ou de condamner en bloc. Il a commencé àjeter un regard critique sur les plus et les moins de cet exhaussement de l'État ; il a cherché à déterminer s'il n'y a pas eu, à côté d'effets positifs indéniables, des effets négatifs non voulus et non prévus tout aussi importants en conséquence de la Révolution tranquille. Selon ce troisième groupe, la période précédant la Révolution tranquille n'en est pas une de Grande Noirceur, comme on l'a tellement répété, non plus qu'une période où les Canadiens français auraient été «décervelés par les évêques », comme le suggérait, avec le plus grand sérieux,Jacques Godbout dans L'actualité. Et l'après-Révolution tranquille n'a pas été aussi glorieux et nickelé qu'on a voulu nous le faire croire : le colbertisme n'a pas eu que des effets positifs. Il faut y regarder de plus près pour jauger lesgains et les pertes. Érosion des institutions Que conclut ce troisième groupe ? L'exhaussement de l'action étatique a servi de catalyseur dans certains domaines et a fait faire des progrèsau Québec. Malgré tous les ratés et toutes les erreurs de parcours...

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