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Des marges historiques simplifiées Guindon sent le besoin de prospecter vers l'avant, dans la direction de ce qui a précédé la discontinuité que constitue la modernisation du Québec. Dans cette quête, il est piégé par ses antécédents chicagoens : il accepte une image trop statique du Québec de 1800 à 1940 comme société rurale dominée par l'Église. On a maintenant documenté la montée d'une certaine industrialisation dès la première moitié du 19e siècle et l'émergence d'un espace économique québécois à deux vitesses : Montréal et le reste du terroir. À Montréal, c'est l'entreprise plus grande, la dominance d'un entrepreneuriat anglophone et l'inféodation d'une population francophone coupée des leviers du pouvoir économique ; à la périphérie, c'est l'émergence d'un capitalisme local à la mesure des moyens régionaux et d'une vie économique grouillante d'entrepreneuriat (Paquet, 1980-1981, 1986). Sur cet arrière-plan, la stylisation que donne Guindon des jeux et enjeux complexes qui sous-tendent le pacte confédératif est trop simple. La notion d'une Église qui serait l'incarnation de la nation canadiennefran çaise (1988 : 104) et l'exhaussement de certains événements comme la grève des réalisateurs de Radio-Canada qui aurait mené quinze ans plus tard à l'élection du Parti québécois (p. 142) constituent des raccourcis difficilement acceptables. On a le même malaise face aux résultats de l'analyse prospective que suggère Guindon dans le dernier chapitre. S'emparer du territoire, développer une base économique nationale, être moins tolérant linguistiquement, tout cela semble un peu court comme stratégie pour redonner vie au mouvement national. C'est comme si la sensibilité et la subtilité de Guindon perdaient leur dominium quand on quitte le terrain pour survoler le passé ou l'avenir. Il faut alors simplifier à outrance et faire programmatique, ce qui n'est pas dans ses cordes. Quelques trous dans l'analyse On ne peut pas accuser Guindon de faute logique : ses argumentations sont solides dès lors que ses présupposés sont acceptés. Mais il laisse trop de choses dans l'ombre. Parce qu'il met au centre du tableau la praxis de la nouvelle classe moyenne, il sous-estime considérablement les effets des forces démographiques et du baby-boom. Entre 1951 et 1966, il va naitre 100 • Gilles Paquet — Tableau d'avancement deux millions de Québécois, ce qui fait qu'en 1966, un Québécois sur trois a moins de quinze ans. Cette grande vague démographique a clairementeu l'effet d'un raz de marée sur les institutionsen place. De même, il faut parler de la croissance économique américaine et de l'envahissement des capitaux étrangers dans les années 50 : l'impulsion économique que ces facteurs donnent au Québec va être telle que ce dernier enregistrera une immigration nette dans les années 50, ce qui est un phénomène rare (Paquet, 1984). Guindon ignore trop le contexte sociomatériel dans lequel s'insère l'écologie des groupes sociaux qui l'intéresse. Non seulement le contexte démographique et les conditions de production et d'échange, mais le cadre financier de la socio-économie et la profondeur deTentrepreneuriat québécois ont peu de place dans l'image que donne Guindon de la socio-économie québécoise. Or, ces dimensions permettent de mettre en perspective l'importance relative des tractations sociales et de l'action de l'Etat en donnant sa quote-part à un dynamisme économique québécois dont lesracinesvont bien en deçà de 1960(Bélanger et Fournier, 1987). En fait, l'importance accordée à la nouvelle classe moyenne oblitère le rôle effectif des élites régionales — commerciales et industrielles— de plus vieille souche qui ont donné l'exemple d'un bon usage de l'Etat avant que la nouvelle classe moyenne fasse de même. On n'explique pas clairement non plus les manœuvres de la nouvelle classe moyenne pour s'approprier des gratifications tangibles pendant qu'elle orchestre une demande de gratifications symboliques pour les couches inférieures de la population. Celle-ci, dans son ensemble, sera dupe, mais seulement pendant un moment, comme le montrera d'ailleurs le mouvement créditiste. Guindon n'examine pas non plus avec suffisamment...

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