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II Problématiques identitaires et discours originaires. Comme des « irréguliers », qui tantôt fécondent les dictions de cet espace-mère par leur étrangeté séductrice et les entraînent au renouveau, tantôt dessinent, parfois par leur notoriété même, l'espace de nouvelles exclusions, de nouveaux exils, non plus géographiques, mais de reconnaissance littéraire. C'est ce qu'a fait apparaître au grand jour le collectif d'écrivains dits « francophones » qui publia dans LeMonde du 16 mars 2007 le manifeste Pour une « littérature-monde » en français, qui suscita par la suite les polémiques que l'on sait. Car la Francophonie peut être également perçue, et elle l'est très souvent ainsi par l'institutionuniversitairefrançaise, commeun efficace instrument d'exclusion, d'exil des textes et des écrivains dans une littérature« de seconde zone », à travers entre autres une lecture exotique stigmatisant ces textes à la localisation comme à la langue étranges, les reléguant dans un exil identitaire dont ils tireraient précisément leur originalité suspecte. D'ailleurs, la Francophonie n'est même pas ici seule en cause : Salman Rushdie déjà ne s'élevait-il pas contre le concept de « Commonwealth literature »? Autant dire, donc, que la question est complexe, et qu'il convient en tout cas de ne pas considérer les concepts d'exil ou d'identité problématique, lorsqu'on aborde les littératures francophones, comme des évidences, essentialistes, et inséparables de ces littératures dont elles fonderaient même l'existence. Cet essentialisme a cependant longtemps sévi dans la critique universitaire de ces textes, en développant par exemple le thème-cliché de l'« acculturation », ou celui de l'« aliénation » qui y serait liée, et sans voir que, commeje l'ai rappelé plus haut, l'exil, ou encore la marge, sont quelque peu inséparables au contraire de la créativitélittéraire, ce que cette perception fondée sur une description sociologique superficielleignore purement et simplement. Et, faut-il le rappeler, cet essentialisme sévit encore là où il exclut le critique qui n'est pas « native » de l'approche de ces textesdont il serait par nature empêché de saisir l'« essence », et en relègue l'étude dans des départements définis en fonction d'« aires culturelles », ou pire encore ethniques ou encore de« minorities », leur niant de ce fait tout droit à la littérarité ? PREFACE III D'ailleurs, il peut être intéressant de constater, au moins dans le « domaine maghrébin » qui est mon objet d'études même si ces conceptions essentialistes m'y contestent encore parfois ma légitimité de critique, que si l'écriture maghrébine francophone est souvent perçue comme marginale, comme« périphérique » par rapport au « centre » que représenterait la littérature française, ou aux centres que représenteraient toutes les littératures se réclamant d'un espace linguistique cohérent avec leur langue d'écriture, elle ne prend par contre que très rarement pour objet cette marginalité sociologique par excellence qu'est l'émigration, ou l'immigration. L'exil de la parole et l'exil identitaire ne coïncideraient-ils pas ? Et si oui, pourquoi ? Plus encore : lorsque poussés par une actualité tragique les grands écrivains maghrébins comme Mohammed Dib, Tahar Ben Jelloun ou Rachid Boudjedra parlent enfin de l'émigration/ immigration dans la deuxième moitié des années 70, c'est davantage pour parler de l'exil de l'écriture que de la misère de l'émigré : l'émigration serait-elle un indicible en littérature ?Ou alors l'acte d'écrire ne serait-il pas, encore une fois, un autre exil, un malentendu fécond, en ce qu'il serait une condition même de l'innovation littéraire, rive sauvage de la limite des pouvoirs du langage perpétuellement transgressée par l'acte créatif ?C'est ce que semblent bien confirmer les écrivains français qui commeJ.M .G.LeClézio ou MichelTournier décrivent peu après l'immigré depuis ce « centre »dans lequel lepersonnage et l'écriture à la fois introduisent la fêlure, paradoxalement par la séduction :celle de Tailleurs comme celle de l'écriture, ou encore celle de la beauté, tout simplement. Il faudra attendre le milieu des années 80 pour que naisse enfin du non-lieu des banlieues en Franceune écriture qui s'en...

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