In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

228 | Problématiques identitairesetdiscours le cosmopolitisme, Yenrichissement, la tolérance, l'ouverture d'esprit qu'on y gagne. Ces valeurs ont été celles du Liban autrefois : Un pays où des voix opposées, qui s'affrontent font de leur mieux pour rester en harmonie. Durant des siècles, il a été marqué par des signes inaltérables, et pourtant rien de fixe, de déterminé, de platement éternel ne remporte ici.De très anciennes terres de rêve ne cessent jamais de puiser la vie en elles-mêmes25 . Un jour,j'exprimais à Andrée Chedid mon inquiétude pour les anglicismes qui venaient sous ma plume en français ; elle me fit cette remarque qui me surprit : «Mais c'est très bien. Tu aères la langue !». Refuge, quête, expression de la division de l'être, pour moi l'écriture, c'est aussi cela : J'écris dans la langue de Famour Je raccompagne du rythme des cordes du luth de la guitare et du tambour Ma voix est un chant traversant les barrières un son doux de flûte allant de l'Orient àFOccident aucune frontière dans les mots ramassés sur les routes des pays qui m'appellent Je les découvre dans les signes symboles déchiffrés sur des pages ouvertes à mon espoir de comprendre de communiquer de trouver les sens qui éclatent au soleil ou à la lumière d'une bougie J'invente une mélodie pour chaque nom Je trace un dessin pour chaque blessure Je donne une couleur à chaque mot milliers d'arcs-en-ciel flottant autour de la terre. Toutes les formes d'expression que j'utilise m'aident à explorer l'expérience « fémihumaine», néologisme par lequel S'(écrire) | 229 je veux dire que la femme dans l'homme, dans le monde de l'homme, a trop souvent été ignorée ; on n'en a tenu compte ni dans lesanalyses, ni dans les descriptions, ni dans les expressions de l'expérience humaine. Interpréter le monde signifie pour moi comprendre la souffrance qui en est inséparable, dire les formes d'oppressions, creuser au fond de moi, de mes expériences et de mes observations pour trouver leséléments cruciauxet essentiels de ma condition de femme arabe, transmettre avec un sentiment d'urgence ce que j'ai vécu et ce que je vois, de façon aussi précise que possible, sous ses multiples facettes et dans sacomplexité. Un événement qui a déclenché chez moi des émotions très fortes, qui a été un point de fixation ou de cristallisation déterminant, le centre et le but de mon écriture, fut la lecture de textes relatifs à la pratique de l'excision, de l'infibulation, des mutilations sexuelles dont souffrent des millions de femmes à travers le monde—en particulier en Afrique et dans le golfe Arabe. C'est ainsi, une fixation causéepar la douleur, quej'écrivis mon premier roman, L'Excisée. Il décrit une femme E., Elle, Eve (femme universelle, femme de partout, moi d'une certaine façon), femme excisée symboliquement par le fanatisme religieux dans Beyrouth en guerre, femme mutilée socialement par la tyrannie masculine, femme témoin des mutilations physiques d'autres femmes. Où peut aller cette femme ? L'histoire de E. est un cri de révolte et une prière d'espoir. Dominée par un père protestant strict, dans un Liban détruit, la jeune femme idéaliste aspire à l'harmonie, l'amour et la paix. Mais elle est naïve et innocente ; elle tombe sous la domination de son amant/séducteur qui l'entraîne dans son désert. Elle est témoin de l'excision traditionnelle des jeunes filles. Malgré l'horreur de certaines scènes, l'histoire est chantée avec la voix poétique d'une jeune femme qui refuse de haïr ou de réagir par la violence26 . C'est l'histoire de mon adolescence piégée par une famille dont le totalitarisme religieux étouffe, dans un pays où chaque appartenance religieuse est sans pitié vis-à-vis des autres, où la tolérance et l'acceptation de l'autre sont difficiles. Le roman [3.22.181.211] Project MUSE (2024-04-19 05:21 GMT) 230 | Problématiques identitaires et discours raconte la vie d'une femme « devant un mur. Femme qui triche pour vivre. Femme qui s'arrange pour vivre...

Share