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210 | Problématiques identitaires et discours est de savoir s'il faut continuer de vivre comme si rien n'avait changé ou bien s'il faut s'adapter à des conditions nouvelles, questions particulièrement cruciales pour les femmes à qui l'exil apporte une chance d'émancipation.L'exemple de la narratrice révèle que mêmelesfemmes attachéesà la traditions'interrogent sur le bien-fondé des préceptes qui régentent leur vie au quotidien depuisdes tempsimmémoriaux45 . Lerefus du mariage traditionnel est à la fois une victoire et une défaite. Le « non » catégorique de la narratrice est l'expression d'une tentative de libération qui va cependantde pair avec une réticence manifeste de la narratrice à quitter son exil intérieur :pas encore tout à fait prête à s'affranchir de son passé, elle s'apprête à prendresa vie en main et s'interrogesur sa véritable identité46 . NOTES 1 Eva Hoffman, «The New Nomads », dans André Aciman, Letters of Transit, New York, New Press, 1999, p. 44. Toutes les traductions sont les miennes. 2 Assia Djebar, « II n'y pas d'exil », Femmes d'Alger dans leur appartement, Paris, Des femmes, 1980, p. 71-84. 3 De toute évidence Assia Djebar fut très préoccupée par le sort des réfugiés algériens et on peut donc penser que l'histoire de cette nouvelle s'inspire ou est peut-être basée sur un des reportages qu'elle effectuait à l'époque :«En 1958 et 1959, en effet, j'avais vécu aux frontières à plusieurs reprises. Ai-je besoin de dire que cette vie m'a marquée ? Les reportages que j'en faisais à l'époque pour El Moudjahid d'alors me paraissaient un moyen bien insuffisant pour dire ce que j'en retenais. Plus de cinq ou six ans après, quand j'ai écrit cette ouverture des Alouettes naïves où ces réfugiés ne sont qu'en arrière-plan, un horizon, j'ai su que je me délivrais enfin de l'émotion, non, de l'attention (mot plus important) accumulée véritablement ces jours-là. Si bien qu'au fur et à mesure que je continuais mon livre, à chaque fois qu'un des personnages revenait aux frontières et qu'il mentionnait plus ou moins ces réfugiés, ces insertions étaient voulues comme rappel du malheur et de la tragédie — or, j'écrivais toujoursces passages dans le bonheur parce que je m'en libérais et qu'il me semblait avoir enfin accompli ma tâche vis-à-vis de cescompatriotes dont j'avaisbien connu quelques- La voix dans lemiroir | 211 uns ». « Le romancier dans la cité arabe », Europe 474,1968, p. 118119 . 4 Bill Ashcroft, « On thé Hyphen in "Post-colonial" », New Literatures Review, vol. 32, hiver 1996, p. 24. 5 Pour reprendre la fameuse question de Gayatri Spivak, «Le subalterne, peut-il parler ? »(GayatriChakravorty Spivak, « Can thé Subaltern Speak ? », dans P. Williams et L. Chrisman, dir., Colonial Discourse and Post-Colonial Theory : A Reader, Hemel Hempstead, Harvester Wheatsheaf, 1994, p. 66-111) nous constatons que, dans cette nouvelle, c'est effectivement le subalterne qui s'exprime. Selon Spivak, le subalterne ne peut pas parler en dehors du cadre de la représentation, et c'est l'intellectuel qui parle à sa place. Or, ici la narratrice est triplement marginalisée en tant que femme, en tant que sujet subissant un pouvoir patriarcal et enfin marginalisée, puisque subissant la condition d'exil qui est une conséquence directe du pouvoir colonial. 6 Bill Ashcroft, op. cit., p. 24. 7 Les notions d'enfermement de la femme et d'exils multiples apparaissent aussi dans ses œuvres Vaste est laprison (Paris, Albin Michel, 1995) et L'Amour, lafantasia (Paris, J.C.Lattes, 1985). 8 Assia Djebar, « II n'y pas d'exil », op.cit.,p. 71. 9 À ce sujet, voir l'essai de Djamila Amrane-Minne, «Women and Politics in Algeria from thé War of Independence to Our Day » (Research in African Literatures, vol. 30, n° 3,1999, p. 62-77) qui parle des maquisardes. Assia Djebar examine ce sujet dans son romanLa Femme sans sépulture (Paris,AlbinMichel,2002) qui raconte l'histoire de Zoulikha, une maquisarde qui s'est engagée dans la lutte pour l'indépendance et qui est portée disparue après son arrestation par l'armée française. 10 Stéphanie Boibessot note, pertinemment, que la question de...

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