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210 PENSÉE, IDÉOLOGIE ET POLITIQUE observations de Charles Taylor qui, lui, se nourrit de philosophie. Mes troispersonnes grammaticalesont des correspondances évidentes avecles trois malaises de la modernité qu'il a mis en évidence et qui sont dus à l'individualisme, au désenchantement du monde et à l'établissement de structures technologiques aliénantes8 . Nous utilisons la mêmegrammaire politique. Cette grammaire est employée aussi par des auteurs aussi différents que Ralph Dahrendorf9 lorsqu'il regrette l'affaiblissement des liens sociaux, Théodore Lowi10 lorsqu'il s'en prend aux groupes de pression égoïstes, Alain Touraine11 selon qui l'être qui se voulait seul est un être perdu dans la masse, C.B.MacPherson12 et André Vachet13 selon qui l'individualisme désagrège le social, et ceux aussi qui se regroupent ou que l'on regroupe en écoles de l'ancien ou du nouveau communautarisme14 . Cesauteurs, partant de prémisses et d'observations variées, diffèrent dans leurs analyses et dans leurs prescriptions mais s'entendent pour regretter que la modernité soit la cause d'un sérieux déficit de solidarité. Conclusion Je résume et m'interroge. Les droits que nous disons être collectifs sont une catégorie particulière des droits individuels ;ilsontleurs racines dans ledroit qu'a l'individu de se gouverner par le collectif, le droit de passer du je au nous. Or, le nous se trouvefragilisépar l'égoïsme du moiet la rationalité du il.Où cela nous mène-t-il? Comment démêler le bon du mauvais? Si une inquiétude apparaît dans ce que je viens d'affirmer, c'est la crainte que, dans les démocraties à capitalisme de pointe, dans ce qu'on appelle l'Occident, l'Occident des nantis, l'individu ne soit en perte de nous. Lorsque la démocratie et le capitalisme ont à détruire des structures autoritaires pour pouvoir s'installer commeen France au XVIIIe siècle ou enPologne toutrécemment,lalibertéetl'égalité sont sources de solidarité. Mais, dans les États où la démocratie n'est plus contestée et où le capitalisme estbien implanté, ily arisque que la solidariténe soit remplacée par l'égoïsme et l'envie15 ,risque que leje,sevoulant toujours plus libre,tienne pour acquise la survie de structures de solidarité dont il a besoin, mais MÉLANGE auxquelles il ne ressent pas le besoin de donner son soutien et sa participation. La division du travail et la séparation des fonctions sociales défont sans cesse les solidarités établies. À l'époque actuelle, le capitalisme surtout, mais aussi la démocratie contribuent à cette désagrégation. Que faire? S'en prendre au capitalisme et à la démocratie? Ce serait sans doute futile et certainement inconsidéré, car ce serait se priver des effets bénéfiques de l'un et de l'autre. Que faire donc? Durkheim nous donne la réponse. Plutôt que de raccommoderles systèmes de solidarité en déclin, il vaut mieux chercher des substituts durables. Au lieu de laisser aller les choses, il vaut mieux s'appliquer à l'ingénierie sociale et créer des institutions de solidarité adaptées aux circonstances. Quelles institutions? La réponse ne saurait être donnée qu'au cas par cas. Pour le Canada, il conviendrait non seulement de permettre la mondialisationde son économie, mais aussi de structurer et de canaliser, plutôt que de condamner, ses différents nationalismes, ses nous de forte légitimité—le canadien, le québécoiset l'autochtone. Dans la pratique, cela pourrait se faire en donnant aux provinces et aux communautés aborigènes qui le désireraient, la souveraineté en matière de langue et de culture et aussi en matière de communication se rapportant au culturel et au linguistique (notamment la radio et la télévision).Onpourrait aussidonner auxprovinces quiledésirentle droit de conférer la citoyenneté par naturalisation. Ce serait, en ces différents domaines, adopter le système suisse qui a la sagesse de dissocier le principe d'élargissement, qui gouverne l'économie, du principe de cloisonnement qui gouverne le culturel. On pourrait enfin, comme en Belgique, lier entre elles par le bilinguisme — et cela non seulement au niveau du gouvernement fédéral, mais aussi au niveau d'un district fédéral — des provinces qui auraient décidé d'adopter l'unilinguisme territorial16 . D'autres réformes sont envisageables, par exemple celles...

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