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100 PENSÉE, IDÉOLOGIE ET POLITIQUE certescitoyende Genève,villelibre,indépendante,mais ilrecourtau droit naturel). Les sociétés grandissent. La république même aristocratique n'est plus possible. Montesquieu propose un palliatif,lafédération de plusieurs petites républiques. Jefferson, grand admirateur de Montesquieu, qui affirmait que tout homme de bien « devrait avoir L'Esprit deslois comme livre de chevet », et les Pères de la constitution américaine ont travaillé dans cet esprit pour rédiger la constitution et fonder en 1787lafédération des États-Unis d'Amérique.Montesquieu,morten 1755,n'avait cependant guère de son temps que lesfuturs Pays-Bas,lesProvinces-Unies, nées des luttes de la fin du XVIe siècle, première révolution bourgeoise, comme exemple de république fédérale. Lesgrandes monarchies tenaient le haut du pavé, dont celle de France. Nous retrouvons le pragmatisme. La liberté et Montesquieu s'adaptent. La monarchie doit être modérée. Le monarque, titulaire incontesté du pouvoir exécutif, doit respecter les lois, la division des pouvoirs. Le modèle de Montesquieu devient l'Angleterre moderne à laquelle il accorde l'« esprit général de liberté ».CetteAngleterre, suscitée par l'« illustre révolution » de 1688, a été théorisée par Locke, dont Montesquieu s'inspire sans trop le dire. De même, Montesquieu ne connaissait pas Spinoza, en tout cas ne le pratiquait pas ; mais leurs analyses, fondées sur des principes différents et même antagonistes, se recoupent. S'agit-il làd'un pragmatisme supérieur, intertextuel? Spinoza, en accord parfait avec la logique générale de son système, avec son Éthique,est favorable àla démocratie, maisilserésignehistoriquement au libéralisme. La rupture entre république et monarchie s'accomplit chez Montesquieu, lequel s'accommode de la monarchie, un mode de gouvernement qui n'est pas fondé sur la vertu. Il est même, selon Montesquieu, difficile de trouver quelqu'un d'« honnête » dans une monarchie. C'est que le principe de celle-ci est l'honneur, la nécessité pour chacun de défendre son rang, ce que, dans le langage d'aujourd'hui, on pourrait appeler la concurrence de tous contre tous. Cependant l'honneur chez Montesquieu est encore très aristocratique et archaïque ; la noblesse doit être capable de sacrifier sa vie pour protéger son honneur. Montesquieu n'est pas belliciste. Mais il ne connaît que trop l'existence de la guerre. Ilfaut s'y préparer. Montesquieu n'en voit pas la MÉLANGES 101 fin en Europe, contrairementàson contemporainl'abbé de Saint-Pierre et à Kant (il conviendrait cependant selon lui de ne pas renchérir dans la course aux armements).Lavertu des citoyens est guerrière, l'honneur des aristocrates dans une monarchie l'est tout autant, mais différemment. La force réelle d'une république est de pouvoir mobiliser le peuple citoyen (ce avec quoi Rousseau est bien d'accord, abandonnant sa douceur pour une fois), la force théorique d'une monarchie étant de pouvoir mobiliser la noblesse. Pourtant Montesquieu, prophète modéré, affirme que l'Europe constitue «un seul État divisé en plusieurs provinces ». Intellectuel àlafois militantet scientifique, cequi invite àune double lecture de L'Esprit des lois, convergente et parfaitement pragmatique, Montesquieu a été un intellectuel révolutionnaire pour les États-Unis en 1783-1787, pour la France en 1789-1791. Pragmatisme encore : Montesquieu a été un intellectuel évolutionnaire, toujours après sa mort, pour la Suède du roi Gustave III (1771-1792), qui a fait adopter son principe de division des pouvoirs par un coup d'État légal, en 1772, au profit des prérogatives royales, contre la noblesse, aidé en cela par les services secrets français, le fameux « secret du roi » de Louis XV. Le pragmatisme accepte les détours de la politique. Conclusion Si je reviens pour conclure à certains des thèmes abordés par André Vachet et rappelés au début de ce chapitre,je peux dire que c'est dans la liberté selon Montesquieu, dans ses formes si différentes, que se conjuguent l'avoir, l'être et le faire. D'abord, partisan comme Locke du droit à la propriété, Montesquieu a insisté sur la « sûreté » qui doit être offerte àchaquecitoyen,àchaquesujet. Ensuite,Montesquieu est enraciné dans l'être grâce à son monothéisme abstrait, plus chrétien qu'on ne...

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