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26 L'EXPÉRIENCE SOCIALE DU QUOTIDIEN pertinente quand elle fait ressortir les différences entre ville et urbain, cité et métapôle (Asher, 1998). Des usages différents de l'espace bâti s'observent dans les agglomérations européennes où coexistent les deux types d'espace, dénaturés par une hiérarchie des rues. On peut à cet égard déplorer avec Chesneaux (1996) que les rues piétonnes soient souvent des rues marchandes monofonctionnelles , ennemies de la flânerie et de la lenteur chère à Sansot (1998). Néanmoins ces rues s'inscrivent encore dans des centres anciens architectures, témoins de l'histoire où de larges portions de la population ont encore l'habitude de vivre une socialité au quotidien. Les bistrots, les places, les marchés, les rues étroites demeurent les lieux essentiels des urbanités. Les portraits et les photographies de citoyens circulant en ville en ont restitué le charme. Des hommes flânant ou attablés à une terrasse de café, cherchant à retrouver le goût du vivre ensemble d'hier, des femmes au marché, debout, un cabas à la main, évoquant les caprices du temps ou leur corps souffrant, rien que pour faire du lien et du liant. Ces manifestations dessinent un espace de communication , embryon d'un espace public commun, tel que le concevait Arendt (Collin, 1999). L'espace est donc aussi le lieu de la socialité coutumière. Spatialisé dans les vieillesvilles d'Europe, ce type de socialité est moins visible dans les grandes villes du continent américain qui offrent davantage l'image d'une urbanité éparpillée dans des espaces segmentés, ne ménageant aucune transition, passant brutalement des zones habitées aux grandes voies de circulation. L'expérience sociale des acteurs s'inscrit donc dans un espace socialement construit sur lequel il a peut-être de moins en moins de prise. On peut penser aussi que ses pratiques façonnent en revanche des formes urbaines qui favorisent une socialité de proximit é, propice à l'éclosion et au déploiement d'une réelle société civile. L'espace est aussi production de signes, langage. Les espaces habités proclament par la symbolique de leurs objets, de leur forme, l'appartenance sociale d'une famille et l'essentiel du contenu de son quotidien. Les espaces bâtis renvoient à plusieurs symboliques. La sémiologie simple des quartiers s'unit à la sémiologie historique du centre-ville, à celle des espaces en friche et des anciens lieux de production, présents dans les vieillesvilles d'Europe. Une configuration diversifiée de signes encadre et façonne différemment les expériences de la vie quotidienne. La densité des espaces crée donc des formes. Celles qui ont été INTRODUCTION GÉNÉRALE 27 étudiées sont dessinées par les parcours des citadins (Haicault et Mazzella, 1997). Cesformes deplurimobilité distinguentglobalement les hommes des femmes, les classes d'âge également. Leurs pratiques témoignent de la diversité des urbanités. La notion d'espace aborde aussi dans l'ouvrage la coupure entre privé et public. Son caractère idéologique a été dénoncé par les féministes qui ont montré, arguments à l'appui, comment la coupure s'est établie sur une vision masculine du monde, de l'espace et des pratiques de mobilité et qu'elle a contribué à légitimer celle-ci. Vision masculine, sous couvert d'universalisme, à laquelle adhèrent encore bon nombre de femmes, comme l'a révélé le récent débat en France sur la parité (Tahon, 2000). La coupure a fondé les modes d'articulation entre les sphères sociales, contribuant à en exclure certaines et à en admettre d'autres. L'autonomisation de l'économique a rendu nécessaire la justification de cette hégémonie. Étant donné les changements rapides, il semble que la mondialisation soit, d'une certaine manière, en train de digérer la coupure. Elle la neutralise en absorbant le privé, en le domestiquant par la transformation de la marchandise, en grignotant le temps consacré à la domus et à la famille ou aux relations de voisinage (Méda, 1999). Envahi par les marchandises et les technologies en perpétuelle innovation, l'espace domestique est aussi pénétré par des marchandises virtuelles encore plus chronophages. Les formes de télétravail en fournissent de bons exemples. Une redéfinition du privé aurait, dit-on, permis de circonscrire et de définir un nouvel espace public. Pourquoi cependant une coupure à ce...

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