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1 Femmes autochtoneset développement économique ou la rencontredes modernités CAROLE LÉVESQUE et NADINETRUDEAU, INRS-Culture et Société Introduction Un des principaux défis actuels de la population autochtone est sans contredit l'intégration au marché du travail. Parmi les constats identifiés à la suite de la Commission Royalesur lesPeuples Autochtones (CRPA, 1996), un très grand nombre concernaient la question de l'emploi et ses corollaires tels que le chômage, la scolarisation et la formation.De manière générale, ces constats sont clairs et ils ont été confirmés depuis lors par les données du dernier recensement fédéral :le taux de chômage dans certaines communautés dépasse souvent les 50% et se situe en moyenne à plus de 30% pour l'ensemble des Premières Nations du Québec ;cesproportions sont habituellement plus élevées en cequi atrait aux femmes et encore davantage dans le cas des jeunes autochtones ;le taux d'activité est souvent inférieur à 50%(62%en moyenne ailleurs au Canada) ;lenombre de prestataires autochtones de l'aide sociale a doublé depuis 1980 ; 65%des Autochtones de plus de 15ans (35% ailleurs au Québec)n'ont pascomplétéleursétudes secondaires ; lerevenu personnel moyen de la population autochtone (15177$)atteint àpeine lesdeux tiers du revenu moyen des Québécois (23 198 $) ; ailleurs au pays cette proportion diminue à la moitié, voire au tiers, du revenu moyen des Canadiens (Statistique Canada 1998). 16 LA TENSION TRADITION-MODERNITÉ Cette situation est de plus en plus documentée (entre autres Gill et al, 1995 ; MAINC, 1996 ; Stout et Kipling, 1998) et, sauf très rare exception, elle est présentée et discutée comme nous venons de le faire rapidement, sous un angle comparatif avec le reste du Québec ou du Canada. Les indicateurs socio-économiques utilisés pour mesurer et évaluer lesprofils économiqueet scolairedes Autochtonessont en effet les mêmes que ceux utilisés ailleurs au pays. Ilen résulte nécessairement des comparaisons qui ne peuvent être qu'au désavantage des Autochtones et qui les placent et les replacent sans cesse à la remorque des Québécois et des Canadiens. Les politiques et programmes gouvernementaux qui s'adressent à la population autochtone sont d'ailleurs élaborés pour la plupart à partir de cette approche du développement social et du développement économique, selon laquellelesstandards de référencesont ceux de la majorité ; il importe en effet que « les peuples autochtones [aient] le même niveau de vie, la même qualité de vie et les mêmes chances que les autres Canadiens » (Gouvernement du Canada, 1996). Semblable approche du développement, tout à fait légitime et pertinente au plan démocratique, a cependant des conséquences importantes lorsque vient le temps d'en évaluer la portée, notamment avec les instruments de mesure que l'on connaît. Non seulement marginalise-t-elle les Autochtones aux yeux des Québécois et des Canadiens en faisant d'eux d'éternels retardataires, mais elle véhicule aussi l'idée que le développement ne peut aller que dans un seul sens et que le taux d'activité, pour ne prendre que cet exemple, ne peut être calculé que sous l'angle de l'employabilité de la clientèle. Une telle vision du développement, de l'avancement des sociétés ou de l'amélioration des conditions d'existence qui ne tient aucunement compte des héritages, de la culture et des modes de vie n'est-elle pas anachronique à une époque où la diversité culturelle constitue une donnée essentielle du discours occidental sur la modernité? N'est-elle pas limitativeà l'heure des grands dossiers sur la nouvelle économie qui proposent de plus en plus d'alternatives aux diktats classiques et incitent, à tout le moins, à appréhender autrement ce que des générations de politiciens, d'intervenants, d'économistes ou de chercheurs de toutes origines ont toujours considéré comme acquis? Le cas du développement économique chez les Autochtones, examiné plus particulièrement à partir de la situation des femmes, constitue une piste de réflexion fort pertinente à cet égard d'abord parce qu'ilfournit l'occasion de poser autrement laquestion de lamodernité que l'on ramène sans cesse à l'éternelle dualité tradition-modernité ; ensuite parce que le développement économique et social des Premières Nations T [18.116.239.195] Project MUSE (2024-04-24...

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