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Chapitre I. L'état de la question
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CHAPITRE I L'état de la question Nous avons mentionné le caractère récurrent des cadres de référence que sont la transparence et l'opacité qui ont marqué l'histoire de la sémiologie. De façon spécifique, nous désirons maintenant tracer un portrait plus détaillé de certains points de vue déjà exprimés sur la photographie, en fonction de cet axe. Ces positions insistent tantôt sur la transparence, tantôt sur l'opacité du signe photographique, alors que quelques-unes optent pour une attitude mixte. Chemin faisant, il faudra garder en mémoire cette interrogation : la transparence et l'opacité du signe photographique fonctionnent-elles comme règles constitutives, ou s'agit-il de liaisons contingentes?Après avoir proposé un état de la question, nous préciserons notre propre stratégie sémiotique à cet effet. Nous aurons par ailleurs à discuter les points de vue exprimés. Avant de procéder toutefois, il nous apparaît opportun de parcourir deux positions théoriques majeures ayant marqué au cours des derni ères années la question d'une éventuelle définition de la photographie . Nous convoquerons les propositions de Rosalind Krauss et de Philippe Dubois, en précisant ce que nous retenons de l'une et de l'autre et, du même souffle, en quoi nous allons également nous en dissocier41 . Il s'agit, à cette étape de l'exercice, de traitersommairement 4l Nous connaissons par ailleurs le travail de René Lindekens sur la question. Nous ne souhaitons pas l'utiliser et par conséquent désirons éviter d'en parler. Toutefois,il pourrait être opportun de motiver notre décision. Éléments pour une sémiotique de la photographie proposé par Lindekens en 1971, et dont Algirdas-Julien Greimas était le promoteur, emprunte une méthodologie inspirée des propositions sémiolinguistiques hjelmsléviennes. La sémiotique construite par René Lindekens s'élabore 14 LA PHOTOGRAPHIEMALGRE L'IMAGE de certaines des positions théoriques suggérées par Krauss et Dubois. Au chapitre IV, nous y reviendrons en précisant alors nos propres positions en rapport avec le modèle de contexture photographique. 1.1. De Rosalind Krauss 1.1.1. Photographie ou photographique? Dans son introduction au recueil d'articles intitulé Le Photographique42 , Rosalind Krauss nous précise qu'elle entend « faire de la photographie un objet théorique au moyen duquel les œuvres d'art peuvent être vues en termes de leur fonction comme signe ».Elle souligne qu'elle réfléchit« non pas sur la photographie, mais sur la nature de l'indice [...] sur [ses] conditions indicielles43». Déjà en 1979, Krauss ouvrait une« nouvelle rubrique »,« l'art de l'index », une expression que l'on pourrait facilement remplacer, selon elle, par une autre : « le photographique44 ». Son objectif du moment était d'unifier, théoriquement, le pluralisme des pratiques artistiques des années 1970.Ailleurs et dans la même veine, utilisant la notion du « photographique »,elle postule que« l'ensemble des arts visuels utilise aujourd'hui des stratégies qui sont profondément structurées par la photographie45». En instituant ainsi la rubrique du photographique pour l'appliquer notamment aux arts visuels des années 1970 aux Etats-Unis, ainsi qu'à l'ensemble des pratiques artistiques de la modernité, au moins depuis Marcel Duchamp, Rosalind Krauss, nous semble-t-il, ne parle pas,justement , de photographie comme telle !Elle nous entretient plutôt de ses conditions indiciaires applicables à des activités qui dépassent le seul nommément sur un fondement théorique philosophique emprunté à la phénoménologie , soit une voie que nous n'utilisons pas. La sémantique proposée par René Lindekens s'élabore autour de la notion de morphèmes iconiques et est construite à partir d'un lexique pré-établi de significations diverses qui font l'objet de« sondages » visant à déterminer le sens de ces morphèmes. Cependant, les propositions des Rosalind Krauss et Philippe Dubois nous semblent davantage convenir à l'exploration que nous désirons faire du signe photographique. Voilà pourquoi nous en traiterons davantage. 42 Le Photographique. Pour une théorie des écarts, Paris, Macula, 1990. 43 Itrid., p. 13-14. 44 «Notes sur l'index. L'art des années 1970 aux États-Unis »,Macula, no 5-6 (1979), p. 175. 45 Op. cit.,1990 (1978), p. 19. [44.200.145.114] Project MUSE (2024-03-28 17:26 GMT) L'ÉTAT DE LA QUESTION 15 champ de la...