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50 FRANÇOIS GRIN nouvelles questions sur le plan idéologique aussi bien que sur celui, plus immédiat, des politiques de l'éducation. Deuxièmement, si la gestion « à la suisse » de la diversité linguistique a largement contribué à ce que l'on nomme, dans le débat politique suisse, « la paix des langues », cette « paix » n'est pas pleinement satisfaisante,car les composantes les plus faibles de la diversité linguistique sont menacées. L'italien est indiscutablement lésé dans l'espace public (voir, par exemple, Snozzi, 1996),et le déclin du romanchepeut être qualifié de dramatique (Furer, 1991,1992). Troisièmement, ce qu'il est convenu d'appeler la « mondialisation » touche la Suisse tout autant que d'autres pays; c'est sans doute dans le cadre de ce faisceau de phénomènes qu'il faut replacer l'analyse de la diffusion de la langue anglaise, y compris dans des pays, comme la Suisse, où elle n'est la langue principale que d'une minorité de résidants (en l'occurrence, 0,88 %). La diffusion de l'anglais comporte un risque :c'est celui de la délégitimation réciproque des langues des différentes communautés linguistiques dans la communication entre elles. Cette dérive, qui pourrait être d'importance secondaire, est toutefois potentiellement dommageable parce qu'elle renforce une autre tendance à la délégitimation de certaines langues. La décision du Département de l'instruction publique du canton de Zurich, annoncéele 14septembre 2000,d'enseigner aux écoliers du canton l'anglais avant le français peut être interprétée comme une manifestationde cettetendance. Divers autres problèmes, soit moins fondamentauxsoit moins visibles , pourraient être signalés - par exemple, autour de la plus ou moins grande fermeté avec laquelle les autorités cantonales font respecter les frontières linguistiques en place8 . On notera aussi l'existence, attestée statistiquement mais encore peu prise en compte par le public et les médias, de différences entre les revenus des italophones et des germanophones, même à formation égale (Grin et Sfreddo, 1998).Ces différentiels semblent être liés à l'appartenance à l'une ou l'autre communauté linguistique , et ne peuvent pas être entièrement expliqués par des différences entre les tissus économiques régionaux des parties germanophones, francophones et italophones du pays. Cela constitue un sérieux défi à la stabilité à long terme du système. LA GOUVERNANCE LINGUISTIQUE EN SUISSE 5! L'avant-projet de loi sur les langues du 26 octobre 2001 Cependant, de tels problèmes sont peut-être inévitables. Ce qui doit préoccuper les Suisses, ce n'est pas leur existence, mais l'apparente incapacité des autorités fédérales et cantonales à en prendre la mesure et à réagir en conséquence. À cet égard, la récente mise en consultation d'un avant-projet de loi sur les langues - la loi d'application des nouvelles dispositions constitutionnelles votées par le peuple et les cantons en mars 1996 - devrait faire figure de signal d'alarme plutôt que de réconfort. En effet, des trois grandes questions signalées ci-dessus, seule la seconde (sur la situation du romanche et de l'italien) est abordée dans l'avant-projet. Qui plus est, on peut s'inquiéter du caractère inopérant, et certainement insuffisant, des mesures proposées pour la protection du romanche et la promotion de l'italien (Grin, 2001). En revanche, la prise en compte des langues de l'immigration est, au mieux, incidente, et la question du rôle de l'anglais est totalement éludée. Plus généralement , l'avant-projet de loi (et les Commentaires officiels qui l'accompagnent ) frappent par l'évacuation de toute analyse de politique linguistique . Ce regrettable manque se traduit, en particulier, par l'omission de toute référence à l'appareil conceptuel issu de la recherche en la matière, et par l'absence de toute référence à l'expérience accumulée dans d'autres pays. Car la Suisse, bien que pouvant se féliciter de ce qui reste, en comparaison internationale, un indéniable succès de gouvernance linguistique , ne peut pas pour autant se croire « arrivée ». Bien au contraire, elle a beaucoup à apprendre de l'expérience des autres. On regrettera d'autant plus que les fonctionnaires fédéraux responsables du dossier aient cru pouvoir travailler dans une logique purement administrative , en écartant la...

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