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Chapitre 1: La Source
- University of Ottawa Press
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CHAPITRE 1 LA SOURCE Mon cheval pour un royaume:un échec réussi Depuis toujours, sur la terresèche, raclée jusqu'à l'os, de ce pays démesuré, quelques hommes cheminaient sans trêve, qui ne possédaient rien mais ne servaient personne, seigneurs misérableset libres d'un étrange royaume. Albert Camus, L'Exil et leroyaume. Mon cheval pour un royaume, premier roman de Jacques Poulin, lancé le mercredi 7juin 1967, paraît au cœur d'une période d'effervescence littéraire et politique, la Révolution tranquille. Sur le plan littéraire, il succède à des œuvres marquantes de MarieClaire Biais (Une saison dans la vie d'Emmanuel, 1965), d'Hubert Aquin (Prochain épisode, 1965), de Réjean Ducharme (L'Avalée des avalés, 1966) ;dans le domaine socio-politique, la montée du Front de libération du Québec (FLQ) et la naissance du Mouvement souveraineté-association, qui deviendra en 1968 le Parti québécois, représentent deux faits marquants de cette décennie. Mon cheval pour un royaume se situe au carrefour de ces tendances politiques et littéraires. Une trame fondée en grande partie sur l'engagement terroristecaractérisel'action du personnage principal, Pierre Delisle ; malgré cela, une histoire réduite à peu d'événements et des personnages aux contours flous rattachent cette œuvre à la fois au « nouveau roman », assez populaire à 23 CHAPITRE 1 LA SOURCE Mon cheval pour un royaume: un echec reussi Depuis toujours, sur la terre seche, raelee jusqu'it 1'os, de ce pays demesure, quelques hommes cheminaient sans treve, qui ne possedaient rien mais ne servaient personne, seigneurs miserables et libres d'un etrange royaume. Albert Camus, L'Exil et Ie royaume. Mon cheval pour un royaume, premier roman de Jacques Poulin, lance Ie mercredi 7 juin 1967, parait au creur d'une periode d'effervescence litteraire et politique, la Revolution tranquille. Sur Ie plan litteraire, il succede it des reuvres marquantes de MarieClaire Blais (Une saison dans la vie d'Emmanuel, 1965), d'Hubert Aquin (Prochain episode, 1965), de Rejean Ducharme (L'Avalee des avales, 1966) ; dans Ie domaine socio-politique, la montee du Front de liberation du Quebec (FLQ) et la naissance du Mouvement souverainete-association, qui deviendra en 1968 Ie Parti quebecois, representent deux faits marquants de cette decennie. Man cheval pour un royaume se situe au carrefour de ces tendances politiques et litteraires. Vne trame fandee en grande partie sur l'engagement terroriste caracterise l'action du personnage principal, Pierre Delisle; malgre cela, une histoire reduite it peu d'evenements et des personnages aux contours fious rattachent cette reuvre a la fois au «nouveau roman », assez populaire a 23 l'époque, et au récit poétique. De plus, sa thématique erotique l'inscrit dans un des genres montants au cours des années soixante. Trouve-t-on là, par conséquent, tous les ingrédients du succès ? Ce cas démontre, encore une fois, que la fortune d'une œuvre ne tient pas d'abord à des choix opportunistes sur le plan de l'intrigue ou du thème, car, autrement, le best-seller setrouverait à la portée de chacun... La réussite exige davantage : une vision du monde, un style, une cohérence de l'œuvre. Or, ce premier roman est, selon ces critères, une œuvre manquée, du moins si on en croit l'auteur lui-même et la plupart des critiques qui ont commenté cette parution. Le jugement de Jacques Poulin pourrait suffire à enterrer à tout jamais Mon cheval pour un royaume, l'« histoire la plus stupide publiée en 1967'. » L'auteur en remet : '~^J Je ne sais pas si c'est un poème ou un roman. Ce que je sais c'est que Mon cheval pour un royaumeest un livre qui n'a pas beaucoup de valeur. Son principal défaut, c'est d'être trop intellectuel, au mauvais sens du mot. Il est possible qu'on y trouve un peu de poésie, mais la poésie ne suffit pas à transformer une histoire mal foutue en un bon roman. Pour dire toute la vérité, c'est un livre qui m'écœure et j'aimerais beaucoup ne pas être obligé d'en parler2 . '*==>' Rien ne semble donc nous encourager à étudier ce roman pourtant essentiel, car il contient comme en puissance les sept autres œuvres, tant sur le plan de leur thématique que de leur forme. Paul Socken...