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CONCLUSION ÀL'OMBREDUPÈRE Tenter de résumer en quelques mots l'ensemble de l'œuvre de Germaine Guèvremont et de porter un jugement de valeur sur cette abondante production, c'est risquer à coup sûr d'être injuste. On y trouve en effet un peu de tout : des articles de circonstance, plus ou moins soignés ; des chroniques, des portraits et des interviews ; des réflexions faites sur le ton de la confidence voisinant avec des mots d'enfant, des anecdotes et des histoires drôles ; un récit serai-autobiographique (« Tu seras journaliste ») et bon nombre de textes plus ou moins ouvertement autobiographiques ; un recueil de contes et deux romans. Germaine Guèvremont avait vingt ans lorsqu'elle publia son premier article, en octobre 1913. Elle ne cessa pratiquement plus d'écrire jusqu'à sa mort, avec des «pointes » entre 1928 et 1935, à l'époque où elle était rédactrice du Courrier de Sorel; entre 1938 et 1950, période qui marque l'apogée de son œuvre aussi bien journalistique que littéraire ;en 1961-1962, enfin, alors qu'elle était chroniqueuse au Nouveau journal. Sansoublier, bien sûr, la fébrilité des années 1952 à 1960, consacrées quasi exclusivement aux adaptations radiophoniques et télévisuelles de son œuvre romanesque : lourde tâche, s'il en fut1 . De cesmilliers de pages noircies avec patience durant plus d'un demi-siècle émergent deux œuvres majeures : leSurvenant et Marie-Didace, et un personnage mythique :le Grand-dieu-des-routes. Lereste estinconnu ou méconnu. Moins peut-être les contes d'En pkine terre que les innombrables articles et chroniques qu'elle publia généreusement dans quantité 187 CONCLUSION AL'OMBREDU PEKE Tenter de resumer en quelques mots l'ensemble de l'a:uvre de Germaine Guevremont et de porter un jugement de valeur sur cette abondante production, c'est risquer a coup sur d'Hre injuste. On y trouve en effet un peu de tout: des articles de circonstance, plus ou moins soignes ; des chroniques, des portraits et des interviews ; des reflexions faites sur Ie ton de la confidence voisinant avec des mots d'enfant, des anecdotes et des histoires droles j un recit semi-autobiographique (<< Tu seras journaliste») et bon nombre de textes plus ou moins ouvertement autobiographiques ; un recueil de contes et deux romans. Germaine Guevremont avait vingt ans lorsqu'elle publia son premier article, en octobre 1913. Elle ne cessa pratiquement plus d'ecrire jusqu'a sa mort, avec des «pointes» entre 1928 et 1935, a l'epoque oil eile etait redactrice du Goumer de Sorel; entre 1938 et 1950, periode qui marque l'apogee de son a:uvre aussi bien journalistique que litteraire; en 1961-1962, entin, alors qu'elle etait chroniqueuse au Nouveau journal. Sans oublier, bien sUr, la febrilite des annees 1952 a1960, consacrees quasi exclusivement aux adaptations radiophoniques et televisueiles de son a:uvre romanesque : lourde tkhe, s'il en futl . De ces milliers de pages noircies avec patience durant plus d'un demi-siecle emergent deux a:uvres majeures : Ie Survenant et Marie-Didace, et un personnage mythique : Ie Grand-dieu-des-routes. Le reste est inconnu ou meconnu. Moins peut-etre les contes d'En pleine terre que les innombrables articles et chroniques qu'eile publia genereusement dans quantite 187 CONCLUSION AL'OMBREDU PEKE Tenter de resumer en quelques mots l'ensemble de l'a:uvre de Germaine Guevremont et de porter un jugement de valeur sur cette abondante production, c'est risquer a coup sur d'Hre injuste. On y trouve en effet un peu de tout: des articles de circonstance, plus ou moins soignes ; des chroniques, des portraits et des interviews ; des reflexions faites sur Ie ton de la confidence voisinant avec des mots d'enfant, des anecdotes et des histoires droles j un recit semi-autobiographique (<< Tu seras journaliste») et bon nombre de textes plus ou moins ouvertement autobiographiques ; un recueil de contes et deux romans. Germaine Guevremont avait vingt ans lorsqu'elle publia son premier article, en octobre 1913. Elle ne cessa pratiquement plus d'ecrire jusqu'a sa mort, avec des «pointes» entre 1928 et 1935, a l'epoque oil eile etait redactrice du Goumer de Sorel; entre 1938 et 1950, periode qui marque l'apogee de son a:uvre aussi bien journalistique que litteraire; en 1961-1962, entin, alors qu'elle etait chroniqueuse au Nouveau journal. Sans oublier, bien sUr, la febrilite des annees 1952 a1960, consacrees quasi exclusivement aux adaptations radiophoniques et televisueiles de son a:uvre romanesque : lourde tkhe, s'il en futl . De ces milliers de pages noircies avec patience durant plus d'un demi-siecle emergent deux a:uvres majeures : Ie Survenant et Marie-Didace, et un personnage mythique : Ie Grand-dieu-des-routes. Le reste est inconnu ou meconnu. Moins peut-etre les contes d'En pleine terre que les innombrables articles et chroniques qu'eile publia genereusement dans quantite 187 de revues, de journaux et de magazines, sans se soucier vraiment du jugement de lapostérité. Leregard amusé et gentiment moqueur qu'elle porte sur le monde contemporain contrebalance ce que Ton peut trouver de compassé dans le ton et de convenu dans le style. Ce qui domine, dans cette oeuvre, c'est une forme de confiance et d'hédonisme :Germaine Guèvremont vit dans leprésent, avec gourmandise, un regard constamment tourné vers le passé, mais sans souci de l'avenir. Au présent réel de l'actualité, celui de la journaliste, s'oppose le passé mythique du Chenal du Moine, qui est celui de la conteuse et de la romancière. Cette bipolarié est chez elle fondamentale ; elle recoupe la dialectique sédentaires contre nomades qui a façonné l'âme québécoise et qui a fasciné Germaine Guèvremont, elle qui n'a cessé de s'identifier à cette« poussière des routes » qu'est le Survenant. Ainsi, ce passé et ce présent, ce sont les siens d'abord : elle aura en effet su animer son œuvre avecson expérience intime, sans toutefois étaler son «moi », car elle est trop pudique pour cela. On ne s'étonnera donc pas de ne trouver, dans ses chroniques, aucune allusion aux religieuses, bien qu'elle ait fréquenté quatre couvents dans son enfance et dans son adolescence :soeurs de Sainte-Croix à Sainte-Scholastique, sœurs de Sainte-Anne à Saint-Jérôme et à Lachine, puis sœurs de l'Incarnation à Toronto. Comme si cette expérience avait été trop intime pour pouvoir être livrée au public. Par ailleurs, certains sujets et certaines réalités ne l'intéressent visiblement pas : on ne trouve rien sur le monde ouvrier, sur l'antisémitisme et le fascisme, sur Duplessis, sur l'Église, non plus que sur les arts : peinture, sculpture et musique. En revanche, la femme occupe une place centrale dans son œuvre journalistique, ainsi que dans son univers romanesque. La femme, mais aussi l'enfant. Car ce qui frappe, dans cette œuvre, c'est qu'elle est traversée à la fois par l'amour de la vie et par la nostalgie de l'enfance. Le frisson de plaisir et l'intense sensation de bien-être qu'éprouvé spontanément le lecteur du Survenant et de MarieISS de revues, de journaux et de magazines, sans se souder vraiment du jugement de la posterite. Le regard amuse et gentiment moqueur qu'elle porte sur Ie monde contemporain contrebalance ce que l'on peut trouver de compasse dans Ie ton et de convenu dans Ie style. Ce qui domine, dans cette eeuvre, c'est une forme de confiance et d'hedonisme : Germaine Guevremont vit dans Ie present, avec gourmandise, un regard constamment toume vers Ie passe, mais sans soud de l'avenir. Au present reel de l'actualite, celui de la joumaliste, s'oppose Ie passe mythique du Chenal du Moine, qui est celui de la conteuse et de la romanciere. Cette bipolarie est chez elle fondamentale; elle recoupe Ia dialectique sedentaires contre nomades qui a facronne l'ilme quebecoise et qui a fascine Germaine Guevremont, elle qui n'a cesse de s'identifier it cette« poussiere des routes» qu'est Ie Survenant. Ainsi, ce passe et ce present, ce sont les siens d'abord: elle aura en effet su animer son eeuvre avec son experience intime, sans toutefois etaler son « moi », car elle est trop pudique pour cela. On ne s'etonnera donc pas de ne trouver, dans ses chroniques, aucune allusion aux religieuses, bien qu'eUe ait frequente quatre couvents dans son enfance et dans son adolescence: seeurs de Sainte-Croix it Sainte-Scholastique, seeurs de Sainte-Anne il. Saint-Jer6me et it Lachine, puis seeurs de l'Incamation il. Toronto. Comme si cette experience avait ete trop intime pour pouvoir etre livree au public. Par ailleurs, certains sujets et certaines realites ne l'interessent visiblement pas : on ne trouve rien sur Ie monde ouvrier, sur l'antisemitisme et Ie fascisme, sur Duplessis, sur l':Eglise, non plus que sur les arts: peinture, sculpture et musique. En revanche, la femme occupe une place centrale dans son eeuvre journalistique, ainsi que dans son univers romanesque. La femme, mais aussi l'enfant. Car ce qui frappe, dans cette eeuvre, c'est qu'eUe est traversee it la fois par l'amour de la vie et par Ia nostalgie de l'enfance. Le frisson de plaisir et l'intense sensation de bien-etre qu'eprouve spontanement Ie Iecteur du Survenant et de Marie188 de revues, de journaux et de magazines, sans se souder vraiment du jugement de la posterite. Le regard amuse et gentiment moqueur qu'elle porte sur Ie monde contemporain contrebalance ce que l'on peut trouver de compasse dans Ie ton et de convenu dans Ie style. Ce qui domine, dans cette eeuvre, c'est une forme de confiance et d'hedonisme : Germaine Guevremont vit dans Ie present, avec gourmandise, un regard constamment toume vers Ie passe, mais sans soud de l'avenir. Au present reel de l'actualite, celui de la joumaliste, s'oppose Ie passe mythique du Chenal du Moine, qui est celui de la conteuse et de la romanciere. Cette bipolarie est chez elle fondamentale; elle recoupe Ia dialectique sedentaires contre nomades qui a facronne l'ilme quebecoise et qui a fascine Germaine Guevremont, elle qui n'a cesse de s'identifier it cette« poussiere des routes» qu'est Ie Survenant. Ainsi, ce passe et ce present, ce sont les siens d'abord: elle aura en effet su animer son eeuvre avec son experience intime, sans toutefois etaler son « moi », car elle est trop pudique pour cela. On ne s'etonnera donc pas de ne trouver, dans ses chroniques, aucune allusion aux religieuses, bien qu'eUe ait frequente quatre couvents dans son enfance et dans son adolescence: seeurs de Sainte-Croix it Sainte-Scholastique, seeurs de Sainte-Anne il. Saint-Jer6me et it Lachine, puis seeurs de l'Incamation il. Toronto. Comme si cette experience avait ete trop intime pour pouvoir etre livree au public. Par ailleurs, certains sujets et certaines realites ne l'interessent visiblement pas : on ne trouve rien sur Ie monde ouvrier, sur l'antisemitisme et Ie fascisme, sur Duplessis, sur l':Eglise, non plus que sur les arts: peinture, sculpture et musique. En revanche, la femme occupe une place centrale dans son eeuvre journalistique, ainsi que dans son univers romanesque. La femme, mais aussi l'enfant. Car ce qui frappe, dans cette eeuvre, c'est qu'eUe est traversee it la fois par l'amour de la vie et par Ia nostalgie de l'enfance. Le frisson de plaisir et l'intense sensation de bien-etre qu'eprouve spontanement Ie Iecteur du Survenant et de Marie188 [3.149.230.44] Project MUSE (2024-04-24 02:07 GMT) Didace doivent en effet beaucoup à la subtile alliance de fraîcheur enfantine et de sensualité à la fois féminine et maternelle qui caractérisent l'art de la romancière. Germaine Guèvremont avait à n'en pas douter la vocation du bonheur. Or l'écriture lui fut souvent une souffrance. Cette apparente contradiction pourrait bien cacher le sens profond de son œuvre, du moins de la meilleure part, celle qui précisément est travailléepar une sorte d'angoisse. Au terme de notre itinéraire, peut-être possédons-nous assez d'indices pour conclure que cette œuvre fut d'abord et avant tout une forme d'exorcisme, de thérapie. Germaine Guèvremont pressentait-elle le merveilleux pouvoir de transfiguration que possède la littérature lorsqu'elle écrivait, en 1941, dans «Letour du village »: Plus tard, quand je quittai pour de bon la maison paternelle, ma mère joignit à ce que j'emportais le portrait qu'elle avait peint de moi. Pour ne pas la blesser, je lui en témoignai de la joie, mais je le reléguai dans un placard jusqu'au jour où mes filles le découvrirent avec enthousiasme : «Leportrait de maman !venez voir le portrait de maman quand elle était petite !» Et elles me supplièrent : — Dis-nous, maman, ce que tu regardais avec tes yeux de petitefille... C'était donc déjà mon tour deparler du vieux temps ! Je regardais le bois... Je regardaisla route... Je regardais le bois qui dressait son bouquet de verdure au cœur même du village ;je regardais la route qui devait mener à des pays enchantés. Allongée sur l'herbe, j'écoutais longtemps longtemps les sourds accents de vie qui levaient de la terre2 . 189 Didace doivent en eifet beaucoup a la subtile alliance de fralcheur enfantine et de sensualite a la fois feminine et matemelle qui caracterisent l'art de la romanciere. Germaine Guevremont avait a n'en pas douter la vocation du bonheur. Or l'ecriture lui fut souvent une souffrance. Cette apparente contradiction pourrait bien cacher Ie sens profond de son reuvre, du moins de la meilleure part, celle qui precisement est travaillee par une sorte d'angoisse. Au terme de notre itineraire, peut-etre possedons-nous assez d'indices pour conclure que cette reuvre fut d'abord et avant tout une forme d'exorcisme, de therapie. Germaine Guevremont pressentait-elle Ie merveilleux pouvoir de transfiguration que possede la litterature lorsqu'elle ecrivait, en 1941, dans « Le tour du village»: .--... Plus tard, quand je quittai pour de bon la maison patemelIe, rna mere joignit a ce que j'emportais Ie portrait qu'elle avait peint de moi. Pour ne pas la blesser, je lui en temoignai de la joie, mais je Ie releguai dans un placard jusqu'au jour oil mes fiIles Ie decouvrirent avec enthousiasme : « Le portrait de maman ! venez voir Ie portrait de maman quand dIe etait petite!» Et elles me supplierent : - Dis-nous, maman, ce que tu regardais avec tes yeux de petite fille... C'etait donc deja mon tour de parler du vieux temps! ]e regardais Ie bois .. ]e regardais la route . ]e regardais Ie bois qui dressait son bouquet de verdure au creur meme du village; je regardais la route qui devait mener a des pays enchantes. Allongee sur l'herbe, j'ecoutais longtemps longtemps les sourds accents de vie qui levaient de la terrel. ~ 189 Didace doivent en eifet beaucoup a la subtile alliance de fralcheur enfantine et de sensualite a la fois feminine et matemelle qui caracterisent l'art de la romanciere. Germaine Guevremont avait a n'en pas douter la vocation du bonheur. Or l'ecriture lui fut souvent une souffrance. Cette apparente contradiction pourrait bien cacher Ie sens profond de son reuvre, du moins de la meilleure part, celle qui precisement est travaillee par une sorte d'angoisse. Au terme de notre itineraire, peut-etre possedons-nous assez d'indices pour conclure que cette reuvre fut d'abord et avant tout une forme d'exorcisme, de therapie. Germaine Guevremont pressentait-elle Ie merveilleux pouvoir de transfiguration que possede la litterature lorsqu'elle ecrivait, en 1941, dans « Le tour du village»: .--... Plus tard, quand je quittai pour de bon la maison patemelIe, rna mere joignit a ce que j'emportais Ie portrait qu'elle avait peint de moi. Pour ne pas la blesser, je lui en temoignai de la joie, mais je Ie releguai dans un placard jusqu'au jour oil mes fiIles Ie decouvrirent avec enthousiasme : « Le portrait de maman ! venez voir Ie portrait de maman quand dIe etait petite!» Et elles me supplierent : - Dis-nous, maman, ce que tu regardais avec tes yeux de petite fille... C'etait donc deja mon tour de parler du vieux temps! ]e regardais Ie bois .. ]e regardais la route . ]e regardais Ie bois qui dressait son bouquet de verdure au creur meme du village; je regardais la route qui devait mener a des pays enchantes. Allongee sur l'herbe, j'ecoutais longtemps longtemps les sourds accents de vie qui levaient de la terrel. ~ 189 Comme tout enfant, c'est avec ses sens que Manouche entrait en contact avec la réalité et c'est par eux qu'elle éprouvait douleur, émotion ou plaisir : [.,.] voyager aux champs, boire au ruisseau, marcher nu-pieds dans l'herbe, manger àl'ombre lagrossenourriture des moissonneurs ; puis au retour s'agenouiller avec les voisins auprès du poêle à deux ponts pour la prière en famille ;veiller tard à la brimante ; sommeiller dans lesbras de mon aïeul en écoutant deshistoires d'autrefois ; coucher dans des lits à colonnettes où l'on nous hissait au bout des bras ; enfoncer jusqu'au cou dans la plume moelleuse; s'endormir avec l'assurance que le traversin nousprotégeait contre une chute dansla ruelle et la sagesseancestrale contre lesmauvaislutins. Touteschoses dont je ne me lassaispoint3 . Cette célébration des sens se prolonge dans la gourmandise, refuge de l'enfant en mal d'affection. À six ans, Germaine connaissait déjà tous les secrets de la confiserie, et toute sa vie elle éprouva pour les nourritures terrestres un attrait quasi voluptueux4 ; son œuvre en estprofondément imprégnée. On ne peut que se sentir bien, àla chaleur de son œuvre.Et même quand le malheur frappe et que l'un ou l'autre personnage souffre dans sa chair ou dans son âme, le sentiment de sécurité ne s'évanouit pas, protégé que l'on est par l'indéfectible solidarité du clan. Chez Germaine Guèvremont, le groupe protège, la solitude tue. Laprotection toutefoisne suffit pas ;ellepeut même se révéler étouffante, surtout quand l'amour en est absent. Latentation est alors grande de quitter le groupe et de recouvrer sa liberté, à l'instar du Survenant, quitte à meurtrir ceux que l'on abandonne. On ne peut pas non plus, semble-t-il, trouver le bonheur à deux: il n'y a pas de couple heureux dans l'œuvre de Germaine Guèvremont . Malgré la peine qu'elle se donne et les compromissions 190 Comme tout enfant, c'est avec ses sens que Manouche entrait en contact avec la realite et c'est par eux qu'elle eprouvait douleur, emotion ou plaisir : ,-., [...J voyager aux champs, boire au ruisseau, marcher nu-pieds dans l'herbe, manger al'ombre la grosse nourriture des moissonneurs; puis au retour s'agenouiller avec les voisins aupres du po~le a deux ponts pour la priere en famille ; veiller tard ala brunante ; sommeiller dans les bras de mon aleul en ecoutant des histoires d'autrefois; coucher dans des lits acolonnettes OU ron nous hissait au bout des bras j enfoncer jusqu'au cou dans la plume moelleuse; s'endormir avec l'assurance que Ie traversin nous protegeait contre une chute dans la ruelle et la sagesse ancestrale contre les mauvais lutins. Toutes choses dont je ne me lassais point3• ~ Cette celebration des sens se prolonge dans la gourmandise, refuge de l'enfant en mal d'affection. A six ans, Germaine connaissait deja tous les secrets de la confiserie, et toute sa vie elle eprouva pour les nourritures terrestres un attrait quasi voluptueux4 ; son reuvre en est profondement impregnee. On ne peut que se sentir bien, ala chaleur de son reuvre. Et m~me quand Ie malheur frappe et que l'un ou l'autre personnage souffre dans sa chair ou dans son arne, Ie sentiment de securite ne s'evanouit pas, protege que l'on est par l'indefeetible solidarite duclan. Chez Germaine Guevremont, Ie groupe protege, la solitude tue. La protection toutefois ne suffit pas ; elle peut m~me se reveler etouffante, surtout quand l'amour en est absent. La tentation est alors grande de quitter Ie groupe et de recouvrer sa liberte, a l'instar du Survenant, quitte ameurtrir ceux que ron abandonne. On ne peut pas non plus, semble-t-il, trouver Ie bonheur adeux: il n'y a pas de couple heureux dans I'reuvre de Germaine Guevremont . Malgre la peine qu'elle se donne et les compromissions 190 Comme tout enfant, c'est avec ses sens que Manouche entrait en contact avec la realite et c'est par eux qu'elle eprouvait douleur, emotion ou plaisir : ,-., [...J voyager aux champs, boire au ruisseau, marcher nu-pieds dans l'herbe, manger al'ombre la grosse nourriture des moissonneurs; puis au retour s'agenouiller avec les voisins aupres du po~le a deux ponts pour la priere en famille ; veiller tard ala brunante ; sommeiller dans les bras de mon aleul en ecoutant des histoires d'autrefois; coucher dans des lits acolonnettes OU ron nous hissait au bout des bras j enfoncer jusqu'au cou dans la plume moelleuse; s'endormir avec l'assurance que Ie traversin nous protegeait contre une chute dans la ruelle et la sagesse ancestrale contre les mauvais lutins. Toutes choses dont je ne me lassais point3• ~ Cette celebration des sens se prolonge dans la gourmandise, refuge de l'enfant en mal d'affection. A six ans, Germaine connaissait deja tous les secrets de la confiserie, et toute sa vie elle eprouva pour les nourritures terrestres un attrait quasi voluptueux4 ; son reuvre en est profondement impregnee. On ne peut que se sentir bien, ala chaleur de son reuvre. Et m~me quand Ie malheur frappe et que l'un ou l'autre personnage souffre dans sa chair ou dans son arne, Ie sentiment de securite ne s'evanouit pas, protege que l'on est par l'indefeetible solidarite duclan. Chez Germaine Guevremont, Ie groupe protege, la solitude tue. La protection toutefois ne suffit pas ; elle peut m~me se reveler etouffante, surtout quand l'amour en est absent. La tentation est alors grande de quitter Ie groupe et de recouvrer sa liberte, a l'instar du Survenant, quitte ameurtrir ceux que ron abandonne. On ne peut pas non plus, semble-t-il, trouver Ie bonheur adeux: il n'y a pas de couple heureux dans I'reuvre de Germaine Guevremont . Malgre la peine qu'elle se donne et les compromissions 190 [3.149.230.44] Project MUSE (2024-04-24 02:07 GMT) auxquelles elle consent pour être aimée du Survenant, Angélina Desmarais se retrouve seule, plus affligée que jamais. De même, après un bref instant d'illusoire bonheur, Didace déchante : l'Acayenne ne l'a épousé en secondes noces que pour «la sécurité de ses vieux jours ; de cœur, elle appartenait au Cayen Varieur» (Marie-Didace, I chap.XI, p. 115). Et ne parlons pas du couple mal assorti que forment Phonsine et Amable. Faible, lâche et paresseux , ce dernier serévèleaussi incapable de répondre aux attentes de son père qu'inapte à combler les aspirations de sa femme. Sœur Sainte-Marie-Éleuthère a dévoilé les faiblesses de ces êtres fragiles, inquiets et inassouvis que sont Phonsine et le Survenant. Orphelins dès l'enfance, tous deux cherchent, chacun à sa manière, un substitut de la mère, l'un dans l'alcool et la route, l'autre dans le rêve inaccessible d'une vie bourgeoise, faite de confort et de sécurité. Ce sont des idéalistes que la réalité ne peut que décevoir et qui, de ce fait, ne peuvent accéder à la maturité. On notera, à cepropos, qu'il y a beaucoup d'orphelins dans l'œuvre de Germaine Guèvremont. Si l'on excepte le Survenant, orphelin de père dès son plus jeune âge et élevé par son grandp ère, c'est de mère que sont tôt privées Phonsine, Angélina et Marie-Didace, ainsi que la petite Marie d'Enpleine terre, surnomm ée «l'Ange à Defroi ». Est-ce enfin un hasard si Phonsine, et sa fille Marie-Didace après elle, deviennent orphelines à l'âge de six ans ?Sixans, c'est l'âge que Germaine Guèvremont donne presque toujours à Manouche, la petite fille inquiète qu'elle fut et qu'elle fait revivre dans ses souvenirs d'enfance. L'importance qu'elle accorde à son père dans la naissance de sa vocation d'écrivain et les nombreux témoignages d'estime et d'admiration qu'elle lui rendit permettent, par comparaison avec la quasi-absence de sa mère, de deviner auquel de sesparents alla toujours sa préférence. Manouche se serait-elle sentie « orpheline »de mère ?Dans ce cas, non seulement la petite Marie-Didace, mais Phonsine etAngélina aussi seraient des doubles d'elle-même. Germaine Guèvremont l'a 191 auxquelles elle consent pour ~tre aimee du Survenant, Angelina Desmarais se retrouve seule, plus affligee que jamais. De m~me, apres un bref instant d'illusoire bonheur, Didace dechante: I'Acayenne ne I'a epouse en secondes noces que pour « la securite de ses vieux jours; de ca:ur, elle appartenait au Cayen Varieur» (Marie-Didcue, I chap. XI, p. 115). Et ne parlons pas du couple mal assorti que forment Phonsine et Amable. Faible, lache et paresseux , ce dernier se reveIe aussi incapable de repondre aux attentes de son pere qu'inapte acombler les aspirations de sa femme. Sreur Sainte-Marie-Eleuthere a devoile les faiblesses de ces ~tres fragiles, inquiets et inassouvis que sont Phonsine et Ie Survenant. Orphelins des l'enfance, tous deux cherchent, chacun asa maniere, un substitut de la mere, run dans I'alcool et la route, l'autre dans Ie r~e inaccessible d'une vie bourgeoise, faite de confort et de securite. Ce sont des idealistes que la realite ne peut que decevoir et qui, de ce fait, ne peuvent acceder ala maturite. On notera, ace propos, qu'il y a beaucoup d'orphelins dans l'a:uvre de Germaine Guevremont. Si l'on excepte Ie Survenant, orphelin de pere des son plus jeune age et eleve par son grandpere , c'est de mere que sont t6t privees Phonsine, Angelina et Marie-Didace, ainsi que la petite Marie d'En pleine terre, surnommee « rAnge aDefroi ». Est-ce enfin un hasard si Phonsine, et sa fille Marie-Didace apres elle, deviennent orphelines arage de six ans ?Six ans, c'est l'age que Germaine Guevremont donne presque toujours aManouche, la petite fille inquiete qu'elle fut et qu'elle fait revivre dans ses souvenirs d'enfance. L'importance qu'elle accorde ason pere dans la naissance de sa vocation d'ecrivain et les nombreux temoignages d'estime et d'admiration qu'elle lui rendit permettent, par comparaison avec la quasi-absence de sa mere, de deviner auquel de ses parents alla toujours sa preference. Manouche se serait-elle sentie « orpheline» de mere? Dans ce cas, non seulement la petite Marie-Didace, mais Phonsine et Angelina aussi seraient des doubles d'eIle-m~me. Germaine Guevremont l'a 191 auxquelles elle consent pour ~tre aimee du Survenant, Angelina Desmarais se retrouve seule, plus affligee que jamais. De m~me, apres un bref instant d'illusoire bonheur, Didace dechante: I'Acayenne ne I'a epouse en secondes noces que pour « la securite de ses vieux jours; de ca:ur, elle appartenait au Cayen Varieur» (Marie-Didcue, I chap. XI, p. 115). Et ne parlons pas du couple mal assorti que forment Phonsine et Amable. Faible, lache et paresseux , ce dernier se reveIe aussi incapable de repondre aux attentes de son pere qu'inapte acombler les aspirations de sa femme. Sreur Sainte-Marie-Eleuthere a devoile les faiblesses de ces ~tres fragiles, inquiets et inassouvis que sont Phonsine et Ie Survenant. Orphelins des l'enfance, tous deux cherchent, chacun asa maniere, un substitut de la mere, run dans I'alcool et la route, l'autre dans Ie r~e inaccessible d'une vie bourgeoise, faite de confort et de securite. Ce sont des idealistes que la realite ne peut que decevoir et qui, de ce fait, ne peuvent acceder ala maturite. On notera, ace propos, qu'il y a beaucoup d'orphelins dans l'a:uvre de Germaine Guevremont. Si l'on excepte Ie Survenant, orphelin de pere des son plus jeune age et eleve par son grandpere , c'est de mere que sont t6t privees Phonsine, Angelina et Marie-Didace, ainsi que la petite Marie d'En pleine terre, surnommee « rAnge aDefroi ». Est-ce enfin un hasard si Phonsine, et sa fille Marie-Didace apres elle, deviennent orphelines arage de six ans ?Six ans, c'est l'age que Germaine Guevremont donne presque toujours aManouche, la petite fille inquiete qu'elle fut et qu'elle fait revivre dans ses souvenirs d'enfance. L'importance qu'elle accorde ason pere dans la naissance de sa vocation d'ecrivain et les nombreux temoignages d'estime et d'admiration qu'elle lui rendit permettent, par comparaison avec la quasi-absence de sa mere, de deviner auquel de ses parents alla toujours sa preference. Manouche se serait-elle sentie « orpheline» de mere? Dans ce cas, non seulement la petite Marie-Didace, mais Phonsine et Angelina aussi seraient des doubles d'eIle-m~me. Germaine Guevremont l'a 191 d'ailleurs reconnu. À une journaliste qui lui demandait un jour auxquels deses personnages elle s'identifiait leplus, elle répondit : Phonsine. Celavous étonne, n'est-ce pas ?Cette femme gauche, inquiète, c'est un peu moi qui fut [sic] toujours une timide. Angélina aussi d'ailleurs et très souvent leSurvenant en qui passaient mes états d'âme et dont les malheurs longtemps m'oppressèrent5 . Cette dernière remarque nous met toutefois sur une autre piste. Nomade, «poussière de route6», le Survenant est un être toujours inassouvi, le « symbole des bonheurs inaccessibles7».Mais ne peut-on pas en dire autant de Joseph-JérômeGrignon ?Plutôt que la mère, c'est le père, « ce bohème, ce poète, cet amant du vin et de la lumière8», qui manque dans la vie de Manouche.«. Enfant de la nature avant tout, [Joseph-Jérôme Grignon] portait la nostalgie des randonnées dans la montagne, des coups de ligne fabuleuxet de la liberté. » C'est en ces termes que, beaucoup plus tard, Germaine Guèvremont devait présenter son père, dans son discours de réception à la Société royale. Enfant, elle avait dû l'attendre « des heures de temps devant l'auberge9», s'attachant d'autant plus fortement à lui qu'elle craignait de le perdre. On ne s'étonne donc pas que le personnage du Survenant,« la joie de ma joie, la chair de ma chair, le sang de mon cœur », ainsi que Germaine Guèvremont le confiait à son amie Jeannine Bélanger, soit le fruit d'une synthèsecomplexe de tous les hommes qui avaient réellement compté dans sa vie, à commencer par son père. Et elle poursuivait : « [Mon père] ne saurajamaisque safille le suit de loin dans le sillage des nobles phalanges du Rêve... » Le Survenant, « double » de Joseph-Jérôme Grignon ; Phonsine et Angélina, «doubles » de Germaine Guèvremont. Le rapport est troublant. Le sentiment qui unit la fille au père comporte une dimension affective plus ou moins inconsciente, 192 d'ailleurs reconnu. A une joumaliste qui lui demandait un jour auxquels de ses personnages elle s'identifiait Ie plus, elle repondit : .--..-.. Phonsine. Cela vous etonne, n'est-ce pas? Cette femme gauche, inquiete, c'est un peu moi qui fut [sic] toujours une timide. Angelina aussi d'ailleurs et tres souvent Ie Survenant en qui passaient mes etats d'ame et dont Ies malheurs Iongtemps m'oppresserents. ~ Cette derniere remarque nous met toutefois sur une autre piste. Nomade, « poussiere de route6», Ie Survenant est un ~tre toujours inassouvi, Ie « symbole des bonheurs inaccessibles7 ». Mais ne peut-on pas en dire autant de Joseph-Jerome Grignon? Plutot que la mere, c'est Ie pere, « ce boheme, ce poete, cet amant du vin et de la lumiere8 », qui manque dans Ia vie de Manouche.« Enfant de Ia nature avant tout, [Joseph-Jerome Grignon] portait Ia nostalgie des randonnees dans Ia montagne, des coups de ligne fabuleux et de la liberte. » C'est en ces termes que, beaucoup plus tard, Germaine Guevremont devait presenter son pere, dans son discours de reception ala Societe royale. Enfant, elle avait dl1 l'attendre « des heures de temps devant l'auberge9 », s'attachant d'autant plus fortement a lui qu'elle craignait de Ie perdre. On ne s'etonne donc pas que Ie personnage du Survenant,«Ia joie de rna joie, Ia chair de rna chair, Ie sang de mon creur », ainsi que Germaine Guevremont Ie confiait ason amie Jeannine Belanger, soit Ie fruit d'une synthese complexe de tous Ies hommes qui avaient reellement compte dans sa vie, acommencer par son pere. Et elle poursuivait : « [Mon pere] ne saura jamais que sa fille Ie suit de loin dans Ie sillage des nobles phalanges du R~ve... » Le Survenant, « double» de Joseph-Jerome Grignon; Phonsine et Angelina, « doubles» de Germaine Guevremont. Le rapport est troublant. Le sentiment qui unit la fiUe au pere comporte une dimension affective plus ou moins inconsciente, 192 d'ailleurs reconnu. A une joumaliste qui lui demandait un jour auxquels de ses personnages elle s'identifiait Ie plus, elle repondit : .--..-.. Phonsine. Cela vous etonne, n'est-ce pas? Cette femme gauche, inquiete, c'est un peu moi qui fut [sic] toujours une timide. Angelina aussi d'ailleurs et tres souvent Ie Survenant en qui passaient mes etats d'ame et dont Ies malheurs Iongtemps m'oppresserents. ~ Cette derniere remarque nous met toutefois sur une autre piste. Nomade, « poussiere de route6», Ie Survenant est un ~tre toujours inassouvi, Ie « symbole des bonheurs inaccessibles7 ». Mais ne peut-on pas en dire autant de Joseph-Jerome Grignon? Plutot que la mere, c'est Ie pere, « ce boheme, ce poete, cet amant du vin et de la lumiere8 », qui manque dans Ia vie de Manouche.« Enfant de Ia nature avant tout, [Joseph-Jerome Grignon] portait Ia nostalgie des randonnees dans Ia montagne, des coups de ligne fabuleux et de la liberte. » C'est en ces termes que, beaucoup plus tard, Germaine Guevremont devait presenter son pere, dans son discours de reception ala Societe royale. Enfant, elle avait dl1 l'attendre « des heures de temps devant l'auberge9 », s'attachant d'autant plus fortement a lui qu'elle craignait de Ie perdre. On ne s'etonne donc pas que Ie personnage du Survenant,«Ia joie de rna joie, Ia chair de rna chair, Ie sang de mon creur », ainsi que Germaine Guevremont Ie confiait ason amie Jeannine Belanger, soit Ie fruit d'une synthese complexe de tous Ies hommes qui avaient reellement compte dans sa vie, acommencer par son pere. Et elle poursuivait : « [Mon pere] ne saura jamais que sa fille Ie suit de loin dans Ie sillage des nobles phalanges du R~ve... » Le Survenant, « double» de Joseph-Jerome Grignon; Phonsine et Angelina, « doubles» de Germaine Guevremont. Le rapport est troublant. Le sentiment qui unit la fiUe au pere comporte une dimension affective plus ou moins inconsciente, 192 [3.149.230.44] Project MUSE (2024-04-24 02:07 GMT) qui s'apparente plus à l'amour qu'à la piétéfiliale.Tant qu'elle est sentie comme tabou, cette inclination est combattue ou même niée. Enfouie dans le subconscient, elle n'en conserve pas moins toute saviolence émotive10 . Devenue adulte, et une fois son père mort, Germaine Guèvremont tenta, grâce à la littérature, de selibérer de son complexe, ainsi qu'on l'a laisséentendre au chapitre ïï. Encréant lepersonnage du Survenant, elle se trouvait, par un phénomène classique de transfert, à reporter sur cet «enchanteur pourrissant11» le sentiment coupable qu'elle avait primitivement éprouvépour son père. Mais pour habile qu'elle soit, cette tactique n'est finalement qu'un piètre subterfuge. On ne se débarrasse pas si facilement d'une obsession. La critique a toujours considéré comme une maladresse la révélation que le curé Lebrun fait au père Didace dans le chapitre final de toutes les éditions du Survenant antérieures à P« édition définitive » de 1974. En levant le voile sur l'identité de son héros, Germaine Guèvremont lui retirait en effet une partie de son mystère. Du coup, l'enchantement s'évanouissait, tout au moins aux yeux du lecteur : le Grand-dieu-des-routes se trouvait brutalement ramené au niveau des simples mortels. À quel impératif obéissait donc la romancière? Pour Germaine Guèvremont, le Survenant était la projection d'un fantasme, en même temps, comme on l'a vu, qu'un substitut inconscient du père. S'il est interdit pour unefilled'être amoureuse de sonpère, rien n'empêche d'aimer un étranger. Le Survenant est précisément un étranger faisant irruption dans un monde fermé qui n'est pas le sien. C'est du moins ainsi qu'il nous apparaît tout au long du roman, jusqu'au jour où nous découvrons, dans le fameux chapitre incriminé, qu'il n'est autre que Malcolm Petit de Lignères, apparenté au père Didace. En lui donnant une identité, un état civil, Germaine Guèvremont faisait du Survenant un Beauchemin par le sang, reconstituant en clair le schéma fatal auquel elle ne pouvait échapper. Mais Didace n'avait pas attendu cette révélation, que 193 qui s'apparente plus Ii l'amour qu'li la piete filiale. Tant qu'elle est sentie comme tabou, cette inclination est combattue ou m~me niee. Enfouie dans Ie subconscient, e1le n'en conserve pas moins toute sa violence emotive10 • Devenue adulte, et une fois son pere mort, Germaine Guevremont tenta, grace Ii la litterature, de se liberer de son complexe, ainsi qu'on l'a laisse entendre au chapitre n. En creant Ie personnage du Survenant, elle se trouvait, par un phenomene classique de transfert, Ii reporter sur cet «enchanteur pourrissantll» Ie sentiment coupable qu'elle avait primitivement eprouve pour son pere. Mais pour habile qu'elle soit, cette tactique n'est finalement qu'un pietre subterfuge. On ne se debarrasse pas si facilement d'une obsession. La critique a toujours considere comme une maladresse la revelation que Ie cure Lebrun fait au pere Didace dans Ie chapitre final de toutes les editions du Survenant anterieures Ii 1'« edition definitive» de 1974. En levant Ie voile sur l'identite de son heros, Germaine Guevremont lui retirait en effet une partie de son mystere. Du coup, l'enchantement s'evanouissait, tout au moins aux yeux du lecteur: Ie Grand-dieu-des-routes se trouvait brutalement ramene au niveau des simples mortels. A quel imperatif obeissait donc Ia romanciere? Pour Germaine Guevremont, Ie Survenant etait Ia projection d'un fantasme, en m~me temps, comme on l'a vu, qu'un substitut inconscient du pere. S'il est interdit pour une fille d'~e amoureuse de son pere, nen n'emp&he d'aimer un etranger. Le Survenant est precisement un fuanger faisant irruption dans un monde ferme qui n'est pas Ie sien. C'est du moins ainsi qu'il nollS apparait tout au long du roman, jusqu'au jour ou nollS decouvrons, dans Ie fameux chapitre incrimine, qu'il n'est autre que Malcolm Petit de Ligneres, apparente au pere Didace. En lui donnant une identite, un Hat civil, Germaine Guevremont faisait du Survenant un Beauchemin par Ie sang, reconstituant en clair Ie schema fatal auquel elle ne pouvait echapper. Mais Didace n'avait pas attendu cette revelation, que 193 qui s'apparente plus Ii l'amour qu'li la piete filiale. Tant qu'elle est sentie comme tabou, cette inclination est combattue ou m~me niee. Enfouie dans Ie subconscient, e1le n'en conserve pas moins toute sa violence emotive10 • Devenue adulte, et une fois son pere mort, Germaine Guevremont tenta, grace Ii la litterature, de se liberer de son complexe, ainsi qu'on l'a laisse entendre au chapitre n. En creant Ie personnage du Survenant, elle se trouvait, par un phenomene classique de transfert, Ii reporter sur cet «enchanteur pourrissantll» Ie sentiment coupable qu'elle avait primitivement eprouve pour son pere. Mais pour habile qu'elle soit, cette tactique n'est finalement qu'un pietre subterfuge. On ne se debarrasse pas si facilement d'une obsession. La critique a toujours considere comme une maladresse la revelation que Ie cure Lebrun fait au pere Didace dans Ie chapitre final de toutes les editions du Survenant anterieures Ii 1'« edition definitive» de 1974. En levant Ie voile sur l'identite de son heros, Germaine Guevremont lui retirait en effet une partie de son mystere. Du coup, l'enchantement s'evanouissait, tout au moins aux yeux du lecteur: Ie Grand-dieu-des-routes se trouvait brutalement ramene au niveau des simples mortels. A quel imperatif obeissait donc Ia romanciere? Pour Germaine Guevremont, Ie Survenant etait Ia projection d'un fantasme, en m~me temps, comme on l'a vu, qu'un substitut inconscient du pere. S'il est interdit pour une fille d'~e amoureuse de son pere, nen n'emp&he d'aimer un etranger. Le Survenant est precisement un fuanger faisant irruption dans un monde ferme qui n'est pas Ie sien. C'est du moins ainsi qu'il nollS apparait tout au long du roman, jusqu'au jour ou nollS decouvrons, dans Ie fameux chapitre incrimine, qu'il n'est autre que Malcolm Petit de Ligneres, apparente au pere Didace. En lui donnant une identite, un Hat civil, Germaine Guevremont faisait du Survenant un Beauchemin par Ie sang, reconstituant en clair Ie schema fatal auquel elle ne pouvait echapper. Mais Didace n'avait pas attendu cette revelation, que 193 l'on peut qualifier de redondante, pour «s'attacher le Survenant» (le Survenant, chap. XIV, p. 158) et souhaiter retrouver en lui un« fils » symbolique, un «prolongement de lui-même », un héritier en remplacement de l'inepte Amable. Dans la mesure où le Survenant accède symboliquement au statut de « fils » de Didace, il devient du même coup le «beaufr ère » de Phonsine et de son «double » Angélina. Tout désir amoureux est dans cesconditions virtuellement incestueux et donc interdit, et l'interdit lui-même équivaut à une amputation. Ainsi s'explique pourquoi Angélina boite et pourquoi Phonsine est gauche et hantée par le spectre de la folie. Quant au Survenant, esclave de la bouteille, il n'est qu'un enfant non encore sevré qui fuit la femme pour partir «à la recherche de la mère perdue »: Le Survenant est un être divisé par deux images qui appartiennent à la mère, images qui se combattent en lui : celle de la mère nourricière et protectrice symbolisée par la maison et celle de la mère dévorante figurée par la route. Il ne sait pas que l'évasion dans l'espace est la tentation de rompre avec l'image maternelle qui domine son inconscient et qu'en même temps le départ lui restitue l'image chargée de plus de force affective dans l'isolement où il se trouve12 . Cette pertinente analyse s'applique aussi parfaitement aux relations de Germaine Guèvremont avec son père. Tous les articles autobiographiques qu'elle parvint à écrire portent, comme on l'a vu, sur les six premières années de son existence. Elle n'avait pas encore pris conscience de rattachement excessif qu'elle éprouvait pour son père, dont elle était la «digne fille», ainsi que le constatait sa mère en soupirant. «Tu devrais comprendre que j'ai mes occupations »,ajoutait-elle. «Après tout, tu es à la veille d'avoir l'âge de raison. Bientôt tu auras tes sept ans ». Et Manouche de répliquer : «J'ies prendrai pas mes sept 194 l'on peut qualifier de redondante, pour « s'attacher Ie Survenant» (Ie Survenant, chap. XN, p. 158) et souhaiter retrouver en lui un« fils » symbolique, un « prolongement de lui-m~me », un heritier en remplacement de l'inepte Amable. Dans la mesure oil Ie Survenant accede symboliquement au statut de « fils» de Didace, il devient du m~me coup Ie « beaufrere » de Phonsine et de son « double» Angelina. Tout desir amoureux est dans ces conditions virtuellement incestueux et donc interdit, et l'interdit lui-m~me equivaut aune amputation. Ainsi s'explique pourquoi Angelina boite et pourquoi Phonsine est gauche et hantee par Ie spectre de la folie. Quant au Survenant, esclave de la bouteille, il n'est qu'un enfant non encore sevre qui fuit la femme pour partir « ala recherche de la mere perdue» : r-J Le Survenant est un ~tre divise par deux images qui appartiennent ala mere, images qui se combattent en lui : celIe de la mere nourriciere et protectrice symbolisee par la maison et celIe de la mere devorante figuree par la route. n ne sait pas que l'evasion dans l'espace est la tentation de rompre avec l'image matemelIe qui domine son inconscient et qu'en m~e temps Ie depart lui restitue l'image chargee de plus de force affective dans l'isolement oil il se trouve12 • ~ Cette pertinente analyse s'applique aussi parfaitement aux relations de Germaine Guevremont avec son pere. Tous les articles autobiographiques qu'eIle parvint aecrire portent, comme on l'a vu, sur les six premieres annees de son existence. EIle n'avait pas encore pris conscience de l'attachement excessif qu'elle eprouvait pour son pere, dont elle etait la « digne fille », ainsi que Ie constatait sa mere en soupirant. « Tu devrais comprendre que j'ai mes occupations », ajoutait-elle. « Apres tout, tu es ala veille d'avoir l'a.ge de raison. Bientot tu auras tes sept ans». Et Manouche de repliquer: « J'les prendrai pas mes sept 194 l'on peut qualifier de redondante, pour « s'attacher Ie Survenant» (Ie Survenant, chap. XN, p. 158) et souhaiter retrouver en lui un« fils » symbolique, un « prolongement de lui-m~me », un heritier en remplacement de l'inepte Amable. Dans la mesure oil Ie Survenant accede symboliquement au statut de « fils» de Didace, il devient du m~me coup Ie « beaufrere » de Phonsine et de son « double» Angelina. Tout desir amoureux est dans ces conditions virtuellement incestueux et donc interdit, et l'interdit lui-m~me equivaut aune amputation. Ainsi s'explique pourquoi Angelina boite et pourquoi Phonsine est gauche et hantee par Ie spectre de la folie. Quant au Survenant, esclave de la bouteille, il n'est qu'un enfant non encore sevre qui fuit la femme pour partir « ala recherche de la mere perdue» : r-J Le Survenant est un ~tre divise par deux images qui appartiennent ala mere, images qui se combattent en lui : celIe de la mere nourriciere et protectrice symbolisee par la maison et celIe de la mere devorante figuree par la route. n ne sait pas que l'evasion dans l'espace est la tentation de rompre avec l'image matemelIe qui domine son inconscient et qu'en m~e temps Ie depart lui restitue l'image chargee de plus de force affective dans l'isolement oil il se trouve12 • ~ Cette pertinente analyse s'applique aussi parfaitement aux relations de Germaine Guevremont avec son pere. Tous les articles autobiographiques qu'eIle parvint aecrire portent, comme on l'a vu, sur les six premieres annees de son existence. EIle n'avait pas encore pris conscience de l'attachement excessif qu'elle eprouvait pour son pere, dont elle etait la « digne fille », ainsi que Ie constatait sa mere en soupirant. « Tu devrais comprendre que j'ai mes occupations », ajoutait-elle. « Apres tout, tu es ala veille d'avoir l'a.ge de raison. Bientot tu auras tes sept ans». Et Manouche de repliquer: « J'les prendrai pas mes sept 194 [3.149.230.44] Project MUSE (2024-04-24 02:07 GMT) ans13», répartie qui rappelle celle de la petite Marie-Didace (II chap.I, p. 169-170). On sait que Phonsine éprouve à l'égard du Survenant des sentiments ambivalents : elle le rend responsable de tous ses malheurs (Marie-Didace, I chap.IV, p. 47) ;mais une fois enceinte, elle n'arrive pas à dissimuler le trouble étrange que provoque en elle la simple évocation du personnage : L'imagedu Survenant,avec son grand rire et ses défauts, avec son verbe insolent et son obligeance, sillonna sa pensée. Mais elle s'interdit de trop penser àlui, de peur que l'enfant ne finît par lui ressembler (I chap. I,p. 20). Sans se l'avouer, Phonsine est amoureuse du Grand-dieu-desroutes . Son contact a éveillé sessens et l'a pour ainsi dire rendue féconde, elle qui n'avait toujours pas de «petit dans les bras, après trois années de ménage » (le Survenant, chap. II, p. 29) et que son beau-père croyait stérile. Or, sa grossesse coïncide comme par hasard avec le départ de l'étranger. Marie-Didace naît en effet vers le milieu du mois d'avril 1911, prématurée d'un mois et orpheline de père, puisque ce même jour Amable est victime d'un accident mortel. Le Survenant avait quitté le Chenal du Moine au début du mois de septembre 1910. Il y a là comme une paternité symbolique, qui nous aide à mieux comprendre pourquoi Amable détestait tellement celui qui menaçait d'usurper son double titre de fils et de mari. Phonsine, pour sa part, exècre l'Acayenne, qu'elle accuse de s'être injustement emparée du pouvoir qu'elle s'efforçait d'exercer et qui, pour comble de malheur, lui dérobe l'affection de MarieDidace . En conflit avec son mari et sa belle-mère, Phonsine se sentira de surcroît responsable de la mort de l'un et de l'autre et elle sombrera dans la démence. Angélina, par contre, choisit de répondre franchement à l'appel lumineux du Grand-dieu-des-routes. Comme si elle avait attendu son heure, la vieille fille, avare et boiteuse, avait toujours 195 ansl3 », repartie qui rappelle celle de la petite Marie-Didace (II chap. I, p. 169-170). On sait que Phonsine eprouve a l'egard du Survenant des sentiments ambivalents: elle Ie rend responsable de tous ses malheurs (Marie-Didace, 1chap. IV, p. 47) ; mais une fois enceinte, elle n'arrive pas a dissimuler Ie trouble etrange que provoque en elle la simple evocation du personnage : ~ L'image du Survenant, avec son grand rire et ses defauts, avec son verbe insolent et son obligeance, sillonna sa pensee. Mais elle s'interdit de trop penser a lui, de peur que l'enfant ne finit par lui ressembler (I chap. I, p. 20). ~ Sans se l'avouer, Phonsine est amoureuse du Grand-dieu-desroutes . Son contact a eveille ses sens et l'a pour ainsi dire rendue feconde, elle qui n'avait toujours pas de «petit dans les bras, apres trois annees de menage» (Ie Survenant, chap. II, p. 29) et que son beau-pere croyait sterile. Or, sa grossesse coincide comme par hasard avec Ie depart de l'etranger. Marie-Didace nait en effet vers Ie milieu du mois d'avril 1911, prematuree d'un mois et orpheline de pere, puisque ce m~me jour Amable est victime d'un accident mortel. Le Survenant avait quitte Ie Chenal du Moine au debut du mois de septembre 1910. ny a la comme une paternite symbolique, qui nous aide a mieux comprendre pourquoi Amable detestait tellement celui qui menalfait d'usurper son double titre de fJls et de mario Phonsine, pour sa part, execre l'Acayenne, qu'elle accuse de s'~tre injustement emparee du pouvoir qu'elle s'efforlfait d'exercer et qui, pour comble de malheur, lui derobe l'affection de MarieDidace . En conflit avec son mari et sa belle-mere, Phonsine se sentira de surcroit responsable de la mort de l'un et de l'autre et elle sombrera dans la demence. Angelina, par conue, choisit de repondre franchement a l'appellumineux du Grand-dieu-des-routes. Comme si elle avait attendu son heure, la vieille fille, avare et boiteuse, avait toujours 195 ansl3 », repartie qui rappelle celle de la petite Marie-Didace (II chap. I, p. 169-170). On sait que Phonsine eprouve a l'egard du Survenant des sentiments ambivalents: elle Ie rend responsable de tous ses malheurs (Marie-Didace, 1chap. IV, p. 47) ; mais une fois enceinte, elle n'arrive pas a dissimuler Ie trouble etrange que provoque en elle la simple evocation du personnage : ~ L'image du Survenant, avec son grand rire et ses defauts, avec son verbe insolent et son obligeance, sillonna sa pensee. Mais elle s'interdit de trop penser a lui, de peur que l'enfant ne finit par lui ressembler (I chap. I, p. 20). ~ Sans se l'avouer, Phonsine est amoureuse du Grand-dieu-desroutes . Son contact a eveille ses sens et l'a pour ainsi dire rendue feconde, elle qui n'avait toujours pas de «petit dans les bras, apres trois annees de menage» (Ie Survenant, chap. II, p. 29) et que son beau-pere croyait sterile. Or, sa grossesse coincide comme par hasard avec Ie depart de l'etranger. Marie-Didace nait en effet vers Ie milieu du mois d'avril 1911, prematuree d'un mois et orpheline de pere, puisque ce m~me jour Amable est victime d'un accident mortel. Le Survenant avait quitte Ie Chenal du Moine au debut du mois de septembre 1910. ny a la comme une paternite symbolique, qui nous aide a mieux comprendre pourquoi Amable detestait tellement celui qui menalfait d'usurper son double titre de fJls et de mario Phonsine, pour sa part, execre l'Acayenne, qu'elle accuse de s'~tre injustement emparee du pouvoir qu'elle s'efforlfait d'exercer et qui, pour comble de malheur, lui derobe l'affection de MarieDidace . En conflit avec son mari et sa belle-mere, Phonsine se sentira de surcroit responsable de la mort de l'un et de l'autre et elle sombrera dans la demence. Angelina, par contre, choisit de repondre franchement a l'appellumineux du Grand-dieu-des-routes. Comme si elle avait attendu son heure, la vieille fille, avare et boiteuse, avait toujours 195 éconduit lesprétendants qui s'étaient présentés. Mais il a suffi que le Survenant apparaisse pour qu'elle s'ouvre à l'amour et au don de soi. Subjuguée par le bel étranger, Angélina est prête à tout lui donner. L'amour qu'elle éprouve pour lui est total, au point d'embrasser jusqu'à ses défauts : «c'est une femme qui aime un homme et qui l'accepte tel qu'il est. Elle ne s'attend pas à ce qu'il se réforme pour elle », écrit Catherine Rubinger. S'il ne saurait sacrifier à l'infirme ce qu'il a de plus cher — sa liberté —, le Survenant consent du moins à lui manifester un peu de sollicitude et à lui faire de temps en temps l'aumône de sa présence. Ces rares instants d'enchantement comblent Angélina et lui permettent de transcender la médiocrité àlaquelle elle paraissait irrémédiablement condamnée. L'étranger aura donc fait de la vieille fille un peu revêche une femme amoureuse, et son départ n'y pourra rien changer. En ce sens, le Survenant l'a fécondée elle aussi. Ainsi transposés au plan symbolique et transfigurés par la littérature, l'attachement erotique de Manouche à son père et ses rapports conflictuels avec sa mère se trouvent en grande partie résorbés. En épousant Didace en secondes noces, l'Acayenne,« double » de Valentine Labelle, confine sa belle-fille Phonsine,« double » de Germaine Guèvremont, au second rang, la frustrant ainsi du titre de «reine et de maîtresse » auquel elle aspire depuis toujours. Mais en mettant au monde Marie-Didace, «fille» du Survenant, lui-même « double » de Joseph-Jérôme Grignon, Phonsine croit enfin tenir sa vengeance. Cet amour incestueux sera toutefois dûment puni : Marie-Didace s'attache à sa grandm ère, privant de cefait Phonsine de l'affection àlaquelle elle estime avoir droit. Rongée par le ressentiment et par l'inquiétude qui la tenaille depuis l'enfance — une enfance triste et solitaire d'orpheline confinée au pensionnat —, Phonsine n'aura même pas l'ultime satisfaction de se sentir libérée après la mort de l'Acayenne. Persuadée, au contraire, d'en être la cause, elle est happée par la 196 econduit les pretendants qui s'etaient presentes. Mais il a suffi que Ie Survenant apparaisse pour qu'elle s'ouvre a I'amour et au don de soL Subjuguee par Ie bel etranger, Angelina est prete a tout lui donner. L'amour qu'elle eprouve pour lui est total, au point d'embrasser jusqu'a ses defauts: «c'est une femme qui aime un homme et qui I'accepte td qu'il est. Elle ne s'attend pas a ce qu'il se reforme pour elle », ecrit Catherine Rubinger. S'il ne saurait sacrifier a I'infrrme ce qu'il a de plus cher - sa liberte -, Ie Survenant consent du moins a lui manifester un peu de sollicitude et a lui faire de temps en temps I'aumone de sa presence. Ces rares instants d'enchantement comblent Angelina et lui permettent de transcender la memocrite a laquelle dIe paraissait irremediablement condamnee. l'etranger aura done fait de la vieille fille un peu reveche une femme amoureuse, et son depart n'y pourra nen changer. En ce sens, Ie Survenant I'a fecondee elle aussi. Ainsi transposes au plan symbolique et transfigures par la litterature, I'attachement erotique de Manouche a son pere et ses rapports conflictuels avec sa mere se trouvent en grande partie resorbes. En epousant Didace en secondes noces, l'Acayenne,« double» de Valentine Labelle, confine sa belle-fille Phonsine,« double» de Germaine Guevremont, au second rang, la frustrant ainsi du titre de « reine et de maitresse » auquel elle aspire depuis toujours. Mais en mettant au monde Marie-Didace, «fille» du Survenant, lui-meme «double» de Joseph-Jerome Grignon, Phonsine croit enfin tenir sa vengeance. Cet amour incestueux sera toutefois dfunent puni: Marie-Didace s'attache a sa grandmere , privant de ce fait Phonsine de l'affection aIaquelle elle estime avoir droit. Rongee par Ie ressentiment et par I'inquietude qui la tenaille depuis l'enfance - une enfance triste et solitaire d'orpheline confinee au pensionnat -, Phonsine n'aura meme pas I'ultime satisfaction de se sentir liberee apres la mort de I'Acayenne. Persuadee, au contraire, d'en etre la cause, elle est happee par la 196 econduit les pretendants qui s'etaient presentes. Mais il a suffi que Ie Survenant apparaisse pour qu'elle s'ouvre a I'amour et au don de soL Subjuguee par Ie bel etranger, Angelina est prete a tout lui donner. L'amour qu'elle eprouve pour lui est total, au point d'embrasser jusqu'a ses defauts: «c'est une femme qui aime un homme et qui I'accepte td qu'il est. Elle ne s'attend pas a ce qu'il se reforme pour elle », ecrit Catherine Rubinger. S'il ne saurait sacrifier a I'infrrme ce qu'il a de plus cher - sa liberte -, Ie Survenant consent du moins a lui manifester un peu de sollicitude et a lui faire de temps en temps I'aumone de sa presence. Ces rares instants d'enchantement comblent Angelina et lui permettent de transcender la memocrite a laquelle dIe paraissait irremediablement condamnee. l'etranger aura done fait de la vieille fille un peu reveche une femme amoureuse, et son depart n'y pourra nen changer. En ce sens, Ie Survenant I'a fecondee elle aussi. Ainsi transposes au plan symbolique et transfigures par la litterature, I'attachement erotique de Manouche a son pere et ses rapports conflictuels avec sa mere se trouvent en grande partie resorbes. En epousant Didace en secondes noces, l'Acayenne,« double» de Valentine Labelle, confine sa belle-fille Phonsine,« double» de Germaine Guevremont, au second rang, la frustrant ainsi du titre de « reine et de maitresse » auquel elle aspire depuis toujours. Mais en mettant au monde Marie-Didace, «fille» du Survenant, lui-meme «double» de Joseph-Jerome Grignon, Phonsine croit enfin tenir sa vengeance. Cet amour incestueux sera toutefois dfunent puni: Marie-Didace s'attache a sa grandmere , privant de ce fait Phonsine de l'affection aIaquelle elle estime avoir droit. Rongee par Ie ressentiment et par I'inquietude qui la tenaille depuis l'enfance - une enfance triste et solitaire d'orpheline confinee au pensionnat -, Phonsine n'aura meme pas I'ultime satisfaction de se sentir liberee apres la mort de I'Acayenne. Persuadee, au contraire, d'en etre la cause, elle est happee par la 196 [3.149.230.44] Project MUSE (2024-04-24 02:07 GMT) folie qui n'attendait qu'une occasion pour se manifester. On ne transgresse pas impunément un interdit. En fin de compte, c'est Angélina, cet autre «double » de Germaine Guèvremont, mais son double serein, si l'on peut dire, qui triomphe. Privée de père et de mère, la petite Marie-Didace se réfugie chez elle. Ainsi la boiteuse accèdeà son tour à la maternité, mais pour apprendre au même moment — coïncidenceémouvante — que le Grand-dieu-des-routes est mort au champ d'honneur. Comme si, au delà de la tombe, le Survenant lui confiait sa «fille»:« Enfin », pensa-t-elle, « il a trouvé son chemin. Il est rendu. »Un grand soupir lui échappa. Et elle pensa encore :« II sait maintenant comment je l'ai aimé !»Aussitôt elle se chagrina d'avoir pensé à lui au passé. Et elle se sentit veuve (Marie-Didacey II chap.VI, p. 229-230). Enfouissant jalousement son secret au plus profond de son être, Angélina « redresse la tête » et se drape dans sa nouvelle «dignité [de] veuve », enfin libérée de son complexe d'infériorité. De son infirmité. L'innocence est l'apanage de l'enfance. Quand Manouche eut sept ans —1'« âge de raison »—, elle perdit son innocence. Et cette perte capitale devait plus tard paralyser l'écrivain tenté par l'autobiographie. Mais si la pudeur empêche Germaine Guèvremont de mettre directement en scène l'enfant qui a maintenant atteint l'âge de raison, rien ne lui interdit de recourir à la transposition littéraire et de continuer ainsi, d'une autre manière, deparler d'elle-même, tant il est vrai que la nostalgie des secrets de l'enfance nous poursuit toute notre vie. Lalittérature s'apparente en effet à une cure. Comme on vient de le voir, l'œuvre romanesque de Germaine Guèvremont, forme d'auto-analyse, lui aura permis, sinon de selibérer de son complexe œdipien, du moins d'en alléger le poids, grâceà une sorte de transfert. 197 folie qui n'attendait qu'une occasion pour se manifester. On ne transgresse pas impunement un interdit. En fin de compte, c'est Angelina, cet autre «double» de Germaine Guevremont, mais son double serein, si ron peut dire, qui triomphe. Privee de pere et de mere, la petite Marie-Didace se refugie chez elle. Ainsi la boiteuse accede ason tour ala maternite, mais pour apprendre au meme moment - coIncidence emouvante - que Ie Grand-dieu-des-routes est mort au champ d'honneur. Comme si, au dela de la tombe, Ie Survenant lui confiait sa «fille »: .........., «Enfin », pensa-t-elle, «il a trouve son chemin. 11 est rendu. » Un grand soupir lui echappa. Et dIe pensa encore:«11 sait maintenant comment je l'ai aime ! »Aussit6t dIe se chagrina d'avoir pense alui au passe. Et dIe se sentit veuve (Marie-Didace, II chap. VI, p. 229-230). '"""'" Enfouissant jalousement son secret au plus profond de son etre, Angelina « redresse la tete» et se drape dans sa nouvelle « dignite [de] veuve», enfin liberee de son complexe d'inferiorite. De son infirmite. L'innocence est l'apanage de l'enfance. Quand Manouche eut sept ans -1'« a.ge de raison» -, elle perdit son innocence. Et cette perte capitale devait plus tard paralyser l'ecrivain tente par l'autobiographie. Mais si la pudeur empeche Germaine Guevremont de mettre directement en scene l'enfant qui a maintenant atteint nge de raison, rien ne lui interdit de recourir ala transposition litteraire et de continuer ainsi, d'une autre maniere, de parler d'elle-meme, tant il est vrai que la nostalgie des secrets de l'enfance nous poursuit toute notre vie. La litterature s'apparente en effet a une cure. Comme on vient de Ie voir, l'ceuvre romanesque de Germaine Guevremont, forme d'auto-analyse, lui aura permis, sinon de se liberer de son complexe cedipien, du moins d'en alleger Ie poids, gra.ce aune sorte de transfert. 197 folie qui n'attendait qu'une occasion pour se manifester. On ne transgresse pas impunement un interdit. En fin de compte, c'est Angelina, cet autre «double» de Germaine Guevremont, mais son double serein, si ron peut dire, qui triomphe. Privee de pere et de mere, la petite Marie-Didace se refugie chez elle. Ainsi la boiteuse accede ason tour ala maternite, mais pour apprendre au meme moment - coIncidence emouvante - que Ie Grand-dieu-des-routes est mort au champ d'honneur. Comme si, au dela de la tombe, Ie Survenant lui confiait sa «fille »: .........., «Enfin », pensa-t-elle, «il a trouve son chemin. 11 est rendu. » Un grand soupir lui echappa. Et dIe pensa encore:«11 sait maintenant comment je l'ai aime ! »Aussit6t dIe se chagrina d'avoir pense alui au passe. Et dIe se sentit veuve (Marie-Didace, II chap. VI, p. 229-230). '"""'" Enfouissant jalousement son secret au plus profond de son etre, Angelina « redresse la tete» et se drape dans sa nouvelle « dignite [de] veuve», enfin liberee de son complexe d'inferiorite. De son infirmite. L'innocence est l'apanage de l'enfance. Quand Manouche eut sept ans -1'« a.ge de raison» -, elle perdit son innocence. Et cette perte capitale devait plus tard paralyser l'ecrivain tente par l'autobiographie. Mais si la pudeur empeche Germaine Guevremont de mettre directement en scene l'enfant qui a maintenant atteint nge de raison, rien ne lui interdit de recourir ala transposition litteraire et de continuer ainsi, d'une autre maniere, de parler d'elle-meme, tant il est vrai que la nostalgie des secrets de l'enfance nous poursuit toute notre vie. La litterature s'apparente en effet a une cure. Comme on vient de Ie voir, l'ceuvre romanesque de Germaine Guevremont, forme d'auto-analyse, lui aura permis, sinon de se liberer de son complexe cedipien, du moins d'en alleger Ie poids, gra.ce aune sorte de transfert. 197 Notes 1. Voir Pierre Page et Renée Legris, Répertoire des dramatiques québécoises à la télévision, 1952-1977, Montréal, Fides, 1977, p. 147-148, et Renée Legris, Dictionnaire des auteurs du radio-feuilleton québécois, Montréal, Fides, 1981, p. 117-122. La formule même du radioroman (1952-1955) et du téléroman (1954-1960), avec ses épisodes brefs et circonscrits, convenait on ne peut mieux au talent de conteuse de Germaine Guèvremont qui trouva, de cette façon, le moyen de ressusciter intégralement l'univers imaginaire qu'elle avait créé dans En pleine terre, le Survenant et Marie-Didace. Le public, fidèle jusqu'au bout, lui manifesta son adhésion la plus totale. — Malgré l'intérêt indéniable que représente l'œuvre radiophonique et télévisuelle de Germaine Guèvremont, il ne saurait être question de l'aborder ici. Cette œuvre, aussi abondante que variée (ellecompte plusieurs milliers de pages),n'est accessible que sur microfilm, ce qui en rend la consultation malaisée. Du reste, hors du cadre pour lequel ils ont été conçus et sans la voix ou laprésence des interprètes qui leur ont donné vie, cestextes dramatiques pâlissent et perdent un peu de leur vertu. — La seule étude qui ait été consacrée à l'œuvre radiophonique de Germaine Guèvremont est due à James Herlan : « Le Survenant de Germaine Guèvremont :une étude comparative du roman etdu radioroman », mémoire de maîtrise en études québécoises, Université du Québec à TroisRivi ères, 1980, 161 f. De cette thèse l'auteur a tiré un article intitulé« L'adaptation radiophonique du Survenant :structure dramatique », Essays on Canadian Writing, n° 15,été 1979,p. 69-85. 2. Germaine Guèvremont, « Le tour du village », [2], Paysana, vol. 4, n° 4, juin 1941, p. 10. Le portrait de la petite Germaine peint par sa mère est reproduit dans Rita Leclerc, Germaine Guèvremont, p. 15. 3. Ibid. 4. On consomme en effet beaucoup dans l'œuvre de Germaine Guèvremont. Voir Michel Servan [pseudonyme du docteur Roméo Boucher], « L'opinion du Grandgousier : la cuisine canadienne vue par Germaine Guèvremont », Gastronomie, juin 1946, p. 2. L'un des premiers articles de Germaine Guèvremont, signé «Janrhêve », exalte précisément la gourmandise : «Le monde où l'on s'amuse. Aux sucres », l'Étudiant, 3e année, n° 22, avril 1914, p. 6. 5. [Julia Richer], «Chez Fides. Retour du Survenant», leDevoir, 7 avril 1962, p. 34, et « Un retour du Survenant... c'est un peu moi, dit Germaine Guèvremont », k Nouveau journal, 5 mai 1962,p. III. Voir aussi LouisPelletierDlamini , « Germaine Guèvremont. Rencontre avec l'auteur du Survenant», Châtelaine,vol. 8, n° 4, avril 1967, p. 86 : «Phonsine, cettejeune femmegauche que ses beaux-parents regardent "virer de long", c'est un peu moi !La fragilité d'Angélina aussi. » 198 Notes 1. Voir Pierre Page et Renee Legris, Repertoire des dramatiques quebecoises Ii la television, 1952-1977, Montreal, Fides, 1977, p. 147-148, et Renee Legris, Dictionnaire des auteurs du radio-feuilleton quebecois, Montreal, Fides, 1981, p. 117-122. La formule meme du radioroman (1952-1955) et du teIeroman (1954-1960), avec ses episodes brefs et circonscrits, convenait on ne peut rnieux au talent de conteuse de Germaine Guevremont qui trouva, de cette fa/yon, Ie moyen de ressusciter integralement I'univers imaginaire qu'elle avait cree dans En pleine terre, ie Survenant et Marie-Didace. Le public, fidele jusqu'au bout, lui manifesta son adhesion la plus totale. - Malgre I'interet indeniable que represente l'ceuvre radiophonique et televisuelle de Germaine Guevremont, il ne saurait etre question de I'aborder ici. Cette ceuvre, aussi abondante que variee (elle compte plusieurs milliers de pages), n'est accessible que sur microfilm, ce qui en rend la consultation malaisee. Du reste, hors du cadre pour lequel ils ont ere con/yus et sans la voix ou la presence des interpretes qui leur ont donne vie, ces textes dramatiques pMissent et perdent un peu de leur vertu. - La seule etude qui ait ete consacree 11 l'ceuvre radiophonique de Germaine Guevremont est due a James Redan: «Le Survenant de Germaine Guevremont : une etude comparative du roman et du radioroman », memoire de maltrise en etudes quebecoises, Universite du Quebec 11 TroisRivieres , 1980, 161 f. De cette these I'auteur a tire un article intitule«L'adaptation radiophonique du Survenant: structure dramatique », Essays on Canadian Writing, n° 15, ete 1979, p. 69-85. 2. Germaine Guevrernont, «Le tour du village », [2), Paysana, vol. 4, n° 4, juin 1941, p. 10. Le portrait de la petite Germaine peint par sa mere est reproduit dans Rita Leclerc, Germaine Guevremont, p. 15. 3. Ibid. 4. On consomme en effet beaucoup dans l'ceuvre de Germaine Guevremont. Voir Michel Servan [pseudonyme du docteur Romeo Boucher),« L'opinion du Grandgousier: la cuisine canadienne vue par Germaine Guevremont », Gastronomie, juin 1946, p. 2. L'un des premiers articles de Germaine Guevremont, signe «Janrheve », exalte precisement la gourmandise: «Le monde ou I'on s'amuse. Aux sucres », I'Etudiant, 3' annee, n° 22, avril 1914, p.6. 5. [Julia Richer), «Chez Fides. Retour du Survenant», Ie Devoir, 7 avril 1962, p. 34, et « Un retour du Survenant... c'est un peu moi, dit Germaine Guevremont », Ie Nouveaujourna~ 5 mai 1962, p. lIT. Voir aussi Louis PelletierDlarnini , «Germaine Gumemont. Rencontre avec I'auteur du Survenant», Chatelaine, vol. 8, n° 4, avril 1967, p. 86: «Phonsine, cette jeune femme gauche que ses beaux-parents regardent "virer de long", c'est un peu moi! La fragilite d'AngeIina aussi.» 198 Notes 1. Voir Pierre Page et Renee Legris, Repertoire des dramatiques quebecoises Ii la television, 1952-1977, Montreal, Fides, 1977, p. 147-148, et Renee Legris, Dictionnaire des auteurs du radio-feuilleton quebecois, Montreal, Fides, 1981, p. 117-122. La formule meme du radioroman (1952-1955) et du teIeroman (1954-1960), avec ses episodes brefs et circonscrits, convenait on ne peut rnieux au talent de conteuse de Germaine Guevremont qui trouva, de cette fa/yon, Ie moyen de ressusciter integralement I'univers imaginaire qu'elle avait cree dans En pleine terre, ie Survenant et Marie-Didace. Le public, fidele jusqu'au bout, lui manifesta son adhesion la plus totale. - Malgre I'interet indeniable que represente l'ceuvre radiophonique et televisuelle de Germaine Guevremont, il ne saurait etre question de I'aborder ici. Cette ceuvre, aussi abondante que variee (elle compte plusieurs milliers de pages), n'est accessible que sur microfilm, ce qui en rend la consultation malaisee. Du reste, hors du cadre pour lequel ils ont ere con/yus et sans la voix ou la presence des interpretes qui leur ont donne vie, ces textes dramatiques pMissent et perdent un peu de leur vertu. - La seule etude qui ait ete consacree 11 l'ceuvre radiophonique de Germaine Guevremont est due a James Redan: «Le Survenant de Germaine Guevremont : une etude comparative du roman et du radioroman », memoire de maltrise en etudes quebecoises, Universite du Quebec 11 TroisRivieres , 1980, 161 f. De cette these I'auteur a tire un article intitule«L'adaptation radiophonique du Survenant: structure dramatique », Essays on Canadian Writing, n° 15, ete 1979, p. 69-85. 2. Germaine Guevrernont, «Le tour du village », [2), Paysana, vol. 4, n° 4, juin 1941, p. 10. Le portrait de la petite Germaine peint par sa mere est reproduit dans Rita Leclerc, Germaine Guevremont, p. 15. 3. Ibid. 4. On consomme en effet beaucoup dans l'ceuvre de Germaine Guevremont. Voir Michel Servan [pseudonyme du docteur Romeo Boucher),« L'opinion du Grandgousier: la cuisine canadienne vue par Germaine Guevremont », Gastronomie, juin 1946, p. 2. L'un des premiers articles de Germaine Guevremont, signe «Janrheve », exalte precisement la gourmandise: «Le monde ou I'on s'amuse. Aux sucres », I'Etudiant, 3' annee, n° 22, avril 1914, p.6. 5. [Julia Richer), «Chez Fides. Retour du Survenant», Ie Devoir, 7 avril 1962, p. 34, et « Un retour du Survenant... c'est un peu moi, dit Germaine Guevremont », Ie Nouveaujourna~ 5 mai 1962, p. lIT. Voir aussi Louis PelletierDlarnini , «Germaine Gumemont. Rencontre avec I'auteur du Survenant», Chatelaine, vol. 8, n° 4, avril 1967, p. 86: «Phonsine, cette jeune femme gauche que ses beaux-parents regardent "virer de long", c'est un peu moi! La fragilite d'AngeIina aussi.» 198 [3.149.230.44] Project MUSE (2024-04-24 02:07 GMT) 6. Cécile Chabot, « Cécile Chabot avec le Survenant et Germaine Guèvremont », Paysana, vol. 8, n° 3, mai 1945, p. 5. 7. Julia Richer, « Lelivre de la semaine. Le Survenant », k Bloc, 17 mai 1945, p. 6. 8. Germaine Guèvremont, lettre à Jeannine Bélanger, 22 mars 1945, fonds Alfred DesRochers, Archives nationales du Québec à Sherbrooke, copie dactylographiée. 9. Ibid. 10. Quelques mois avant sa mort, Germaine Guèvremont confiait à Alice Parizeau : «Mon père me fit un jour une scène terrible parce que je m'étais permis de porter un pantalon et il m'accusa d'imiter l'exemple de George Sand dont "il ne voulait pas dans la famille". Pendant des années, je n'ai pas touché à seslivres de crainte de lui ressembler trop » (« Germaine Guèvremont, écrivain du Québec », laPresse, 3 février 1968, p. 12). 11. Cécile Chabot, «Cécile Chabot avec le Survenant et Germaine Guèvremont », Paysana, vol. 8, n° 3, mai 1945, p. 5. Voir aussi [Anonyme],« Le Survenant », leDevoir, 14 avril 1945, p. 8, le Droit, 14 avril 1945, p. 2, et le Canada, 20 août 1945, p. 5 (repris sous la signature de N.-D. E. dans le Canada français, vol. 33, n° 1, septembre 1945,p. 74-75). 12. Sœur Sainte-Marie-Éleuthère, « Mythes et symboles de la mère dans le roman canadien-français », dans Archives des lettres canadiennes. T. III : Le Roman, 1965, p. 201. 13. Germaine Guèvremont, «À l'eau douce », Châtelaine, vol. 8, n° 4, avril 1967, p. 35. 199 6. Cecile Chabot, «Cecile Chabot avec Ie Survenant et Germaine Guevremont », Paysana, vol. 8, n° 3, mai 1945, p. 5. 7. Julia Richer, « Le livre de la semaine. Le Survenant », Ie Bloc, 17 mai 1945, p.6. 8. Germaine Guevremont, lettre aJeannine Belanger, 22 mars 1945, fonds Alfred DesRochers, Archives nationales du Quebec aSherbrooke, copie dactylographiee. 9. Ibid. 10. Quelques mois avant sa mort, Germaine Guevremont confiait aAlice Parizeau: «Mon pere me fit un jour une scene terrible parce que je m'etais permis de porter un pantalon et il m'accusa d'imiter l'exemple de George Sand dont "il ne voulait pas dans la famille". Pendant des annees, je n'ai pas touche ases livres de crainte de lui ressembler trop » (<< Germaine Guevremont, ecrivain du Quebec », la Presse, 3 fevrier 1968, p. 12). 11. Cecile Chabot, «Cecile Chabot avec Ie Survenant et Germaine Guevremont », Paysana, vol. 8, n° 3, mai 1945, p. 5. Voir aussi [Anonyme],«Le Survenant », Ie Devoir, 14 avril 1945, p. 8, Ie Droit, 14 avril 1945, p. 2, et Ie Canada, 20 aoUt 1945, p. 5 (repris sous la signature de N.-D. E. dans Ie Canadafranfais, vol. 33, n° 1, septembre 1945,p. 74-75). 12. Sreur Sainte-Marie-Eleuthere, «Mythes et symboles de la mere dans Ie roman canadien-fran<;ais », dans Archives des lettres canadiennes. T. III: Le Roman, 1965, p. 201. 13. Germaine Guevremont, «A l'eau douce », Chatelaine, vol. 8, n° 4, avril 1967,p.35. 199 6. Cecile Chabot, «Cecile Chabot avec Ie Survenant et Germaine Guevremont », Paysana, vol. 8, n° 3, mai 1945, p. 5. 7. Julia Richer, « Le livre de la semaine. Le Survenant », Ie Bloc, 17 mai 1945, p.6. 8. Germaine Guevremont, lettre aJeannine Belanger, 22 mars 1945, fonds Alfred DesRochers, Archives nationales du Quebec aSherbrooke, copie dactylographiee. 9. Ibid. 10. Quelques mois avant sa mort, Germaine Guevremont confiait aAlice Parizeau: «Mon pere me fit un jour une scene terrible parce que je m'etais permis de porter un pantalon et il m'accusa d'imiter l'exemple de George Sand dont "il ne voulait pas dans la famille". Pendant des annees, je n'ai pas touche ases livres de crainte de lui ressembler trop » (<< Germaine Guevremont, ecrivain du Quebec », la Presse, 3 fevrier 1968, p. 12). 11. Cecile Chabot, «Cecile Chabot avec Ie Survenant et Germaine Guevremont », Paysana, vol. 8, n° 3, mai 1945, p. 5. Voir aussi [Anonyme],«Le Survenant », Ie Devoir, 14 avril 1945, p. 8, Ie Droit, 14 avril 1945, p. 2, et Ie Canada, 20 aoUt 1945, p. 5 (repris sous la signature de N.-D. E. dans Ie Canadafranfais, vol. 33, n° 1, septembre 1945,p. 74-75). 12. Sreur Sainte-Marie-Eleuthere, «Mythes et symboles de la mere dans Ie roman canadien-fran<;ais », dans Archives des lettres canadiennes. T. III: Le Roman, 1965, p. 201. 13. Germaine Guevremont, «A l'eau douce », Chatelaine, vol. 8, n° 4, avril 1967,p.35. 199 This page intentionally left blank This page intentionally left hlank This page intentionally left hlank ...

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