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QUELQUES TRADUCTIONS D'OVIDE EN ESPAGNE,DEPUIS ALPHONSEX AU SIECLE D'OR OU DES VERTUS DE L'INFIDELITE Suzanne Varga Dans mes recherches et dans mes travaux sur l'héritage de l'Antiquité et notamment sur la transmission des mythes tels qu'ils apparaissent dans la poésie lyrique du Siècle d'Or espagnol, j'ai pu prendre la mesure du rôle capital joué par les traductions et j'ai pu étudier leurs différents avatars, voire l'exemplarité de leur évolution. En effet dès le Moyen Âge s'est manifesté en Espagne le désir non seulement de recueillir pour sa conservation, l'héritage latin, mais aussi la volonté de le déchiffrer, de le commenter, de le gloser ou, comme on disait à l'époque : de « l'allégoriser ». Plus tard, la Renaissance, qui a vu cette pratique se systématiser, avec en plus l'exigence du retour à la pureté, a aussi été l'époque où les langues vernaculaires soucieuses de se tailler un statut honorable aux côtés du latin et du grec, ont favorisé avec enthousiasme le développement de l'art de la traduction. Or, au Moyen Âge, dans la péninsule ibérique, l'intérêt pour un auteur latin particulier s'est mué en véritable passion au point qu'on en vint à appeler communément cette époque par son nom, à savoir « el Siglo de Ovidio », le siècle d'Ovide. Cette passion ne s'est guère tarie et à la Renaissance l'auteur des Métamorphoses se trouve toujours au centre de toutes les fascinations comme il se trouve au cœur de l'activité poétique. Pour ceux qui pratiquent la poésie et pour ceux qui l'admirent, Ovide est la référence obligée, car c'est par lui que devient palpable l'expérience fondamentale de l'imitation elle-même tremplin ou relais indispensable au déclenchement de l'inspiration créatrice. Ce 60 SUZANNE VARGA sont précisément les Métamorphoses, cette mine inépuisable de thèmes d'inspiration qu'on a voulu mettre généreusement à la disposition de tous les poètes, en herbe ou non. Par conséquent les poètes pour écrire, comme les lecteurs pour les comprendre, tous plongaient dans Ovide non pas dans le texte, mais dans les différentes traductions en langue castillane. On verra donc, sous l'effet grandissant du jeu de l'offre et de la demande, se multiplier ces traductions tout au long du Siècle d'Or ; car même des auteurs érudits tels que Gongora, pour lequel le latin n'avait pas de secret au point que l'on peut même déceler dans son style de nombreux tours propres à la syntaxe latine, lisaient Ovide dans les célèbres traductions castillanes de l'époque. Grâce à cette fiévreuse et générale fréquentation d'Ovide et par l'observation des modalités de sa réception on peut sans scrupules se demander si l'histoire de la traduction en Espagne, du Moyen Age au XVIIe siècle, ne pourrait, pour partie, s'établir en termes de traductions d'Ovide dans les lettres castillanes. On constaterait que l'analyse de ces traductions en langue vernaculaire nous offre, en un raccourci saisissant, les avatars symptomatiques de l'évolution de la traduction en Espagne au Siècle d'Or. C'est à ce titre que je vous proposerai aujourd'hui quelques exemples révélateurs de cette évolution en commençant par ceux que j'ai tirés d'un monument des lettres médiévales : La Général Estoria d'Alphonse X le Sage dont il n'est peut-être pas inutile de définir le contenu. Sur l'initiative du plus savant des monarques, s'est érigé un essai d'histoire universelle, une histoire du savoir humain telle que pouvait se la représenter un homme du XIIIe siècle (1252-1284), en se fondant non pas seulement sur la Bible, comme on l'a trop affirmé, mais également comme l'y invitait l'esprit réellement universel du Roi, sur l'histoire des mentalités de l'Antiquité gréco-latines, et c'est précisément dans les Métamorphoses d'Ovide que ses collaborateurs sont allés puiser. L'intégration de cette œuvre appelée ici Mudamientos, mutations, s'opéra par l'introduction d'une ample traduction...

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