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ERNST JUNGER, SUR LES FALAISES DE MARBRE - QUELQUES REFLEXIONS SUR LA TRADUCTION FRANÇAISE D'UN CHEF-D'ŒUVRE DE LA LITTERATURE ALLEMANDE John D. Gallagher 0. Introduction En 1939, juste avant le début de la seconde guerre mondiale, l'écrivain allemand Ernst Jtinger fit paraître un roman allégorique intitulé Auf den Marmorklippen. Ce récit hautement original, qui marque un sommet dans l'art de Jiinger, fut interprété aussitôt comme une critique acerbe de l'hitlérisme. L'action se déroule dans un pays mythique où s'affrontent le Bien et le Mal, le Mal étant représenté en l'occurrence sous les traits du sombre et sinistre grand Forestier. Auf den Marmorklippen connut d'emblée une diffusion considérable non seulement en Allemagne, mais aussi à l'étranger. En 1942 parut aux Editions Gallimard une traduction française intitulée Sur lesfalaises de marbre. Cette traduction, due à la plume de l'écrivain français Henri Thomas (1912-1993), reçut l'approbation de Junger, qui la qualifia de « vorziiglich » (Jiinger 1992 : 141). Visant à la perfection formelle, elle fait encore autorité de nos jours. Cela étant, il y a lieu d'attendre qu'une analyse approfondie de la traduction française du roman de Junger apporte des éclaircissements utiles pour la pratique de la traduction allemand-français. Dans l'exposé qui va suivre, je me propose donc de fournir quelques précisions sur les stratégies de traduction mises en œuvre par Henri Thomas. 208 JOHND.GALLAGHER 1. Le niveaulexical Pour entrer dans le vif de mon sujet, je commencerai par aborder les problèmes lexicaux que Thomas a dû affronter au cours de son travail. Il faut savoir que Jiinger est un immense artiste qui manie le langage avec une maîtrise technique exemplaire. Son vocabulaire est très riche, et il émaille volontiers son style de mots pittoresques qui frappent l'imagination et émeuvent la sensibilité. Soucieux de rester fidèle à ce style chatoyant, Thomas traduit en règle générale avec toute la méticulosité d'un horloger et tout le raffinement d'un artiste. Cependant, un examen attentif du texte français permet de constater que Thomas a parfois quelques difficultés à rendre correctement les très nombreux termes de botanique et de zoologie utilisés par Jtinger. Prenons rapidement quelques exemples : - Le mot Judenkirsche (Jiinger 1992 : 11) a été rendupar arbre de Judée (Jiinger 1993 : 18). Or, le terme arbre de Judée (synonyme de gainier) se traduit par Judasbaum et désigne un arbre d'ornement dont les fleurs rosés apparaissent par bouquets sur le tronc et les branches. Thomas aurait dû traduire Judenkirsche par physalis, alkékenge ou coqueret, car la plante ornementale décrite par Jiinger est une solanacée qui ne ressemble guère à l'arbre de Judée. - Siegwurzrispe (Jiinger 1992 : 60) a été traduit par gladiole (Jiinger 1993 : 84). A l'évidence, Thomas a bien compris le mot Siegwurz, qui est synonyme de Gladiole, mais il a cru bon de forger un mot nouveau au lieu d'employer le ternie usuel (glaïeul). Le terme Rispe, par contre, n'a pas été traduit. Sans doute Thomas ignorait-il que le vocable en question désigne une panicule (des fleurs en grappe ou en épi). - Au chapitre 13 de la traduction française, on lit : (la) II connaissait aussi l'endroit où poussent les rares orchidées, celle qui fleurit dans les buissons avec l'odeur d'un bouc, celle dont la lèvre est formée comme un corps humain, celle dont la fleur est semblable à l'œil d'une panthère. (Jiinger 1993 :78) Cette phrase est d'une belle venue, mais elle ne correspond pas tout à fait à la phrase de départ. En effet, le texte allemand porte : (Ib) Auch kannte er Standorte rarer Arten - wie der Riemenzunge, die in den Biischen mit Bocksgeruch erbliiht, des Ohnhorns, dessen Lippe in Form des Menschenleibes gebildet ist, und einer Ragwurz, deren Bliite demPantherauge gleicht. (Jûnger 1992 :56) [18.190.156.80] Project MUSE (2024-04-26 06:44 GMT) ERNST JUNGER, SUR LES FALAISES DE MARBRE 209 La confrontation de la traduction française avec le texte d'origine permet de constater deux différences notables. Primo, le traducteur a substitué l'hyponyme orchidée à l'hyperonyme Art (espèce). Secundo, il a remplacé les trois termes de botanique (Riemenzunge, Ohnhorn et Ragwurz) par le pronom d...

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