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CHAPITRE 1 FORMATION D'UN ESPACE PATRIMONIAL EN ONTARIO FRANÇAIS L'affirmation d'une présence française en Ontario remonte à près de trois siècles. Le peuplement se fait d'abord graduellement. L'immigration se fait par groupes de familles, ce qui facilite la reproduction et l'implantation d'un mode de vie traditionnel. L'origine sociale commune des colons et la très grande influence des hommes d'Église favorise, dès le départ, le développement d'une forte cohésion à l'intérieur du groupe. La société canadienne-française de l'Ontario verra très rapidement à se structurer. Mais de quelle façon? Si les colons transportent avec eux leur héritage culturel, la mise en pratique des savoir-faire se trouve largement altérée par le contexte politique et démographique minoritaire dans lequel ils vivent. Quel type de société verra le jour? Quelles conditions inciteront les francophones à former une communauté traditionnelle s'appuyant d'abord sur l'institution familiale ?Comment interviendront la paroisse et le clergé catholique dans l'implantation de la culture canadienne-française? Autant de questions qui trouvent réponse dans l'articulation d'une réflexion sur les conditions historiques de reproduction de la collectivité et sur lesfondements du lien social. Comprendre l'essence même de la solidarité sociale dans le contexte de la société franco-ontarienne requiert un examen critique de son mode de développement, ce qui conduit à en repérer les assises. Ce regard historique est absolument indispensable. S'il contribue à dégager les conditions d'émergence de la culture canadienne-française, il fournit par ailleurs un éclairage unique pour saisir à quel point la rupture avec le mode de vie traditionnel, rupture en profondeur du lien social, frappera durement la collectivité, au point où elle ira jusqu'à en perdre son nom. 28 ARTISANS DE LA MODERNITÉ La migration en Ontario Le Haut-Canada, en tant qu'entité politique, est né de l'Acte Constitutionnel de 1791. À sa création, le Haut-Canada compte 10 000 sujets britanniques. Quelque trente ans plus tard, ils se dénombrent à 120 000, et en 1851, à un million approximativement1 . La première vague de peuplement est provoquée par l'arrivée en nombre important de Loyalistes au lendemain de la Révolution américaine. Dans plusieurs cas il s'agit de soldats britanniques d'origine Écossaise qui élisent domicile avec leurs familles dans l'Est ontarien (Glengarry). Au début du XIXe siècle, les colons d'origine américaine sont majoritaires dans le Haut-Canada. Toutefois, cette immigration se verra bloquée à cause de la guerre qui éclate entre les ÉtatsUnis et l'Angleterre entre 1812 et 1815 et dont l'enjeu est justement l'appropriation du Canada2 . Entre 1820 et 1850, on encourage l'immigration anglaise, écossaise, irlandaise et, une fois la menace éloignée, américaine. L'arrivée de la population francophone en Ontario se fait de façon sporadique durant le XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle. Leshistoriens de l'Ontario français s'entendent pour dire que la région du Centre/SudOuest est l'endroit où ont été érigées les premières communautés canadiennes -françaises sur le territoire avec, notamment, l'établissement en 1701 du fort Pontchartrain près de Détroit3 . Fort militaire et poste de traite au départ, on y encourage la venue de colons vers le milieu du siècle. En 1760, la colonie compte quelque 2 550 habitants . Lorsque les Américains prennent possession de Détroit en 1796, plusieurs Canadiens et Canadiennes avaient déjà élu domicile en sol ontarien. En 1767, une première paroisse est d'ailleurs érigée pour desservir la communauté agricole de Sandwich. Un siècle plus tard, on compte 14 000 francophones répartis dans les comtés de Kent et d'Essex . La migration de francophones dans la région du centre et sud-ouest de l'Ontario au courant du XIXe siècle fait naître plusieurscollectivités rurales, parsemées sur un vaste territoire. Parmi ces nouveaux regroupements, un deuxième foyer de diffusion de la francophonie, situé dans le comté de Simcoe, retient l'attention. Il s'agit de Penetanguishene, un poste naval sur la baie Géorgienne, créé en 1828 au moment des travaux de canalisation des Grands Lacs et de la rivière Rideau. Un mouvement de colonisation...

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