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Note tableau II Le recours ou non à l’allaitement maternel explique en grande partie les différences constatées entre les taux de mortalité infantile des populations juive, anglo-protestante, anglo-catholique et franco-catholique de Montréal. Comme plusieurs auteurs et contemporains l’ont souligné, la pratique prolongée de l’allaitement était quasi universelle dans la communaut é juive, mais beaucoup moins courante chez les mères canadiennes -françaises, ce qui avait des conséquences assez catastrophiques pour leurs nourrissons. Il serait cependant hasardeux de comparer ces statistiques sans mentionner d’autres facteurs, notamment le sous-enregistrement des naissances et des décès des enfants juifs et anglo-protestants au début du siècle, mais aussi la plus grande propension, chez les catholiques , à faire entrer dans la catégorie des enfants «nés vivants» – catégorie qui servait à établir les statistiques de mortalité infantile – , des enfants qui étaient mort-nés et qui auraient dû en être exclus. La croyance que les enfants morts sans baptême étaient condamnés à errer pour l’éternité dans les limbes, amenait en effet les médecins catholiques (francophones comme anglophones), à interpréter très largement la définition d’un «mort-né» afin de pouvoir ondoyer l’enfant. Ces deux facteurs ont généralement eu pour effet de gonfler le taux de mortalité infantile des Franco-catholiques et des Anglo-catholiques et de faire diminuer celui des Anglo-protestants et des Juifs, sans qu’il soit possible de déterminer précisément dans quelle proportion. Ajoutons à cela que les enfants «illégitimes», chez les catholiques, étaient pris en charge par des institutions dirigées par des communautés religieuses où leur entassement produisait régulièrement des épidémies qui en fauchaient un très grand nombre, alors que chez les Anglo-protestants et les Juifs, 122 DENYSE BAILLARGEON Tableau II. Taux de mortalité infantile par mille naissances vivantes selon les groupes ethno-religieux, Montréal, 1901–1940 Années Canadiens Autres Protestants Juifs Tous français catholiques groupes 1901–05 289.4 273.6 186.2 — 275.0 1906–10 277.0 254.9 186.4 138.5 262.0 1911–15 237.6 224.6 173.8 113.8 209.0 1916–20 205.4 210.1 126.7 56.3 184.9 1921–25 164.1 159.9 79.5 39.6 141.7 1926–30 146.0 163.6 75.2 40.5 130.5 1931–35 109.9 103.1 62.9 37.3 98.9 1936–40 86.9 64.1 48.3 26.2 76.4 Source : Rapports annuels du Service de santé de la ville de Montréal beaucoup de ces enfants étaient pris en charge par des familles d’accueil ou placés en pension, des pratiques qui réduisaient considérablement les risques de décès. Sur la question de la construction sociale des données démographiques et des distorsions qu’elles comportent, voir George Emery, Facts of Life. The Social Construction of Vital Statistics. Ontario 1869–1952 (Montréal et Kingston : McGill-Queens, 1993), en particulier le chapitre 5 qui s’intéresse à la comptabilisation des mort-nés au Québec et en Ontario, et François Guérard, «La santé publique dans deux villes du Québec de 1887 à 1939. Trois-Rivières et Shawinigan», Thèse de Phd. (Histoire), UQAM, 1993, p. 507–13. Remerciements Cette recherche a bénéficié du soutien financier du fonds FCAR du gouvernement du Québec et de l’Institut Hannah d’histoire de la médecine . Mes plus vifs remerciements à Marie-Josée Blais, Karine Hébert et Nathalie Pilon qui ont contribué à la recherche. Notes 1 Extrait d’une conférence intitulée «Pour l’Action française», prononcée le 10 avril 1918, cité dans François Guérard, «La santé publique dans deux villes du Québec de 1887 à 1939. Trois-Rivières et Shawinigan», Thèse de Phd. (Histoire), UQAM, 1993, p. 247. 2 Comme l’illustrent les nécrologies publiées dans L’Union médicale du Canada. 3 Guérard, «La santé publique», p. 63–67. 4 Pour une perspective comparative au sujet de la lutte contre la mortalité infantile dans les pays européens et plus généralement du mouvement en faveur du bien-être infantile et maternel, voir Seth Koven et Sonya Michel, dir., Mothers of a New World. Maternalist Politics and the Origins of...

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