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Conclusion: Transits contemporains de la modernité
- University of Ottawa Press
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Conclusion Transits contemporains de la modernité Pascal Gin Carleton University, Canada Quelque particulière que soit la perspective caract érisant chacune des études que regroupe le présent volume, celles-ci s’inscrivent collectivement contre la caducité présumée d’une réflexion contemporaine sur la modernité. Au-delà de ce constat qui confère cohérence à l’effort intellectuel traversant cet ouvrage, il importe toutefois de préciser certaines orientations sousjacentes aux regroupements thématiques qui l’ordonnent textuellement. De l’expérience japonaise de la modernité à l’écriture d’un cosmopolitisme postnational, d’une responsabilisation politique de la raison scientifique aux nouvelles disparités qu’introduit la modernisation numérique se communiquent effectivement des préoccupations saillantes justifiant que nous nous y attardions. Dégageant une à une ces trois orientations dont attestent les contributions à ce volume, nous les réfèrerons à une problématique d’ensemble, soit celle du rapport entre mondialisation et modernité, particulièrement apte à faire ressortir les enjeux propres à chacune. Telle sera donc la pertinence heuristique reconnue ici au paradigme émergeant de la mondialisation, que nous n’élargissons aucunement à quelque thématique reprise d’un chapitre à l’autre, mais que nous mobilisons à titre de cadre de référence devant nous permettre de Conclusion • Transits contemporains de la modernité 377 378 Pascal Gin circonscrire les localisations privilégiées de la réflexion contemporaine sur la modernité. L’objection préjudicielle qu’il nous faut confronter repose sur une périodisation qui, implicite ou non, nous situerait, par deux fois déjà, à distance de ce qu’aurait pu signifier le moderne. Le premier dépassement procède de l’impulsion puis de l’essor, en certains lieux quasi hégémoniques , de la critique postmoderne, à laquelle il s’agirait d’attribuer l’épuisement épistémologique des pensées de la modernité. La périodisation concerne ici, au-delà de la simultanéité des débats ayant pu avoir cours (dont atteste le différend qui opposait François Lyotard à Jürgen Habermas dans les années 1970), l’éclipse progressive d’un paradigme par l’autre, du moins en ce qui concerne la diachronie des discours de savoir et les pensées dominantes qui s’y affirment. Le second dépassement se présente sous un jour moins ouvertement discursif. Il concerne une contemporanéité résolument immédiate, l’ici-maintenant de ce qui s’esquisse comme prémices du XXIe siècle. La conjoncture de la mondialisation et les enjeux contrastés qu’elle définit, semblent effectivement avoir pris de court une alternative modernité–postmodernité qui paraît inapte à signifier l’actualité complexe de conditions globalisées. L’heureuse formule d’Appadurai, « modernity at large » (1996), ne peut mieux exprimer ce sentiment de dérive affligeant aujourd’hui le continent intellectuel sur lequel se jouait le renouvellement ou l’effondrement d’un projet aux contours désormais distants. Lever l’obstacle de ce double dépassement s’impose donc comme tâche essentielle dont doit s’acquitter toute tentative , dont la présente, de reprendre et de poursuivre la réflexion sur la modernité. Eu égard au déclin épistémologique qu’aurait signalé le moment postmoderne, force nous est de constater combien la production intellectuelle contemporaine mobilise de toutes parts la modernité et ses transformations pour penser ce que Jauss (1978) nommait, à propos de la seule modernité littéraire, cette « conscience historique qu’un nouveau présent prend de lui-même » (p. 161). Le bilan détaillé que dresse à ce propos Walter [3.145.119.199] Project MUSE (2024-04-17 21:00 GMT) 379 Conclusion • Transits contemporains de la modernité Moser (voir supra) atteste parfaitement d’une modernité qui nous occupe et préoccupe, dont les transits et mutations interpellent aujourd’hui, entre autres exemples, la sociologie comme l’anthropologie culturelle. La diversité même des horizons de réflexion que rassemble le présent volume témoigne précisément de la pertinence élargie dont jouit aujourd’hui une modernité dont les multiples contours seraient à repenser. À en juger par les seules récurrences thématiques de la modernité dans la circulation du savoir et des discours qui l’informent, ce serait en définitive contre la postmodernité même que s’infléchirait l’éventuel reproche d’une certaine entropie ou perte de vitesse. Mais que dire en revanche de cette autre inadéquation présumée, soit de l’écart qui se creuserait entre la cartographie...