In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

3 La refondation de la société moderne Richard Dubé Université d’Ottawa, Canada Alvaro Pires Université d’Ottawa, Canada Introduction L e titre de cet ouvrage, Modernité en transit/ Modernity in Transit nous renvoie à l’idée d’une mouvance , d’une trajectoire; une trajectoire qui se serait jadis donnée comme point de départ un ambitieux projet d’émancipation, d’égalité et de développement, et qui aujourd’hui nous surprend à mi-parcours en train de réfléchir aux solutions que nous pourrions apporter à des problèmes majeurs et globaux, plus ou moins fortuits, qui découlent directement de la mise en œuvre du « devis » de la première modernité. Quelque part dans cette trajectoire, des ruptures ont brutalement séparé dessein et réalité. Elles sont venues, du coup, ébranler notre foi dans le Progrès, plus particulièrement cette foi qui nous avait longtemps permis de croire que ce Progrès serait linéaire, cumulatif et certain. Elles sont par ailleurs venues ébranler notre foi dans l’« humanisme » (Foucault, 1966a; 1966b), c’est-à-dire dans cet « élément vital d’autodescription du système [société La refondation de la société moderne 111 moderne] comme étant “humain” » (Luhmann, 2006, p. 271). Cette société moderne se voulait « sans exclusion »; une société où les êtres humains compteraient, sans exception , comme des « personnes » et non comme des « corps » ou de simples « individus » (Luhmann, 1999a, p. 632-633) dont nous nous débarrassons dans les favelas, dans les prisons (Luhmann, 1999b), dans les chambres de la mort, non rarement au nom de nos « valeurs fondamentales » abstraites, ou au nom du « symbolisme » ou encore pour que les mauvaises choses ne se répètent pas… Nous pouvons bien sûr adresser nos reproches au passé, regretter les promesses brisées et les déceptions accumul ées. Nous pouvons aussi dire que nos valeurs fondamentales exigent certains sacrifices. Nous pouvons de la même manière reconnaître les aspects plus positifs et les avancements réalisés à travers la poursuite de nos premiers idéaux modernes1 . Mais une fois que ce bilan de la première modernité aura été fait, la question qui pourrait apparaître est bien sûr celle de l’avenir : « Quel avenir pour notre société moderne? ». Dans ce qui suit, nous nous proposons de souligner les enjeux théoriques reliés à cette dernière question lorsque soulevée dans le contexte d’une société fonctionnellement différenciée; nous tenterons notamment d’expliquer dans cette première partie pourquoi la réflexion à laquelle nous convie cette question ne peut plus être menée du haut d’une strate sociétale hiérarchiquement supérieure aux autres (qu’il s’agisse de la strate économique ou politique), mais doit plut ôt être développée dans le cadre d’« une société sans sommet ni centre; une société qui évolue mais [qui] ne peut pas se contrôler elle-même » (Luhmann, 1997, p. 22-23). Les premiers développements sur la différenciation fonctionnelle de la société et ses implications seront suivis de considérations théoriques sur les différents modes de gestion pouvant être privilégiés par les systèmes de fonction lorsque ceux-ci entreprendront des opérations de réflexion afin de maintenir l’équilibre suite aux déceptions de la premi ère modernité, plus particulièrement celles associées à leur propre fonctionnement. Dans cette deuxième partie, Richard Dubé • Alvaro Pires 112 [3.145.206.169] Project MUSE (2024-04-25 14:23 GMT) nous verrons en outre comment le mode de gestion privil égié oriente l’évolution du système de fonction tout en faisant impression sur l’avenir du système global (la société). La différenciation fonctionnelle de la société et l’autonomisation des systèmes sociaux Suivant la théorie des systèmes sociaux de Niklas Luhmann (1970), la société est représentée comme un système social englobant toutes les communications et au sein duquel, autour d’une fonction spécifique, des sous-systèmes sociaux auraient opéré et délimité, à partir de leurs propres opérations , une frontière opérationnelle séparant le sous-système d’un environnement, de son environnement. Ainsi, dans ce processus de différenciation « reproduisant des systèmes dans les systèmes […] et des distinctions dans ce qui est distingué » (Luhmann, 1997, p. 15), le...

Share