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25. Quand Law devient la loi
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405 CHAPTER 25 QUAND LAW1 DEVIENT LA LOI Michèle L. Caron* Il y a quelques jours lorsque j’ai finalement pu m’asseoir pour préparer ma communication, j’ai relu le résumé que vous avez trouvé dans votre trousse. Ces lignes que j’ai remises à Liz Sheehy dans toute l’innocence de l’été présumaient d’une disponibilité que je n’ai pas eue, mais surtout, elles promettaient quelque chose qui dépasse mes compétences. Je porte donc seule la responsabilité de cee représentation trompeuse et vous voudrez bien m’en excuser. Aussi, je limiterai mes commentaires à quelques observations personnelles, qui, je l’espère, ne sont pas trop irrévérencieuses. D’abord, un souvenir personnel : nous sommes en août 1993. Je suis en route pour la ville de Québec, avec Teressa Scassa et Audrey Macklin,2 qui, parties d’Halifax, ont fait un arrêt à Moncton pour m’y prendre. Ensemble nous allions assister à la rencontre de l’Association du Barreau canadien (l’ABC) au cours de laquelle le rapport Wilson devait être rendu public. Après deux ans d’aente et de spéculations quant à l’orientation des travaux du comité, nous allions enfin lire ses conclusions et ses recommandations. Nous n’avons pas été déçues. Le rapport3 Wilson a été bien accueilli: l’ABC a entériné plusieurs de ses recommandations; la plupart des barreaux provinciaux en ont fait autant. En dépit de l’opposition de certains, dont le quotidien Globe and Mail, qui, dans un éditorial virulent, le qualifiait d’exagération et même d’invention,4 il était permis d’espérer. Au cours des mois qui ont suivi, la constitution de comités dans les universités, dans les barreaux et dans certains cabinets nous permeait de croire que nous allions faire des avancées puisque nous n’étions plus seules chacunes dans nos petits univers. En tout cas, pour des féministes qui, comme moi, se sentaient souvent très isolées, le rapport Wilson avait presque l’autorité d’une décision de principe de la Cour suprême du Canada. Une nouvelle norme allait prescrire, et, comme le dit la chanson c’était « le début d’un temps nouveau5»! 406 Regrouping for Change Dans mon rêve, et je crois aussi un peu, dans notre rêve collectif, le projet de l’égalité dans la profession n’allait plus être confiné à l’action des féministes et des membres des minorités racialisées ou sexuelles ou des personnes handicapées mais l’effort allait être institutionnel. La profession juridique entière allait modifier les vieilles pratiques pour faire de la place aux minorités et une nouvelle normalité allait s’installer. Reconnaissant qu’en plus d’être prescriptif, le droit est aussi descriptif,6 nous avions l’espoir que la nouvelle normalité des juristes allait se traduire dans un droit substantiel plus aentif aux oppressions et à leur structuration. Nous avions l’espoir que ce Rapport allait donner une nouvelle impulsion à la promesse d’égalité réelle que la Cour suprême du Canada avait faite quatre ans plus tôt dans l’affaire Andrews.7 Dix ans plus tard, force est de reconnaître que ces promesses ne se sont pas matérialisées. Certes le nombre de femmes et de personnes appartenant à d’autres minorités a accusé une légère augmentation au sein de la profession,8 notamment au sein de la magistrature,9 mais le droit positif de l’égalité, quant à lui, a regressé. Ce recul a reçu sa confirmation dans la décision Law c. Canada ( Ministre de l’Emploi et de l’Immigration)10 rendue par la Cour suprême du Canada le 25 mars 1999. On se rappellera que dans cee affaire, la Cour suprême sous la plume du juge Iacobucci introduisait une nouvelle démarche d’analyse en trois étapes pour déterminer si une mesure gouvernementale viole les garanties d’égalité prévues à l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. Les deux premières étapes répètent pour l’essentiel la démarche suivie jusqu’alors, c’est-à-dire, qu’on tente d’abord d’établir s’il existe une distinction dans le traitement et ensuite si la différence dans le traitement est fondée sur...