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  • Le Marronnage dans la littérature caribéenne par Alexandra Roch
  • Rachel Danon
Le Marronnage dans la littérature caribéenne. Par Alexandra Roch. (Critiques littéraires.) Paris: L'Harmattan, 2017. 328 pp.

La création artistique et littéraire caribéenne s'inscrit dans une 'démarche émancipatrice' (p. 19) immanquablement marquée par le marronnage en tant que phénomène historique de résistance à l'oppression esclavagiste et coloniale. L'étude d'Alexandra Roch suggère que cette démarche est non seulement à l'origine d'une identité caribéenne, mais aussi d'une esthétique romanesque caractérisée par une révision des normes occidentales imposées. Un corpus de trois romans de l'Afro-Trinidadien, Earl Lovelace, The Schoolmaster, The Dragon Can't Dance et The Wine of Astonishment, auxquels s'ajoutent le roman Abeng de la Jamaïcaine, Michelle Cliff, et Un dimanche au cachot du Martiniquais, Patrick Chamoiseau, soutient la recherche de Roch. Elle y retrace d'abord les caractéristiques du nègre marron dont la résistance acharnée, fait passer ce 'hors-la-loi' au 'héros de la marge' (p. 80) dans l'imaginaire des afro-descendants. Le marron se voit ainsi investi d'une mission mythique en laquelle se reconnaissent tous les déportés d'Afrique. [End Page 330] L'enquête de Roch se poursuit autour de la notion d'espace-temps ou de 'chronotope' emprunté à Mikhaïl Bakhtine pour analyser le mécanisme 'du palimpseste colonial: une douleur vive' (p. 123), qui continue d'affecter aussi bien les personnages que les paysages trinidadien, jamaïcain et martiniquais inscrits 'dans un enfermement historique et géographique' (p. 124). Cette situation de 'blès' (p. 130), dans laquelle sont maintenus les personnages noirs des différents récits, est la cible principale du marronnage pour faire de l'opprimé un agent de sa propre vie et l'introduire subséquemment dans un 'réontologisme' (p. 210). L'autre versant du marronnage que Roch relève porte sur la récupération et la réappropriation de l'espace corporel par la danse, le masque et la prière. Quant à l'esthétique marronne comme mode d'écriture pratiqué par les trois auteurs du corpus, elle s'édifie dans un style discursif de rupture à l'image du nègre marron. C'est ainsi que les œuvres de Lovelace relèvent d"une écriture mimétique subversive' (p. 271). Cliff et Chamoiseau s'inscrivent dans une 'écriture transgressive' (ibid.) traduite par la 'drive' en tant qu''errance mentale' (p. 171) avec pour but de bouleverser la structure narrative du genre romanesque traditionnel. L'art du détour comme outil de marronnage permet par ailleurs, au griot-narrateur comme Eva Dorcas de Lovelace ou au 'conteur créole' campé par Chamoiseau lui-même, de dénoncer la domination et l'oppression persistantes dans l'île. Roch parle alors d'une 'esthétique bacchanale' qui réfère à une 'écriture du désordre et du renversement' où se conjuguent l'oralité et l'écriture (pp. 226 et 246). Ce qui révèle en fin d'analyse la mission de l'écrivain caribéen, celle de construire la véritable histoire de la marge en suivant les multiples traces laissées par l'esclavage colonial et les résistances sourdes des marrons à ce système aliénant. Une tâche qui serait sans doute rendue difficile sans la capacité indestructible et créatrice de la mémoire de l'esclave marron dépouillé de tout, que l'étude de Roch souligne bien et dont on attendait certainement un développement un peu plus approfondi.

Rachel Danon
Université Pelefero Gon Coulibaly Korhogo
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