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Reviewed by:
  • Œuvres complètespar George Sand
  • Pascale Auraix-Jonchière
G eorgeS and, œuvres complètes. Sous la direction de B éatriceD idier. 1846. Isidora. Édition établie par A nnabelleM. R ea. ( Textes de littérature moderne et contemporaine, 192.) Paris: Honoré Champion, 2018. 266 pp.

Isidora, qui retrace l'histoire de l'ancienne courtisane Isidora dans le Paris des années 1830, s'inscrit dans le riche corpus des romans de la prostitution au dix-neuvième siècle, où il occupe une place originale en raison du point de vue adopté: celui de la femme. Annabelle Rea entreprend dans cette édition critique de mettre en lumière la dimension novatrice de ce roman pourtant méconnu dont George Sand elle-même souligne la 'har-diesse'. La substantielle présentation du texte, qui repose sur des recherches minutieuses, retrace la genèse du roman, dont la contextualisation précise permet d'emblée de mesurer la dimension sociale, renforcée par l'ajout in finede plusieurs lettres de l'héroïne qui soulignent son émancipation et font d'elle une figure bienfaitrice qui a gagné en profondeur et incarne une vision sociale plus égalitaire et l'avènement de la 'femme devenue écrivaine' (p. 36). Rea insiste sur la problématique du genre ( gender) en analysant la façon dont cette fiction met en regard un discours masculin stéréotypé (celui de Jacques Laurent) et un discours féminin dénonciateur (celui d'Isidora) qui condamne l'asservissement de la femme, refuse les clichés et célèbre la puissance de l'intelligence. L'analyse, très convaincante, exploite la poétique de l'œuvre, notamment sa construction spéculaire, son écriture oxy-morique (qui exploite à nouveaux frais le binôme ange et démon) et la surdétermination mythologique des différents personnages féminins (Isis, Philomèle ou Lilith, par exemple). Dans ce contexte, on regrette le peu de place accordée à la figure de Marie-Madeleine, pourtant au cœur du système de représentations qui structure la réflexion des genres dans ce roman et, sous un angle plus biographique, au rôle joué par l'histoire maternelle dans l'élaboration du récit. On apprécie en revanche l'analyse originale de l'espace dans ce roman parisien, un espace lui aussi genre. L'appareil critique de cette édition érudite frappe par son abondance et sa précision: notes infrapaginales copieuses et scrupuleuses qui établissent le réseau des correspondances intra-ou intertextuelles, mais aussi l'arrière-plan social et culturel de l'époque; documents iconographiques; variantes (manuscrit, publication en feuilleton, éditions diverses, extraits publiés en 1847 dans Les Tablettes de Paris). Le dossier consacré à la réception rassemble des fragments critiques accompagnés de commentaires éclairants, ce qui montre le manque d'intérêt suscité par ce texte 'passé presque inaperçu' (p. 247). On y lit la vive désapprobation d'un certain nombre de critiques devant les prises de position de Sand, voire une forme de mépris pour la création de cette 'pompeuse courtisane' aux 'lectures invraisemblables' (Louis Veuillot, p. 252). Un panorama diachronique et international permet de mesurer de façon éclairante les jeux de la réception, avec un tournant dans les années 1990, marquant une renaissance critique du roman, à la faveur sans doute d'une féminisation de la [End Page 297]communauté scientifique sandienne. Cette édition a le grand mérite de faire découvrir un roman encore trop oublié en éclairant avec force ses multiples enjeux.

Pascale Auraix-Jonchière
Université Clermont Auvergne

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