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  • Raconter la douleur. La souffrance en Europe (XVIIe–XVIIIe siècles) sous la dir. par Marilina Gianico
  • Laura Tatoueix
Raconter la douleur. La souffrance en Europe (XVIIe–XVIIIe siècles) Marilina Gianico (dir.) Paris : Classiques Garnier, 2018, 28,00 €

L'ouvrage propose d'aborder quelques aspects d'une thématique extrêmement riche : celle des représentations de la douleur. La directrice de l'ouvrage, Marilina Gianico, rappelle dès l'introduction qu'il s'agit seulement d'évoquer quelques points nouveaux explorés par la recherche récente, puisque ce sont les actes d'un colloque international tenu à Mulhouse en 2014. De fait, le titre de l'ouvrage restreint déjà le cadre, en abordant la question de la douleur uniquement par le biais de son récit – comme en témoigne d'ailleurs l'approche majoritairement littéraire – mais également en limitant l'étude à l'Europe des 17e et 18e siècles. L'introduction de Marilina Gianico est longue, ce qui est assez rare dans les ouvrages issus de colloques, mais elle se contente un peu trop de dévoiler les contributions à suivre. Elle rappelle que le fil conducteur de l'ouvrage est d'interroger les liens entre littérature et médecine, à travers l'analyse de la façon dont la douleur est perçue, vécue et représentée, en questionnant le rôle du 18e siècle comme moment de renversement épistémologique.

Les deux premières contributions interrogent les liens entre médecine et récit, mais à l'époque contemporaine. Si dans la structure de l'ouvrage, ces deux textes semblent être pensés comme une sorte de prologue à des études qui se recentrent ensuite sur le cadre proposé, elles laissent le ou la lecteur.trice un peu confus.e. L'éloignement temporel rend les problématiques anachroniques au regard de celles exposées en introduction. Vu l'ampleur d'un tel sujet et le caractère réduit des contributions, ces deux chapitres nuisent à la cohérence d'ensemble de l'ouvrage.

La deuxième partie revient donc au cadre proposé en interrogeant le lien entre la douleur et les passions – si chères au 17e siècle – et sa représentation. Laurent Curelly analyse notamment la mise en scène du corps souffrant dans la poésie de dévotion anglaise du 17e siècle par le biais de l'évocation des larmes. Adriana de Feo montre comment les modalités de la représentation de la douleur – topos de l'opéra – évoluent entre le 17e et le 18e siècle.

La troisième partie s'intéresse à la subjectivité de l'expérience douloureuse et à la façon dont des femmes se racontent à travers elle : Madame de Sévigné dans sa correspondance (contribution de Mathilde Vanackere) et une mystique limougeaude méconnue, autrice d'une autobiographie spirituelle. Chez cette dernière, [End Page 236] Catriona Seth montre bien que le corps est au cœur du récit et que l'expérience de la douleur est perçue comme une étape centrale de la construction de son identité mystique. L'auteure insère d'ailleurs ce texte dans la catégorie des « autopathobiographies », qu'elle analyse.

La quatrième partie, intitulée « de la douleur au mal de siècle », s'inscrit dans une réflexion sur les correspondances entre des expériences individuelles de la douleur et des représentations collectives. La contribution de Marilina Gianico explore la diffusion des nouvelles idées médicales concernant la sensibilité dans quelques œuvres romanesques de la seconde moitié du 18e siècle. Elle analyse notamment de nouvelles façons positives d'envisager la douleur, dans l'émergence d'un lien entre génie et souffrance, ou encore dans des réflexions sur le rôle de la douleur dans le désir. Christine Hammann explore un topos littéraire qui connaît un franc succès au 18e siècle, le fait de « mourir de douleur » et analyse avec minutie quatre exemples. Les contributions de Filippo Sani et Pascal Hintermeyer reviennent sur deux pathologies...

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