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Reviewed by:
  • Sociologie des classes populaires contemporaines par Yasmine Siblot et al.
  • Ingrid Hayes
Yasmine SIBLOT, Marie CARTIER, Isabelle COUTANT, Olivier MASCLET et Nicolas RENAHY, Sociologie des classes populaires contemporaines, Paris, Armand Colin, « U », 2015, 368 p.

L'ouvrage se présente comme un manuel destiné aux étudiants de sociologie. Ceux-là sont chanceux, qui feront leurs armes avec un tel outil. Ce livre est une excellente et indispensable synthèse des travaux portant sur les classes populaires depuis un demi-siècle et incluant des enquêtes de terrain très récentes 23. Ces travaux constituaient jusque-là une forme de patchwork, ne permettant que des conclusions partielles et insuffisantes, faute d'avoir été mis en relation les uns avec les autres. Mais le livre va bien au-delà et renouvelle profondément l'approche de la question, en énonçant une problématique de recherche et en tirant les conclusions de sa mise en ordre synthétique.

Un fil conducteur structure l'ouvrage : « peut-on parler de classes populaires aujourd'hui, au double sens de groupes démunis et dominés, et de groupes caractérisés par une séparation culturelle par rapport aux classes moyennes et supérieures ? ». Le contexte idéologique, marqué jusqu'à la fin des années 1990 par une dévaluation du discours en termes de classe, et les profondes mutations de la société (expansion de la classe moyenne, réduction relative du groupe ouvrier, consommation de masse, prolongement des scolarités…), ont convergé pour mettre en doute l'idée que la société est structurée en groupes sociaux occupant des positions inégales, et séparés par des rapports de domination. Cela n'a pas empêché la sociologie des classes populaires de se constituer, ce que les auteurs démontrent brillamment.

Dans la lignée d'Olivier Schwartz 24, ils définissent dès l'introduction les catégories qu'ils considèrent (essentiellement les ouvriers et les employés) comme constituant « de vastes ensembles de populations conjuguant petitesse du statut professionnel et social, étroitesse des ressources économiques, éloignement par rapport au capital culturel ». Ces propriétés négatives ont pour conséquence une distance vis-à-vis de la culture et des modes de vie des classes moyennes et supérieures et l'existence de traits culturels communs « relativement autonomes ». Reste à déterminer quels sont désormais les contours des groupes dominés, les formes et les effets de la domination qu'ils subissent, mais aussi les clivages qui les traversent.

Il n'est pas aisé de rendre compte d'un livre aussi dense, mais l'on peut tenter d'en retracer quelques conclusions, en suivant l'ordre thématique choisi par les auteurs. [End Page 172]

Le premier chapitre décrit le glissement qui s'est opéré en sociologie de la classe ouvrière aux classes populaires, en produisant une synthèse fort utile des débats qui ont eu lieu dans ce domaine depuis les années 1970. Le deuxième chapitre tente de dégager, à partir des données statistiques disponibles, les traits communs aux ouvriers et aux employés. Les trois chapitres suivants se penchent sur ces traits communs en faisant porter l'attention successivement sur la sphère professionnelle, la sphère familiale et locale, puis les pratiques culturelles et de loisirs. Les deux derniers chapitres concernent le rapport des classes populaires à l'État et à la politique.

Au sein du salariat subalterne, condition partagée des ouvriers et employés, de profonds clivages opposent les hommes (ouvriers) aux femmes (employées), les salariés stables aux précaires, les qualifiés et les non qualifiés, les nationaux aux étrangers 25. La condition laborieuse leur est cependant commune par bien des traits, marquée par la subordination, et notamment caractérisée par des tâches usantes, physiquement et psychologiquement, une organisation subie du temps de travail (avec ses conséquences sur les vacances et les week-ends), de faibles revenus, les écarts avec les classes supérieures s'étant fortement accrus depuis les années 1980, ou encore l'absence de perspective de promotion professionnelle.

Dans la sph...

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