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  • Quand ils ont fermé l'usine. Lutter contre la délocalisation dans une économie globaliséepar Collectif du 9 août
  • Nicolas Brusadelli
COLLECTIF DU 9 AOÛT, Quand ils ont fermé l'usine. Lutter contre la délocalisation dans une économie globalisée, Marseille, Agone, « L'ordre des choses », 2017, 288 p.

L'ouvrage du Collectif du 9 août entend s'intéresser aux « formes de politisation au ras du sol » (p. 14) sur lesquelles a pris corps, dès 2008, le mouvement social des « Molex ». Sur la base d'une enquête menée à Villemur-sur-Tarn, petite commune périurbaine située à trente kilomètres de Toulouse où l'on produit des pièces automobiles, il se veut une contribution à une sociologie des mobilisations ouvrières, qui insiste sur « la continuité et l'articulation entre […] les temps et les espaces du travail, de la mobilisation, de la sphère domestique et des tierces activités » (p. 20). Il s'agit d'examiner les dispositions politiques des ouvriers, la manière dont elles s'articulent avec les formes collectives plus institutionnalisées, ou encore les transferts de ressources (savoir, savoir-faire, catégories d'entendements, contacts et relations, etc.) qui s'opèrent vers le champ politique depuis des activités qui lui sont extérieures. Les membres du collectif tentent aussi de rendre compte, pour expliquer le relatif succès de la lutte des Molex, de la manière dont les produits symboliques de la mobilisation (une certaine identité ouvrière, un « cadre d'injustice » spécifique, des revendications, etc.) ont pénétré les champs médiatiques, politiques ou judiciaires tout en y étant reformulés. L'ouvrage invite donc à un véritable programme de recherche, qui prendrait pour objet « la manière dont la politisation au niveau local s'inscrit dans des mécanismes globaux » (p. 253). Ses membres puisent pour cela bien sûr dans les acquis de la sociologie des mobilisations et de la sociologie politique, mais également dans ceux de la sociologie du travail, du droit ou du journalisme.

Cette pluralité des approches se retrouve dans la composition pluridisciplinaire de l'équipe des rédacteurs de ce livre. Autour de ce noyau s'est agrégée une équipe plus large, évolutive, constituée au gré des stages de terrain organisés pour les étudiants du master recherche de Sciences Po Toulouse. L'enquête collective s'est étendue de 2010 à 2015, à raison de trois à quatre semaines d'immersion par an, dans des gîtes loués pour l'occasion. Les matériaux recueillis sont de divers types, et plutôt impressionnants dans leur volume. Il s'agit d'abord de cent soixante entretiens menés avec des salariés de l'usine Automotive-Molex et leur famille, mais aussi avec des cadres internationaux impliqués personnellement dans la fermeture de l'usine, avec les avocats des deux parties, des journalistes, des élus politiques, des experts ou des syndicalistes. Il s'agit ensuite de nombreux comptes rendus d'observations, tirés des manifestations, procès, occupations de l'usine ou dispositifs du plan de sauvegarde de l'emploi. Les archives en provenance du comité d'entreprise mais aussi du cabinet de reclassement–dont les dossiers individuels de suivi des salariés–ont également été examinées. Enfin, un corpus d'articles de presse consacrés à la fermeture a été constitué, sur la base duquel une analyse quantitative et qualitative a été menée. Si la solidité des matériaux recueillis est l'un des points forts de l'ouvrage, une autre de ses qualités réside à n'en pas douter dans sa cohérence d'ensemble et dans son écriture collective, perceptible dans le style homogène et très accessible qui est commun aux différents chapitres. Ces derniers, au nombre de six, sont essentiellement thématiques, à l'exception notable du premier d'entre eux.

Le chapitre 1 fournit au lecteur des éléments sur l'histoire de l'usine dans la ville, sur celle de sa fermeture et de la mobilisation qu'elle a suscitée. On y comprend alors les conditions d'émergence du...

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